Chapitre IX : LA SOCIALISATION REVOLUTIONNAIRE :
SUCCES, PERVERSITES ET RESISTANCES
Quel bilan peut-on faire de l'application de la politique du
CNR à travers les CDR pour changer les mentalités et permettre
l'érection de la société nouvelle ? L'oeuvre des CDR en
faveur de cette aspiration du CNR a constitué une dimension
véritablement agissante sur la société entre1983 et 1987.
Cette politique a exprimé des effets non seulement positifs mais aussi
négatifs dont nous proposons l'analyse dans ce chapitre. Nous consacrons
notre analyse dans ce chapitre d'abord sur les aspects positifs, avant
d'aborder les effets négatifs
IX.1. Les acquis sociaux
La fonction éducative des CDR à l'endroit des
masses et la concrétisation de plusieurs initiatives
générèrent des résultats heureux contribuant de
facto à l'amélioration des conditions de vie. Nous
concentrons notre étude essentiellement sur cinq points : un sensible
changement de mentalités, le succès de la scolarisation et de
l'alphabétisation, l'amélioration des conditions de vie
(santé, assainissement, eau), la création d'emplois et la
réduction du chômage, la diminution du banditisme entre 1983 et
1987.
IX.1.1. Un réel changement des
mentalités
La campagne des CDR en faveur d'une nouvelle conscience
nationale avait eu des retombées appréciables. On peut à
cet égard parler d'une conversion assez remarquable des
mentalités. Nous pouvons relever le patriotisme suscité que nous
avons maintes fois souligné antérieurement. Les
différentes actions qui ont été entreprises avec la
mobilisation du peuple avaient fait naître une nouvelle
compréhension chez ce dernier, mue par la confiance en ses propres
capacités pour rendre meilleures ses conditions existentielles. Au
peuple revenait la tâche de forger son propre bonheur. Chaque
Burkinabé pouvait et devait par son action faire le bonheur de tous les
autres Burkinabé. Ce fut la naissance d'une responsabilité
collective sous-tendue par un esprit d'association et de solidarité qui
s'était ainsi opéré.
La période 1983%1987 de la révolution
burkinabé divulgue en effet la mise sur pied de plusieurs associations
surtout féminines. Ainsi, on avait assisté à la
création de coopératives, à la redynamisation des
groupements villageois, vraiment à l'expression d'une conscience
populaire du développement. Par exemple, la réalisation à
100% des programmes de base au niveau des secteurs dans le cadre du PPD, la
196 construction de plusieurs édifices sociaux, la
gestion des dépôts pharmaceutiques et des magasins Faso
Yaar... concourent à l'effectivité de cette dynamique
associative. L'initiative ne revenant pas à l'Etat seulement, la
population ne se privait d'élaborer des projets ou d'effectuer une
action pour pallier une situation d'urgence posée au niveau des
collectivités sectorielles. Il n'était point rare de voir les
habitants d'un secteur en train de refaire des routes ou de s'adonner à
des tâches de nettoyage.
Un autre aspect de cette perceptibilité des changements
de mentalités fut l'esprit de discipline qui régissait dans une
certaine mesure le vécu quotidien des gens. « Il y avait plus
de discipline sur les places publiques, surtout lorsqu'il y avait rassemblement
d'individus ».582 Nos investigations nous ont donné
les preuves de cette vitalité disciplinaire. Par exemple, lorsqu'il
s'agissait de s'aligner dans un service public, la présence des CDR
persuadait les gens au respect de leur rang. Il y avait peu de désordre.
Il en est de même pour la circulation routière dont la
réglementation était assez honorée. Au niveau des
marchés, il y avait une certaine harmonie des installations et les gens
ne jetaient pas les ordures au hasard.
Le dernier aspect de l'évolution du comportement
pendant les quatre premières années de la RDP a été
l'amélioration du statut de la femme. Nous nous sommes
déjà longuement appesanti sur la question au niveau du chapitre
VI de notre travail. Nous voulons seulement faire comprendre davantage que
cette politique en faveur de la femme a eu des effets positifs et qu'elle a
consacré une prise de conscience réelle de l'importance de la
femme dans les circuits de développement socioéconomique. On a
observé par exemple une nette diminution des mariages coutumiers, de la
prostitution... et une hausse sensible de la scolarisation des filles.
Globalement, on peut affirmer que la femme burkinabé a connu une
réhabilitation sous la révolution.
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