WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les Comités de Défense de la Révolution(CDR) dans la politique du Conseil National de la Révolution(CNR)de 1983 à  1987: une approche historique à  partir de la ville de Ouagadougou

( Télécharger le fichier original )
par Kakiswendépoulmdé Marcel Marie Anselme LALSAGA
Université de Ouagadougou - Maîtrise 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

V11.2.2. La repression des syndicats

La décision de l'usage de la répression totale contre les syndicats procédait de l'échec de la tentative de leur vassalisation par le CNR. Le refus catégorique des

459 Les syndicats signataires de la déclaration : CSB, FSB, SAMAB, SNAID, SYNTER, SYNTETH, SYNTRAGMIH.

460 John David KERE, 1988, Syndicats et pouvoirs politiques au Burkina Faso, mémoire de DEA, Université de Bordeaux I, Institut d'Etudes Politiques de Paris, CEAN, pages 83 et 84. 461Kabeya Charles MUASE, 1989, Syndicalisme et démocratie en Afrique : l'expérience du Burkina Faso, Paris, Karthala, page 204.

462Kabeya Charles MUASE, « Un pouvoir des travailleurs peut-il etre contre les syndicats » in POLITIQUE AFRICAINE N° 33, 1989, Retour au Burkina, Paris, Karthala, page 55.

155 syndicats de s'incorporer dans les CDR et leur dénégation de la politique du CNR avaient valu l'application de la coercition sur eux. Babou Paulin BAMOUNI déclarait à ce sujet: « La place des syndicats ne peut être qu'd coté de notre Révolution pour l'aider dans sa marche irréversible vers la société nouvelle, source de bonheur pour le Voltaïque. Un syndicat qui se situerait hors de cette logique ne peut plus prétendre défendre les intérêts des travailleurs et encore moins ceux du peuple. Son camp est connu : celui de la minorité réactionnaire décidée a utiliser des sigles syndicaux [...] pour satisfaire ses intérêts égoïstes et funestes dans un esprit petit-bourgeois exécrable et vilement abominable ».463

L'usage de la répression n'est pas une innovation découlant seulement de la conjoncture conflictuelle du début de l'année 1985 où le CNR avait contre-attaqué le corps syndical. L'exercice de la coercition comme instrument de contrôle du mouvement syndical a toujours été une constante dans les méthodes politiques du CNR. La décapitation du SNEAHV en constitue une illustration exemplaire. En prenant la décision de réprimer le mouvement syndical, le CNR révélait une fois de plus sa volonté éditée de contrôler sans concession l'ensemble du corps social. Cette répression occasionnée par la déclaration du 28 janvier 1985 avait évolué dans une certaine constance jusqu'à l'avènement du 15 octobre 1987. Une répression dans laquelle les CDR composaient un outil efficace pour le CNR.

La campagne antisyndicale du CNR fut sitôt mise en branle au lendemain du 28 janvier 1985. Les propos et les actions bellicistes ne se sont pas fait attendre du côté du CNR et de ses structures populaires. Dès le 31 janvier 1985, un décret présidentiel suspendait et dégageait 26 responsables syndicaux.464 Pierre OUEDRAOGO proféra des menaces allant des sévices à la neutralisation physique à l'encontre des syndicats ; il promit le "poteau n° 5" comme support d'exécution des syndicalistes.465 Les CDR de service et les CDR des commerçants commentèrent que la déclaration du front syndical n'avait d'autre philosophie que de la contre-révolution et regrettèrent que les révolutionnaires n'eussent pas fait suffisamment usage de césarisme sur des réactionnaires (syndicats) qui méritaient bien d'être mâtés et brisés.466 Quant aux CDR de garnisons notamment ceux de Ouagadougou et de Po, ils estimèrent que les syndicats étaient devenus anarcho-populistes et putschistes, c'est-à-dire qu'ils se cachaient derrière des intérêts dits du peuple pour refuser l'autorité de l'Etat

463 Propos cités par John David KERE, 1988, Syndicats et pouvoirs politiques au Burkina Faso, mémoire de DEA, Université de Bordeaux I, IEP/CEAN, page 78.

464 Kabeya Charles MUASE, 1989, Syndicalisme et démocratie en Afrique : l'expérience du Burkina Faso, Paris, Karthala, page 210.

465 John David KERE, 1988, Syndicats et pouvoirs politiques au Burkina Faso, mémoire de DEA, Université de Bordeaux I, IEP/CEAN, page 89.

466 C. T. « Levée de boucliers contre les anarcho-syndicalistes » in CARREFOUR AFRICAIN N°86E du 08 février 1985, page 16.

156 révolutionnaire dans la gestion des affaires économiques. Donc, ils étaient des ennemis débusqués de la RDP qu'il fallait purement et simplement fusiller.467 Dans l'hebdomadaire CARREFOUR AFRICAIN, les propos de Babou Paulin BAMOUNI furent on ne peut plus clairs et révélèrent toute la gravité de la situation, évidemment aux malheurs des syndicats : « L'heure est venue d'abattre définitivement les quelques Slots de resistance ».468 A travers ses différentes interventions sur la question, il s'évertua à soutenir que le syndicalisme burkinabé devait avoir un esprit révolutionnaire conforme au contexte politique du moment et dit plus tard avec cynisme qu'au cas échéant, il ne fallait point lésiner à neutraliser avec plaisir les anarcho-syndicalistes car la révolution grandissait en s'épurant.469 La déclaration des CDR du secteur 11 de la ville de Ouagadougou dénota aussi la même tendance générale à l'extrémisme : « Jusqu'd present aucun element CDR n'a fait usage de son arme [...]. Cela ne saurait tarder ».470

L'analyse de l'ensemble de cette rhétorique du pouvoir à l'égard du monde syndical met en exergue l'opiniâtreté manifeste du premier d'annihiler le second. L'objectif de cette intimidation était sans doute d'éclater leur noyau dur qui était formé et par là, les amener à renoncer à leur opposition systématique à la politique du CNR.

Parallèlement au battage médiatique antisyndical, des actes concrets furent posés pour empêcher désormais les activités syndicales. Ainsi, les responsables syndicaux suspendus ou dégagés avaient été interdits d'accéder aux bus de la Régie X9 (Transport public) et aux logements ou cités construits sous le CNR.471

En outre, les CDR exécutaient des arrestations de responsables syndicaux, surtout ceux-là qui coordonnaient le front syndical. Ils effectuaient également des perquisitions à domicile.

Pour empêcher la communication entre les leaders et les militants, et partant de là le grossissement du mouvement, le CNR interdit toute manifestation syndicale. Dans ce cadre, les CDR occupèrent le siège du SYNTER à Ouagadougou et dispersèrent les assemblées générales des syndicats.472 Au niveau des provinces notamment à Banfora et à Leo, les CDR interdirent les rencontres syndicales.473 Dans le milieu estudiantin, l'UGEB fut interdite d'organiser son treizième congrès sur le

467 C. T. « Levee de boucliers contre les anarcho-syndicalistes » in CARREFOUR AFRICAIN N°86E du 08 février 1985, page 17.

468 Babou Paulin BAMOUNI, « La revolution et la prise d'assaut des syndicats » in CARREFOUR AFRICAIN N°885 du 31 mai 1985, page 7.

469 Selon des propos de Babou Paulin BAMOUNI cités par John David KERE, 1989, Syndicats et pouvoirs politiques au Burkina Faso, mémoire de DEA, Université de Bordeaux I, IEP/CEAN, page 90.

470 Ibidem.

471 John David KERE, 1988, Syndicats et pouvoirs politiques au Burkina Faso, mémoire de DEA, Université de Bordeaux I, IEP/CEAN, page 92.

472 Idem, page 93.

473 Kabeya Charles MUASE, 1989, Syndicalisme et démocratie en Afrique : l'expérience du Burkina Faso, Paris, Karthala, page 210.

157 territoire national suite à une demande des CDR de l'université. Ces derniers se livrèrent à une véritable guerre aux militants de l'ANEB (qui était affiliée à l'UGEB)474: des militants furent arrêtés et virent leurs bourses d'études coupées.475 Leur siège qui se situait au secteur 4 (Paspanga) fut confisqué par les CDR dudit secteur.

Le 1er mai 1985, le pouvoir simula jouer la carte de l'apaisement et proclama sa volonté d'organiser les manifestations rituelles de la fête du travail. Tentative de séduction pour montrer qu'il était l'incarnation du pouvoir des travailleurs. Pour cette cause, il invita les syndicats à prendre part à cette célébration sous sa houlette. Mais ceux-ci refusèrent. Il y eut alors trois manifestations : celle du CNR, celle du trio CNTB, ONSL, USTB, et celle du front syndical. Lors de la réunion de ce dernier, des individus surgirent et s'en prirent violemment aux syndiqués. Il s'en suivit des échauffourées, ce qui entraîna l'intervention des CDR.

Ce qui est intéressant ici à relever, c'est le caractère symbolique duquel procédait l'action du CNR. En réalité, il s'est agi d'une tentative de récupération qui a nié la légitimité des syndicats comme mouvements des travailleurs. Le CNR voulait engloutir les syndicats et se profiler comme l'organisation authentique des travailleurs. A l'évidence, il était donc question d'empêcher l'influence des syndicats sur l'ensemble de la population, ce qui normalement allait conforter la popularité du régime.

La «délégitimation» politique des syndicats par le CNR fut mieux prononcée au cours de l'année 1986. Le Ministre du Travail, Fidèle TOE, organisa une semaine révolutionnaire qui devait se clôturer par une fête unitaire le 1er mai. L'objectif de cette semaine fut « de poser les jalons d'une organisation adéquate des festivités du ler mai et de créer le cadre d'une réflexion soutenue sur l'amélioration des conditions de vie des masses populaires ».476 A travers les CDR de service, le CNR mit en route une opération de charme pour amener les salariés à y participer. En agissant de cette façon, le pouvoir marginalisait les instances syndicales et sclérosait leur influence sur la fonction publique.

La fête du 1er mai 1986 qui fut placée sous le signe de l'émancipation et l'épanouissement des masses laborieuses ne connut cependant pas la participation des syndicats, ceux-ci ayant marqué encore une fois leur refus d'une fête unitaire.477

La commémoration du 1er mai de l'année 1987 marqua un virage très important de la politique syndicale du CNR. Après avoir essayé d'assujettir

474 La guerre au syndicat des étudiants fut déclarée ouvertement le 23 octobre 1983 lors d'une réunion des CDR de l'université.

475 Ludo MARTENS, 1989, SANKARA, COMPAORE et la révolution, Paris, EPO International, page 20.

476 Tarbzanga ZOUNGRANA, « L'esprit du ler Mai » in CARREFOUR AFRICAIN N°934 du 09 Mai 1986, page 10.

477 Ibidem.

158 insidieusement mais vainement les syndicats, le pouvoir accentua la coercition sur eux. Dans cette optique, le pouvoir associa les paysans478 à la fête dans le but de montrer la minorité des organisations des salariés dans le pays. Les paysans encadrés par les hommes en armes se rendirent en cortège à la bourse du travail. L'occupation de ce haut-lieu du syndicalisme manifestait certainement la volonté du CNR de nuire le plus foncièrement possible aux syndicats, réduire au maximum leur base d'accueil comme représentants légitimes du travail au niveau de la société.

Le Ministre du Travail dans son discours affirma : « L'ancienne vision des choses était tronquée. [...] Il faut reconnaitre que tout salarié n'est pas systématiquement un travailleur et qu'il existe des travailleurs qui ne sont point salariés, et notre pays regorge de ces travailleurs qui vivent sans savoir ce qu'est le salariat ou le fonctionnariat [...]. Les dirigeants syndicaux se comportent en véritables féodaux [...] se servant du syndicalisme pour se créer des bureaux de promotion personnelle ou individuelle ».479 A travers ces propos, on comprend toute la signification de la manoeuvre du CNR qui n'était autre que la valorisation de tout travail, même non salarié, en vue de s'approprier la sympathie de ceux-là qui n'étaient pas concernés par le salariat et qui somme toute constituaient une majorité dans le pays. Rappelons que le Burkina Faso de l'époque était à 90% paysan. La manoeuvre du CNR pouvait lui offrir des perspectives intéressantes en matière de popularité, surtout dans le monde paysan, et de ce fait, lui donner tous les atouts d'une mise à l'écart complet des syndicats.

Le 1er mai 1987 fut le top départ d'une vaste offensive contre le mouvement syndical allant même jusqu'à une tentative de liquidation. L'occupation de la bourse du travail n'avait pas permis aux syndiqués de tenir leur rencontre. Mais, le 17 mai 1987, un événement majeur se produisit : on assistait à la réalisation d'une unité syndicale à travers une déclaration qui critiquait la situation dans le monde du travail.480 Cette unité qui s'effectuait pour la troisième fois dans l'histoire inquiéta fort sérieusement le CNR. En effet, l'histoire politique du pays avait montré que lorsque les organisations syndicales, toutes tendances confondues arrivaient à s'unir, elles devenaient très dangereuses pour le pouvoir politique.

Pour amenuiser cette action unitaire syndicale, le pouvoir décida une prise d'assaut des syndicats grâce à l'appui des CDR. Ainsi, à partir du 30 mai 1987, une vaste campagne d'arrestations s'était abattue sur les organisations syndicales. A

478 Du 29 au 30 Avril, un symposium national des paysans du Burkina avait été organisé. A la fin de la manifestation, près de 2500 paysans avaient marché de la Place de la Révolution au SGN-CDR où Pierre OUEDRAOGO avait prononcé le discours de clôture. Les paysans restèrent dans la ville et furent conviés à la commémoration du 1er Mai.

479 CARREFOUR AFRICAIN N°986 du 08 mai 1987 : « Extrait de l'allocution du ministre du travail a l'occasion du ler Mai », pages 16 et 17.

480 John David KERE, 1988, Syndicats et pouvoirs politiques au Burkina Faso, mémoire de DEA, Université de Bordeaux I, IEP/CEAN, page 94.

159 Ouagadougou, Soumane TOURE fut encore appréhendé par les CDR du secteur 29 pour cause de subversion. Ce fut également le cas de Halidou OUEDRAOGO, secrétaire général du SAMAB rayé avec 19 autres magistrats militants du corps de la magistrature et dégagés de la Fonction publique.481 Les autres provinces ne furent pas épargnées par ces arrestations : par exemple à Bobo-Dioulasso, les responsables de l'USTB réunis en conseil sont interpellés le 04 juin 1987. Le CNR applaudit et affirma ne pouvoir « qu'adresser ses encouragements militants aux Comités de Defense de la Revolution dont la vigilance et l'engagement révolutionnaire ont permis de déclencher une operation qui doit nécessairement se poursuivre..., pour neutraliser sans complaisance partout oft ils se trouvent, dans les services comme dans les secteurs, les ennemis de notre revolution qui croyaient l'heure venue de prendre leur revanche sur notre peuple et sa revolution ».482

Concomitamment à cette opération de force, le CNR tenta de développer une politique entriste vis à vis des syndicats. Dans ce sens, le Ministre de l'Administration Territoriale et de la Sécurité lança une sommation aux syndicats de renouveler leurs bureaux avant le 15 juin 1987, délai de rigueur. Ce comportement constituait une ingérence dans les affaires intérieures des syndicats connotant de putschisme de la part du CNR. Suite à ce communiqué, des assemblées générales sont convoquées au cours desquelles l'influence pesante des CDR arriva à faire élire des bureaux favorables au CNR.483 Ce fut le cas du Syndicat Unique de la Météorologie et de l'Aviation Civile (SUMAC) et celui du SYNTSHA. Mais, cet entrisme du CNR ne fut pas efficace au niveau de tous les syndicats. Par exemple, la CSB et le SAMAB ne se laissèrent pas manipuler. L'action entriste définissait bien cet objectif de neutraliser les syndicats de l'intérieur, c'est à dire infiltrer des alliés dans les syndicats qui allaient aider à leur inféodation au pouvoir, donc tuer la contestation par l'intérieur.

L'effervescence des rapports conflictuels entre le CNR et les syndicats a été une constante. La question syndicale a été à l'instar d'autres questions sources de divergences au sein du CNR. L'accentuation de ces dissentiments a plongé le CNR dans une logique de crise ayant conduit à sa chute le 15 octobre 1987.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand