VII.1.2. La « legitimation forceen du pouvoir
revolutionnaire
La politique de disqualification des opposants à
laquelle le CNR se livrait avec l'appui des CDR traduisait assez
fidèlement la tentative de celui-ci de se présenter aux yeux du
peuple comme le garant absolu de ses intérêts. La mise en sourdine
des organisations politiques rivales laissait le champ libre au CNR pour mettre
en exercice son projet de société. A ce sujet, Augustin LOADA
affirme : « Au Burkina Faso, la strategie du CNR a consiste a evincer
toutes les organisations de la" societe civile "du champ de la participation au
profit de ses propres relais, les CDR. Mais, derriere un discours participatif
se profilait non pas un dialogue mais un monologue du pouvoir soucieux de
s'auto-legitimer ».451
En effet, ce besoin de légitimation se faisait sentir
à travers toute la méthode d'action des CDR.
Considérés comme la clé de voûte de l'action
politique révolutionnaire, les CDR obtinrent exclusivement le
privilège de la représentation politique authentique du peuple.
Cette consécration leur permettait d'oeuvrer considérablement
pour l'affirmation du CNR et son acceptation au niveau des masses. La fonction
« legitimatrice» des CDR était perceptible à
tous les niveaux.
Sur le plan politique, leur pouvoir de nuisance avait
autorisé la monopolisation de la gestion de l'Etat par le CNR au
mépris des autres organisations. En même temps, ils furent de
véritables relais du pouvoir par rapport à la
dissémination des idées révolutionnaires dans la
société. Les grandes mobilisations initiées favorisaient
cette propagation qui naturellement étoffait l'assise populaire du
régime révolutionnaire et réduisait inéluctablement
la base des opinions antirévolutionnaires. Tantôt souple,
tantôt violente et coercitive, la stratégie politique
développée par le CNR par l'entremise des CDR avait aidé
à une légitimation forcée. L'imposition de sa conception
sociale comme souveraine par la phagocytose des autres formations politiques et
par l'inversion des représentations traditionnelles
(rétrogradation des chefferies coutumières) l'avaient
consacré ainsi comme la seule organisation capable de garantir un avenir
radieux au peuple ; tout ce qui n'émanait pas du CNR n'était pas
censé assurer les intérêts du peuple.
La politique socio-économique traduite par la
réalisation d'une multiplicité d'investissements grâce aux
CDR et par la profession de l'austérité renforçait cette
légitimation. La volonté d'ériger une
société nouvelle dessinait la préoccupation du CNR
à régner dans une société révolutionnaire
dont il allait être le maître d'oeuvre et le représentant
légitime. Les CDR travaillèrent à l'érection de
cette société dite nouvelle.
Pour terminer, le fait de vouloir amener tout le monde
à militer dans les CDR montrait le refus de la contestation, puisque
dans ce cas tout le monde devait agir pour la sauvegarde de la
révolution. En procédant ainsi, le CNR dictait sa
légitimité et les CDR lui permettaient de s'assurer le monopole
du champ politique. En se basant sur les différentes ramifications des
CDR, le CNR s'était infiltré dans tous les rouages de la
société et de l'Etat. Une volonté totalisante dont la
critique par les organisations syndicales a été source de
conflictualité accrue.
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