VI.1.2. Le controle des « maquis » : la fermeture
des « boites de nuits » et l'institution des bals populaires
La morale révolutionnaire devait passer aussi par les
lieux de distractions ou de réjouissances. Dès le 16 octobre
1983, à l'occasion d'un concert révolutionnaire et populaire, le
président du CNR définissait une nouvelle conception des cadres
de recréation. Il décida de contrôler les débits de
boisson et de fermer purement et simplement les boites de
nuit.369
De toute évidence, le CNR pensait que ces lieux
constituaient des coupelles d'expression de mentalités et de
comportements qui reflétaient une société injuste et
inégalitaire que la révolution avait pour mission de dissoudre.
Pour se justifier, il avança trois raisons fondamentales.
Premièrement, les boites de nuit étaient des
lieux de réjouissances égoïstes, de dépravation des
moeurs et d'aliénation culturelle car leurs amateurs dépensaient
de grosses sommes d'argent au mépris de leurs familles et se livraient
à des chorégraphies importées antirévolutionnaires.
Nous pouvons remarquer ici la mise en exergue de l'ascèse
révolutionnaire et de l'austérité de vie que le pouvoir
recommandait au peuple. Il se dégage aussi un souci de protection des
rythmes et danses nationales dont la consommation devait permettre de
protéger la patrie contre les agressions culturelles de
l'impérialisme.
La deuxième raison principale était que les
boites de nuit constituaient des pôles dans lesquels se croisaient les
ennemis de la révolution notamment la bourgeoisie. La
nécessité de détruire ces citadelles des
contre-révolutionnaires s'imposait.
Enfin, les boites de nuit étaient des lieux
d'expression de pratiques antirévolutionnaires telles que la magouille,
la corruption, et des basses manoeuvres de toutes tendances.
Dans le souci de démocratiser les réjouissances,
le CNR institua les bals populaires. Tout le peuple a droit aux
réjouissances et celle-ci ne devait pas être conditionnée
par l'importance des bourses individuelles. Dans ces messes culturelles
révolutionnaires, les CDR usèrent de propagande pour
véhiculer le message de la révolution.
368 Bruno JAFFRE, 1989, Burkina Faso : les
années sankara, Paris, L'Harmattan, page 30.
369 Lucien WIBGA, Directeur du commerce
intérieur, « Des boites de nuit » in OBSERVATEUR
N° 2707 du 31 octobre 1983, page 6.
Figure 14: Thomas SANKARA jouant a la batterie lors d'une
soirée en 1987. Source : Presidence du Faso /Archives nationales. Cote :
5 Fi 654
Ces bals populaires ont eu un franc succès à
travers le pays ; et même de nos jours, ils continuent dans les milieux
villageois lorsque le jour du marché correspond à un dimanche ou
à un jour de fête. L'aspect négatif de ces bals est
qu'ayant coïncidé avec la lutte pour l'émancipation de la
femme, ils ont permis un certain libertinage ayant amené de nombreuses
filles à tomber enceinte.
Pour donner le sens du travail bien fait dans
l'assiduité, la fréquentation des débits de boisson ou des
maquis pendant les heures de service fut prohibée. Mais à ce
niveau, le CNR n'innova pas vraiment, car déjà sous le CMRPN,
cette décision avait été adoptée. Le CNR
décida également l'interdiction de la fréquentation des
maquis par les mineurs.
Le respect strict de toutes ces mesures au nom d'une
éthique nouvelle, celle de la révolution incombait aux CDR. Leur
action pour cette cause fut à l'origine du déclin de bon nombre
de boites de nuit et de maquis. Les boites de nuit les plus
fréquentées étaient celle de l'hôtel Ricardo, Canal
Bambou, le Promotel et le Privé.370
370 Propos de Edouard OUEDRAOGO le 09 août 2005 au
siège de L'OBSERVATEUR paalga.
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