L'infiltration des CDR dans la gestion des affaires
intérieures des sociétés et leur campagne contre les
différentes formes de corruption permirent à l'Etat de recouvrir
dans une certaine aisance ses recettes. En effet, la conjoncture de pression et
de contrôle créée par l'institution des CDR partout
pressait tous les citoyens, tous les acteurs économiques à
régler leurs dus à l'Etat dans de brefs délais. La peur
d'être accusé de véreux ou de réactionnaire et
ipso facto traduit devant les juridictions révolutionnaires,
puis être condamné et licencié, avait sans aucun doute
poussé tout le monde à respecter les différents services
de recouvrement de l'Etat dans les différentes institutions publiques et
privées. A ce propos, Bruno JAFFRE soutient que des efforts avaient
été réellement faits pour une meilleure perception des
recettes de l'Etat et que les TPR constituaient un véritable dispositif
de dissuasion contre les spéculations de tous ordres.259
Cette situation qui consacra dans une certaine mesure le
déclin de l'affairisme dans les domaines de la vie publique permit
à l'Etat de pouvoir alimenter son budget. A noter que malgré la
réticence des finances internationales à l'endroit du
régime révolutionnaire, l'Etat parvenait à concevoir
normalement son budget et à le faire fonctionner
régulièrement sur la base de ses propres revenus,
réussissant même avec le concours d'autres initiatives à
financer plusieurs projets. On soutient que ces prouesses de la
révolution auraient été chimériques sans l'action
décisive des CDR.
258 Voir le rapport de la première
conférence des CDR à la page 66.
259 Bruno JAFFRE, 1989, Burkina Faso : les
années sankara, Paris, L'Harmattan, page 148.
Restons au niveau du budget pour indiquer l'association
intime des CDR à son adoption, à sa gestion et à son
contrôle.260 Les CDR participaient étroitement aux
débats budgétaires lors de sessions populaires à la Maison
du Peuple. Dans ce contexte, le CNR préconisa des retenues de salaires
à travers l'EPI.261 Dans cet élan, il décida
d'autres mesures comme la réduction de l'âge de la retraite
à cinquante trois (53) ans, la réduction du parc automobile de
l'Etat, la suppression des indemnités... Le pouvoir
révolutionnaire à travers ces initiatives visait l'augmentation
des recettes de l'Etat et la diminution des dépenses de fonctionnement
afin d'éviter les déficits budgétaires et de promouvoir
les investissements.262 Les CDR furent chargés en
concertation avec les directeurs généraux des services
d'expliquer et de faire accepter ces mesures. On assista alors à une
campagne publicitaire dans ce sens.
Cependant, il faut faire remarquer que tous les
fonctionnaires n'appréciaient pas ces mesures, notamment l'EPI. Pourtant
grâce cette opération, le CNR avait réussi entre autres
exemples à doter toutes les provinces d'ambulances. Malgré tout,
les syndicats n'y virent que la réduction de leur pouvoir d'achat.
Au total, la participation des CDR à la gestion du
pouvoir économique a été capitale pour le CNR. Cela lui
avait donné l'occasion, premièrement d'instaurer une gestion
centralisée des affaires économiques qui s'illustra par une
certaine austérité et de contrôler l'ensemble des acteurs
économiques. Deuxièmement, le pouvoir en avait profité
pour se faire des bases de financement pour ses différents programmes de
développement dont l'exécution avait été possible
grâce à l'oeuvre des CDR.