A son arrivée au pouvoir, le CNR crut que le service
de la douane constituait le gros nid de toutes les dérives
économiques : fraudes, malversations... Dans le cadre de la politique
économique d'austérité et de croisade contre la
corruption, il décida de rendre propre ce service dont le budget
national dépendait en matière de recettes.
Ceci étant, il institua l'Inspection
générale de la douane dont il confia le commandement à un
jeune lieutenant du nom de Daouda TRAORE. La création de l'Inspection
générale de la Douane et la nomination de Daouda TRAORE à
ce poste constituèrent une nouvelle orientation de la gestion des
services douaniers. Cette gestion se devait d'être en phase avec
l'ambition révolutionnaire du CNR pour construire une économie
indépendante et planifiée au service des masses. Pour cette
raison, on assista dans un premier temps à la création de
douaniers CDR. Afin de permettre aux douaniers CDR de jouer efficacement leur
rôle, les autorités sollicitèrent ensuite la collaboration
des CDR géographiques ou sectoriels.254 Ceux-ci furent
appelés pour épauler les douaniers professionnels pour assainir
le secteur. Daouda TRAORE fit créer un journal, LE DOUANIER
REVOLUTIONNAIRE, organe de lutte, d'information et de liaison de la Douane
révolutionnaire. La mission de ce journal fut de contribuer à la
formation politico-idéologique des douaniers : « Le journal
doit populariser, expliquer au maximum les options politiques de
conscientisation du peuple. Le journal doit pouvoir contribuer a la formation
des douaniers, les inciter a cette formation continue en faisant appel a
l'Ecole de la Douane dans une rubrique oft des professeurs écriront des
articles de formation ».255 Il faut ajouter que ce journal
dénonçait les fraudes ou malversations commises par les douaniers
dans une rubrique intitulée Le douanier révolutionnaire
accuse.256 En même temps, les TPR constituaient un
véritable appareil dissuasif.
Les incursions des CDR dans ce service ont permis de
débusquer des fraudeurs et de dénoncer les douaniers pourris
(corrompus). Les TPR procédèrent au jugement et au licenciement
de certains douaniers.257
Toutefois, dans ce secteur comme ailleurs, l'intrusion des
CDR, notamment les CDR douaniers bénévoles, a été
créatrice de difficultés, précisément des conflits
de prééminence. Dans leur autocritique lors de leur
première conférence, les
254 Léonard WAOUANGRAWA, « Tel
régime, telle douane » in LE DOUANIER REVOLUTIONNAIRE
N°02, p.p.6-9.
255 Clarisse YAMEOGO, « Camarades !
Mobilisons-nous autour de notre journal "Le douanier révolutionnaire" et
ses objectifs », LE DOUANIER REVOLUTIONNAIRE N°02,
pages 18 et 19.
256 « Le douanier révolutionnaire accuse...
» in LE DOUANIER REVOLUTIONNAIRE N°03, page 28.
257 Pascal ZAGRE, 1994, Les politiques
économiques : une tradition d'auto-ajustement structurel, Paris,
Karthala, page 136.
95 CDR reconnurent eux-mêmes leur part de
responsabilité dans ces concurrences. En effet, des CDR ultra
zélés voulurent se substituer aux professionnels du secteur en
lieu et place de la collaboration, en décrétant la tarification
des objets saisis lors des patrouilles ou de leur contrôle. D'autres
pensèrent se servirent de cette collaboration pour se faire recruter
comme préposés ou agents de la Douane.258 Ce qui ne
fut guère le cas, d'où des frustrations.
L'essentiel de l'infiltration des CDR dans la gestion des
opérations douanières fut la création d'une ambiance
d'appréhension dans les différents services de l'institution,
constituant ainsi un système dissuasif qui a eu le mérite d'avoir
découragé les actions frauduleuses à défaut de les
éliminer. De ce point de vue, on peut s'accorder sur le fait que sans
avoir été toujours des exemples à suivre, les CDR ont
combattu la corruption dans l'institution douanière.