Pour comprendre l'intrusion des structures populaires de la
révolution dans la gestion interne des sociétés publiques
et privées, il faut se référer à l'Ordonnance
N° 84-57/CNR/PRES que nous avons citée plus haut.
En effet, ladite ordonnance donnait dorénavant aux CDR
le droit de siéger au conseil d'administration des
sociétés. Ceci étant, les CDR quadrillaient toutes les
246 SGN-CDR : « Directive N°85-009
du Secrétariat des CDR relative a la délivrance des certificats
d'agrément populaires aux commercants grossistes de
céréales au Burkina Faso » in CARREFOUR AFRICAIN
N°891 du 12 juillet 1985, pages 22 et 23.
247 El Haji Dramane KABORE est le président
de l'Organisation Syndicale des Petits Commerçants de Ouagadougou
(OSPCO). Propos recueillis par SIDWAYA N°4764 du 02 juin 2003,
pages 17 et 18.
248 Ibidem.
93 institutions économiques. Par exemple le CRES (le
Conseil Révolutionnaire Economique et Social) qui fut créé
par l'Ordonnance N°85-022/PRES/CNR du 22 février 1985249
était un organe de consultation du CNR en matière
économique, sociale et culturelle qui comportait une bonne
représentation de CDR. L'influence de ces derniers dans la gestion de
cette importante institution de décision économique a
été remarquée par la première conférence des
CDR qui reconnut qu'elle subissait l'action des CDR représentés
en son sein.250
Pour rendre efficiente son action, le pouvoir, par le biais
du ministère de tutelle, en l'occurrence le Ministère de la
Promotion Economique, et du SGN-CDR, organisa des séminaires de
formation des CDR sur le fonctionnement des sociétés. Egalement,
des séminaires annuels sur la gestion auxquels participèrent les
CDR furent ordonnés. Les budgets des sociétés furent
discutés publiquement lors de sessions pendant lesquelles les comptes et
les bilans étaient exposés.251
Toutes ces réformes décidées par le
pouvoir révolutionnaire permettaient aux CDR de canaliser le
fonctionnement des sociétés selon les schémas
économiques de la révolution.
Néanmoins, elles ne manquèrent pas d'être
sources de problèmes. Ce que reconnurent les CDR eux-mêmes lors de
leur première conférence. Entre autres, une confusion regrettable
entre mandat politique et mandat syndical, l'instrumentalisation des CDR par
certains éléments pour se faire une promotion, des querelles
entre directeurs généraux et CDR, lesquelles bloquèrent le
fonctionnement régulier de certaines entreprises.252
Si dans le secteur public, les CDR ont pu réussir
à s'imposer de façon globale, au niveau des
sociétés privées ils se heurtèrent à la
résistance des propriétaires de celles-ci : « Quant au
secteur privé, les Comités de Defense de la Revolution ont
toujours évolué dans un cadre qui ne permet pas l'application du
Statut general des CDR ».253 De ce fait, ils furent
marginalisés dans l'organisation des conseils d'administration, de la
formation des administrateurs, des différentes manifestations relatives
à la gestion de ces entreprises non étatiques. Le renfermement de
ces dernières leur valut souvent des accusations selon lesquelles elles
étaient réactionnaires. Il s'ensuivait alors des démarches
coercitives de la part du pouvoir à leur endroit, ce qui n'était
pas de nature à encourager l'investissement privé.
249 Ordonnance N°85-001/PRES/CNR portant
création du Conseil Révolutionnaire Economique et Social in
CARREFOUR AFRICAIN N° 891 du 12 juillet 1985, page 8.
250 CNR, SGN-CDR, 1986, Rapport de la première
conférence des CDR, page 58
251 Pascal ZAGRE, 1994, Les politiques
économiques du Burkina Faso : une tradition d'auto- ajustement
structurel, Paris, Karthala, page 151.
252Voir le rapport de la première
conférence des CDR, page 59.
253 Idem, page 60.