La création des CDR était une aspiration du CNR
à construire une société nouvelle sur des bases
révolutionnaires, comme le stipule le DOP en ces termes : «
Elle [révolution] a pour objectif final l'édification d'une
société voltaïque nouvelle au sein de laquelle le citoyen
voltaïque animé d'une conscience révolutionnaire sera
l'artisan de son propre bonheur [...]. Pour ce faire, la révolution
sera, n'en déplaise aux forces conservatrices et rétrogrades, un
bouleversement total et profond qui n'épargnera aucun domaine, aucun
secteur de l'activité économique, sociale et culturelle
».194 Ce fut dans cette vision que le secteur judiciaire a
été, à l'instar d'autres, réformé.
La révolutionnarisation de la justice constitua une
démarche du CNR pour matérialiser sa rupture avec les autres
régimes, qui selon le DOP faillirent, parce que impotents de promouvoir
l'équité de la société. Le CNR stipulait que la
justice d'avant la révolution d'août était conçue
à l'image des régimes dans lesquels elle était
exercée. C'était une justice qui connotait la bourgeoisie, donc
l'exploitation du peuple par une minorité de personnes bourgeoises qui
se servaient de juridictions embourgeoisées. La justice partageait les
perversions de ceux-là qui l'avaient installée. C'était
une justice de classe que Thomas SANKARA avait significativement
méprisée en ces propos : « Dans une
société comme la notre oft la population est a 95% analphabete,
maintenue dans l'obscurantisme et l'ignorance par les classes dominantes, le
droit bourgeois, en dépit du bon sens, ose affirmer que le nul n'est
censé ignorer la loi. C'est a l'aide de tels artifices que les classes
dominantes et oisives oppressent les larges masses populaires, paysans de nos
campagnes et ouvriers de nos villes ».195 C'était
une justice qui ne pouvait pas se vanter d'être impartiale et de ce fait
républicaine.
Avec l'avènement de la révolution d'août
1983, l'opportunité de corriger la justice en disant le droit par le
peuple et pour tout le peuple, et de faire d'elle une école de
conscientisation et de responsabilisation était venue. Ainsi, le CNR par
une série de réformes procéda à la
révolutionnarisation de la justice en y investissant largement les CDR.
La mise en scène des CDR dans l'instauration d'une justice dite
populaire, conscientisant et responsabilisant par le CNR était bien dans
un rapport d'équivalence à la préoccupation de ce dernier
de s'approprier les institutions judiciaires et faire
194 CNR, 1983, DOP «Pour une
révolutionnarisation de tous les secteurs de la société
Voltaïque », page 31.
195 Thomas SANKARA, « Le peuple
voltaïque accuse », Discours d'ouverture des premières
assises des TPR in CARREFOUR AFRICAIN N°812 du 06 janvier 1984,
page 22.
72 d'elles des cadres de défense et de
légitimation politique. La justification de cette volonté trouva
sa plus forte illustration à travers les tribunaux populaires.