Une des innovations importantes dans la politique
administrative du CNR fut sa décision de décentralisation
administrative. Cette politique se symbolisa par un premier découpage
territorial en 25 provinces réalisé par l'Ordonnance N° 83-
012/GNR/PRES121 du 15 septembre 1983. Ensuite, le Décret
N°83- 264/CNR/PRES/IS122 du 23 décembre 1983
détermina les nouvelles limites des principales villes et procéda
à leur division en secteurs. Enfin, l'Ordonnance N°84- 055/CNR/PRES
du 15 août 1984 scinda le territoire national en trente (30) provinces et
250 départements.123 Subséquemment, la ville de
Ouagadougou expérimenta un découpage en trente secteurs.
Avec cette réforme administrative, la ville de
Ouagadougou acquit une réglementation exceptionnelle. En plus de son
statut de capitale, elle devint chef-lieu de province (Kadiogo) et de commune,
les deux entités administratives dirigées par une seule personne,
le haut-commissaire, représentant l'Etat et nommé par le
président du CNR.
Avec le découpage de la ville en secteurs, les CDR
s'amarrèrent étroitement au système administratif. Le
pouvoir populaire était représenté par un conseil
révolutionnaire communal de 9 membres qui assurait la gestion communale
en collaboration directe avec le haut-commissaire. Grâce à ce
bureau, ce dernier put faire appliquer les recommandations politiques du CNR au
sein de sa circonscription et maintenir son contrôle sur les
activités des CDR.124 En s'inspirant de la réforme
administrative de 1983, on peut schématiser l'organisation
administrative de Ouagadougou de la façon suivante :
121 Ordonnance N° 83-012/CNR/PRES du 15
septembre 1983 portant division du territoire de la République de Haute
Volta en 25 provinces in JOURNAL OFFICIEL N° 38 du 22 Septembre
1983, p.p. 992-993.
122 Décret N°83-264/CNR/PRES du 23
décembre 1983, portant détermination des nouvelles limites
principales villes et division du territoire communal en secteurs in
JOURNAL OFFICIEL N°52 du 29 décembre 1983, p.p.
1354-1358.
123 Ordonnance N°84-55 du 15 août 1984
portant découpage du territoire national en 30 provinces et 250
provinces in JOURNAL OFFICIEL N°34 du 23 août 1984, p.p.
838-839.
Figure 9: Illustration de l'organisation administrative
de la ville de Ouagadougou avec les CDR
La division sectorielle a été très
importante dans la politique administrative du CNR en ce sens qu'elle a
facilité une certaine décentralisation conçue et
souhaitée par le pouvoir révolutionnaire. Il a renforcé le
rôle administratif local que les CDR étaient conviés
à exercer ; chaque secteur était l'apanage d'un CDR qui
évoquait le pouvoir révolutionnaire local et qui devait
l'administrer. La permanence CDR devenait le centre administratif du
secteur.
Les raisons fondamentales de cette disposition
résidaient dans une procédure de décentralisation pour
promouvoir une administration de proximité dont les CDR devaient
être les dépositaires. Réduire les écarts entre
l'administration et les administrés, éliminer toutes les
lourdeurs administratives pour agréer aux habitants la
53 régularisation de leurs situations sans trop de
tracasseries. Cette réglementation consentait également aux CDR
d'être présents partout et d'assumer véritablement leur
rôle de contrôleurs et de catalyseurs au niveau de la
population.
Ainsi, à partir de 1986 surtout, la gestion de
l'état civil fut remise aux CDR dans les secteurs. C'étaient
principalement les TPD qui statuaient sur les différents dossiers. Les
tâches étaient essentiellement l'établissement des actes de
naissance ou jugements supplétifs d'acte de naissance, des certificats
de décès, la célébration de mariages civils ; ils
délivraient également des attestations de tutelle et
d'hérédité, des agréments de vente...
Les populations appréciaient particulièrement
ces services de proximité, qui les soulageaient des démarches
interminables qu'il fallait effectuer avant auprès de la mairie, pour
bénéficier d'une quelconque prestation administrative.
Néanmoins, la décentralisation de l'état
civil auparavant géré par la province n'avait pas
été faite avec un transfert de personnel et des
moyens.125 Enchaînement, les CDR n'avaient pas toujours ni la
main-d'oeuvre qualifiée ni le matériel adéquat pour leurs
prestations administratives. Par exemple, la saisie des documents
administratifs nécessitait une machine dactylographique et un
dactylographe ; ce que les CDR n'avaient pas toujours, et dans de tels cas, le
recours aux amateurs était bien fréquent. Il en résultait
donc des fautes de frappe sur les documents.
Aussi faut-il souligner le fait que les permanences ne
constituaient pas toujours un cadre idéal pour la conservation des
archives. De ce fait, les registres étaient souvent mal entretenus.
Enfin, notons les rançonnements auxquels certaines populations mal
informées de la gratuité des actes avaient été
confrontées.126 Dans l'ensemble, si la délocalisation
des procédures administratives de la province au secteur a
été une simplification des démarches pour les uns, elle a
a contrario accentué les tracasseries pour les autres, surtout
qu'en sus de ces responsabilités administratives, les CDR devaient
corollairement garantir l'ordre public.