Chapitre III : L'ORGANISATION DES CDR
En général, l'aspiration des régimes
politiques est d'être en phase avec les idéaux qui ont
déterminé leur action dans la conquête du pouvoir d'Etat.
Dans cette même logique, s'était inscrite la politique du CNR
à travers les CDR. L'ambition terminale du CNR était de
réussir une renaissance sociale originale, raison pour laquelle il
était impératif de procéder à la
révolutionnarisation de tous les secteurs de la société
voltaïque.
Pour atteindre l'édification de cette
société nouvelle, les CDR devaient être la cheville
ouvrière de cette révolutionnarisation, processus de moulage de
ladite société. Ainsi, l'institutionnalisation des CDR
répondait à une certaine préoccupation du CNR, celle
d'atteindre des objectifs qui concouraient à ce but ultime de la
révolution : l'émergence de la société nouvelle.
L'efficacité de l'action des CDR pour accomplir leur
mission était fonction d'une certaine organisation structurelle dont il
était convenable d'établir les sphères d'action et les
règles. C'est dans ce sens que le secrétaire
général des CDR avait élaboré et promulgué
le statut général des CDR.
Notre tâche dans ce chapitre est dans un premier temps
de nous soumettre à une exploration analytique du statut
général des CDR, et dans un second temps de déterminer les
objectifs essentiels que les CDR devaient atteindre afin de permettre au projet
révolutionnaire de se concrétiser.
III.. Le Statut general des CDR : contexte
d'elaboration et contenu
Le bon fonctionnement d'un dispositif institutionnel est
fonction de son organisation structurelle, des règles qui organisent ce
fonctionnement. Les CDR au départ n'avaient pas de statut clairement
établi qui les organisait en structures et en régissait le
fonctionnement.
Ce manquement avait donné lieu à plusieurs
sortes de conjecture, d'hésitation et de méfiance que la presse
privée ne s`était pas empêchée de
révéler : « 1l faut tout de suite dire [...] que ces
comités constituent une des données les plus délicates du
processus en cours... On redoute que par des glissements difficiles a
prévoir, certains ou du moins leurs membres ne se transforment en un
instrument de terreur gratuite ou de vengeance mesquine
».48
48 Voir L'OBSERVATEUR N° 2653 du 16
août 1983, « CNR, les CDR », page 6.
Le CNR même s'était rendu compte rapidement de
la délicatesse de ses structures dépourvues de textes
d'organisation et de fonctionnement, et des risques de dérapages qui
pouvaient en résulter. Si le discours d'orientation du 02 octobre
donnait la définition et les objectifs des CDR, l'absence de textes
portant sur la structuration et l'organisation de ceux-ci avait donné
lieu à de multiples adaptations, suscitant ainsi des problèmes et
des intrigues divers lors des installations des bureaux.49 Par
exemple, on peut citer une certaine sclérose des activités, la
concentration des responsabilités entre les mains de quelques individus,
l'absence de consensus décisionnel, un déséquilibre
numérique des membres des bureaux, des prérogatives mal
définies, une faible représentativité féminine.
Dans cette situation, le Secrétariat
général des CDR avait diligenté des travaux pour
structurer les CDR et échafauder les règles de leur
fonctionnement. Le fruit de ces travaux a été la promulgation du
Statut général des CDR le 17 mai 1984, soit dix mois
après l'invite du CNR.
Le but était principalement de « doter les CDR
d'un instrument de régulation de leur fonctionnement afin de faciliter
leur montée impérieuse a l'assaut de tous les bastions de la
réaction, de leur permettre de jouer efficacement leur role [...] dans
le processus irréversible»50 que le peuple venait
d'engager et qui nécessitait « esprit de suite, de discipline,
de détermination, de sacrifice et d'abnégation
».51
Dans cette partie de notre étude, il ne s'agit pas de
citer ad litteram le contenu de l'oeuvre, mais plutôt de nous
pencher sur l'organisation structurelle des CDR à travers ses
attributions et ses règles de fonctionnement.
49 Clément TAPSOBA, « Un instrument au service
du peuple » in CARREFOUR AFRICAIN N°833 du
1er juin 1984, page 16.
50 CNR, SGN-CDR, 1984, Statut général des
CDR, « Préambule », page 5.
51 Ibidem
Figure 2: Le logo des CDR. Source : SGN-CDR, Statut
Général des CDR, page de garde
III.1.1. L'organisation structurelle des CDR :
définition, attributions et regles de fonctionnement
III.1.1.1. Les structures de base
Selon l'Article 17 du Statut général des
CDR, les CDR de base étaient ceux des villages, des villes, des
secteurs communaux, des unités militaires ou paramilitaires, des
services, des élèves ou étudiants :
· le Comité de village regroupait tous les camarades
militants d'un même village52 ;
· le Comité de ville réunissait les camarades
militants d'une ville53 ;
· le Comité de secteur regroupait tous les
camarades militants appartenant à un même secteur communal tel que
défini par l'Ordonnance N°83- 021/CNR/PRES du 10 novembre 1983
portant réorganisation de l'administration territoriale54
;
· le Comité de service rassemblait tous les
camarades d'un même service public, parapublic ou
privé55 ;
52 CNR-SGN-CDR, 1983, Statut
général des CDR, Section II : Définitions, Chapitre I
: Les CDR de base, Article 18, page 11.
53 Idem, Article 19, page 12.
54 Idem - Article 20, page 13. Concernant la
réorganisation de l'administration territoriale, le CNR avait
procédé au découpage des villes en secteurs. Ouagadougou
avait été divisé en 30 secteurs.
55 Article 21 du Statut général des
CDR, page 14.
+ le Comité de corps était composé de tous
les camarades militants militaires ou paramilitaires appartenant à un
même corps56 ;
+ enfin, le Comité des élèves ou des
étudiants était un regroupement de tous les camarades militants
élèves ou étudiants d'un établissement
d'enseignement secondaire ou supérieur, ou d'école de formation
professionnelle.57
Le trait d'union de toutes ces structures de base est que leurs
bureaux étaient tous élus en assemblée
générale. Chaque bureau comprenait :
· un délégué ;
· une déléguée adjointe ;
· un responsable à la formation politique ;
· un responsable à l'information et la propagande
;
· un responsable aux activités
socio-économiques ;
· un responsable aux activités culturelles et
sportives ;
· un responsable à la sécurité,
à la formation militaire et civique ;
· un responsable à la mobilisation féminine
;
· un responsable à la trésorerie.
Les attributions des structures de base58
étaient essentiellement administratives, socio-économiques,
socioculturelles et sportives, éducatives, politiques, féminines.
Elles englobaient les domaines de la défense et de la
sécurité. Les délégués en accord avec les
autres membres des bureaux coordonnaient les activités des CDR de base.
Ils animaient la vie politique au sein des CDR de base, supervisaient
l'exécution des tâches.
Il faut préciser que les CDR de service avaient des
attributions spécifiques qui les différenciaient quelque peu des
autres structures de base : dans les services publics, parapublics et
privés, le comité participait à la gestion du service, en
même temps qu'il le contrôlait.59
Les structures de base se retrouvaient dans des structures dites
générales dont elles dépendaient.
56 CNR-SGN-CDR, 1984, Statut général des
CDR, Article 22, page 15.
57 Idem, Article 23, page 16.
58 Voir Chapitre IV du Statut général des
CDR, page 23.
59 Voir l'article 53 du Statut général des
CDR, page 33.
|