Le DOP a constitué une étape fondamentale dans
la disposition institutionnelle des CDR en tant qu'organe
privilégié du CNR. La nature, la place et le rôle des CDR
dans la révolution ont été clairement établis avec
ce discours politique : «Le CNR [...] se doit d'avoir des instances
locales dans les secteurs de la vie nationale. Et c'est là que reside le
sens profond de la creation des CDR qui sont les représentants du
pouvoir révolutionnaire dans les villages, les quartiers, les villes,
les lieux de travail ».37
Le DOP définit la nature des CDR comme des structures
de démocratie qui devaient partager le pouvoir révolutionnaire
avec le CNR. C'était une manière donc de promouvoir la
déconcentration et la décentralisation du pouvoir à
travers tout le territoire national. La fin de cette orientation visait
à s'assurer les bonnes grâces du peuple et jouir d'une large
popularité. Cette caution du peuple était une
nécessité pour conférer à la révolution son
caractère démocratique et populaire que le CNR venait de
proclamer à travers le DOP. Le DOP mit en exergue les aspirations
profondes du CNR par rapport à la création des CDR. En les
déclarant former « l'organisation authentique du peuple dans
l'exercice du pouvoir révolutionnaire »,38 le CNR
exprimait l'instrumentalisation dont les CDR allaient faire l'objet. A ce
titre, des rôles immenses et diversifiés leur ont
été définis.
Définir de façon circonstanciée ces
rôles se révélerait être une entreprise très
fastidieuse et dénoterait de notre part une absence d'esprit de
synthèse. Nous voulons seulement avancer quelques grandes lignes de ces
rôles. Nous en avons retenu
37 CNR, 1983, DOP, « Pour une juste
comprehension de la nature du role et du fonctionnement des CDR »,
pages 24 et 26.
38 Idem, page 25.
23 deux principaux : la mobilisation et «
l'organisation du peuple voltaïque tout entier en vue de l'engager dans le
combat révolutionnaire »39 et la défense de
la révolution en étant des « détachements
d'assaut qui s'attaqueront O. tous les foyers de résistance [...] des
levains qui devront porter la révolution dans [...] tous les
milieux ».40 En somme, c'est la protection, la
consolidation et la puissance du pouvoir révolutionnaire que les CDR
devaient garantir.
Dans cette perspective, il faut comprendre toute l'importance
des propos de Adama TOURE, alors Ministre de l'Information et porte-parole du
gouvernement : « Si le peuple tel qu'il est désormais
défini par le CNR est le moteur de notre Révolution
Démocratique et Populaire pour le CNR, les Comités de
Défense de la Révolution (CDR) doivent en "etre le fer de lance
en tant qu'incarnation du pouvoir populaire. Les Comités de
Défense de la Révolution pour assumer correctement leurs roles,
doivent comprendre qu'ils doivent travailler O. rassembler, O. organiser et O.
mobiliser... ».41 A la fin de son propos, il insista sur
la quintessence du DOP, considéré en quelque sorte comme le livre
rouge du processus révolutionnaire burkinabé : « Le
Discours d'Orientation Politique du 02 octobre doit "etre désormais le
bréviaire de tous les progressistes, de tous les patriotes et de tous
les révolutionnaires voltaïques qui O. travers les CDR doivent
l'étudier avec une attention particulière pour s'en
pénétrer chaque jour davantage afin de s'en servir comme un phare
lumineux dans la lutte révolutionnaire de notre peuple pour un avenir
radieux ».42
Le DOP a consacré le rôle indispensable des
structures populaires dans l'accomplissement des idéaux de la
révolution. A travers elles, le peuple tout en entier était
invité à appréhender le sens profond du DOP qui devenait
alors le livre de référence par excellence des
révolutionnaires, un modèle, un guide pour l'aboutissement de la
révolution.
En fin de compte, toutes les supputations qui
définissaient de façon courte l'existence des CDR devenaient
caduques. Le DOP entamait ainsi le processus d'institutionnalisation des CDR.
« Apres les naissances spontanées des CDR, et en attendant que
des contours statutaires leur soient donnés, que leur organisation
structurelle soit bien assise, CDR et militants savent depuis le 02 octobre
avec netteté O. quoi s'en tenir quant O. leur role politique. Piliers de
la Révolution du 04 aout, les CDR doivent faire en sorte que le
mouvement de l'immense majorité se vérifie ».43
39 CNR, 1983, DOP, « Pour une juste
compréhension de la nature du role et du fonctionnement des CDR
», page 25.
40 Ibidem
41 Adama TOURE, « Un phare lumineux dans la
lutte révolutionnaire » in CARREFOUR AFRICAIN N°
799 du 07 octobre 1983, page 09.
42 Ibidem.
43 Béatrice DAMIBA, « Les CDR, nerfs
de la révolution » in CARREFOUR AFRICAIN N°799,
page 26.
L'analyse de ces propos de Béatrice
DAMIBA44 fait comprendre que même si c'est à travers le
DOP que les CDR ont acquis leur nature institutionnelle, il n'en demeure pas
moins que cette disposition ait été partielle. Cette
réserve que nous émettons se fonde sur l'imprécision de
leur statut et de leur organisation structurelle, comme le soulignait la
rédactrice de l'hebdomadaire CARREFOUR AFRICAIN.
La promulgation du Statut général des
CDR le 17 mai 1984 leva ces incertitudes. Le Capitaine Pierre OUEDRAOGO qui
avait succédé le 24 août 1984 au Commandant Abdoul Salam
KABORE lors de la création du Secrétariat Général
des CDR s'y était attelé. Ce statut institutionnalisait
définitivement les CDR comme une institution politique à la
dévotion du CNR qui assurait son contrôle : « Les
Comités de Defense de la Revolution sont une emanation du CNR
».45
Au total, la volonté d'être en phase avec une
certaine idéologie révolutionnaire originale dont il se
réclamait,46 le souci d'engranger une caution populaire
maximale et d'asseoir une politique révolutionnaire solide et efficace
ont été les motivations ayant poussé le CNR dès son
arrivée à lancer un appel au peuple pour la constitution de
structures dites Comités de Défense de la Révolution
(CDR). Définis comme « des architectes de la forteresse
révolutionnaire, comme les ferments de la pate dans laquelle tous les
Voltaïques determines doivent plonger la main pour faire lever
»,47 les CDR furent disposés institutionnellement pour
une mission d'envergure par le DOP du 02 octobre 1983. La promulgation de leur
statut général qui suivit le 17 mai 1984 les employa totalement
comme une institution fondamentale du CNR dans l'exercice de son pouvoir
révolutionnaire.
44 Béatrice DAMIBA a été
rédactrice à CARREFOUR AFRICAIN, militante, elle
était devenue par la suite haut-commissaire, puis ministre du CNR.
45 CNR, SGN-CDR, 1983, Statut
général des Comités de Défense de la
Révolution : « De la definition et des objectifs
», Article 1, page 7.
46 Révolution Démocratique et
Populaire
47 Béatrice DAMIBA, « Les CDR, nerfs
de la revolution » in CARREFOUR AFRICAIN N° 799 du 07
octobre 1983, page 26.