L'émancipation familiale face aux institutions: des pères séparés dans l'impasse( Télécharger le fichier original )par Catherine Azémar Conservatoire des arts et métiers Paris - Master de recherche: sciences du travail et de la société 2009 |
1.2. Paterfamilias et ordre monarchique de la familleL'origine de la notion de famille peut s'appréhender aussi dans son point d'ancrage avec sa conception romaine autour de la paternité. Cette famille patriarcale, la « gens », domine de 753av. J-C, jusqu'au IIème siècle av. J-C. Elle est fondée sur l'autorité, la « patria protestas », du chef, qui est quant à lui, le « paterfamilias », ayant droit de vie et de mort sur ses sujets incapables juridiquement (Renaut, 2003). Il est important de souligner cependant que dès l'empire de Rome (27 av. J. C.), « les empereurs se mettent à légiférer en droit public comme en droit privé, en particulier pour réduire l'autorité absolue du paterfamilias afin de protéger les personnes contre ses abus ». (Idem, p 6). A l'opposé ensuite du droit romain du Bas Empire qui est un droit écrit imposé par voie d'autorité , dont la source est l'empereur, le droit des barbares, du royaume franc, quant à lui, repose sur des coutumes orales et changeantes. C'est ainsi que par la suite à l'époque féodale, soumise à l'insécurité, se met en place une organisation familiale, avec le développement de familles patriarcales pour protéger l'individu dans une société où l'Etat est trop faible. C'est la coutume, inscrite, qui règle alors le droit privé. Puis sous l'influence de l'Eglise à la fin du XVème siècle, la famille, de patriarcale, se mue en cellule conjugale, l'autorité du mari sur la femme et les enfants n'est plus dorénavant un pouvoir absolu. Venant de Dieu, cette autorité doit être exercée comme par Dieu lui-même, c'est-à-dire dans l'amour et le respect mutuel. A partir du XVIème siècle, l'absolutisme royal a renforcé la puissance paternelle pour mieux fonder en droit la monarchie absolue. C'est la doctrine du droit divin : Les rois tiennent la place de Dieu qui est le vrai père du genre humain. Le droit paternel s'exerce sur le modèle de l'autorité du roi par rapport à ses sujets. De la sorte, cette conception romaine continue à trouver un écho sous l'Ancien Régime avec les lettres de cachet qui permettaient à un père de faire enfermer l'enfant mineur récalcitrant à son autorité2(*). Dans un climat de profondes tensions qui traversent le système social, politique, et idéologique, de l'ancien régime en Europe, la conception de Dieu comme Père et Roi sera accentuée à l'extrême dans le christianisme, nous explique l'historien Antoine Casanova : « Chaque père est ainsi en chaque famille le miroir et la preuve concrète du caractère absolu, éternel, de la validité de la hiérarchie sociale et des monarchies absolues. La propagande royaliste s'appuie sur la figure de Dieu le Père et sur l'autorité naturelle qui est celle de pères sur les enfants et la femme, pères porteurs et symboles de l'Ordre et de ses lois. » (Casanova, 2001). L'auteur, qui développe l'émergence de la figure du père au long des millénaires, explique qu'avec les Lumières et la Révolution française, la question de la famille et du père va constituer une question centrale : « Elle renvoie aux débats sur les statuts des personnes, des héritages, sur les orientations économiques, juridiques, politiques. Elle pose le problème de l'égalité des droits, et celui des bases légitimes de la souveraineté » (Casanova, 2001). Ainsi cette position de pouvoir du père, logiquement, sera mise à mal dans un lien avec l'histoire politique et le renversement du pouvoir monarchique, qu'illustre cette fameuse phrase de Balzac, tirée de La Comédie humaine : « En coupant la tête à Louis XVI, la révolution a coupé la tête à tous les pères de famille. Il n'y a plus de famille aujourd'hui, il n'y a plus que des individus ». Il s'agit bien déjà ici d'une remise en question du concept même de famille avec celle de la place du père. Cette évolution va se poursuivre vers la déchéance du père en passant par sa restauration selon un nouvel ordre matrimonial, pour s'orienter ensuite vers une conception contractuelle du couple, plus égalitaire, selon cette fois l'intérêt supérieur de l'enfant. * 2 Voir à ce sujet :M. Foucaut et A.Farges. Le désordre des familles :lettres de cachet des archives de la Bastille |
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