L'émancipation familiale face aux institutions: des pères séparés dans l'impasse( Télécharger le fichier original )par Catherine Azémar Conservatoire des arts et métiers Paris - Master de recherche: sciences du travail et de la société 2009 |
4.3. Trois associations militant pour l'égalité parentale : un accueil socialLes trois associations rencontrées fonctionnent toutes selon le même objectif, avec néanmoins des organisations différentes. Leur intention est celle de faire évoluer les pratiques, judiciaires surtout, pour permettre aux parents un égal accès à leurs enfants notamment par la généralisation de la résidence alternée. Si les revendications des militants de ces associations portent sur la parité à travers l'alternance de la résidence de l'enfant, ils dénoncent aussi le manque de parité et de reconnaissance de la part des tribunaux, et des institutions en général, que sont les allocations familiales, le fisc, l'école. Ils réclament de l'Etat une meilleure application du droit concernant les non présentations d'enfants, et la mise en oeuvre de moyens pour lutter contre « l'aliénation parentale »10(*), préconisent la médiation familiale plutôt que la judiciarisation. Enfin, ils dénoncent une idéologie discriminante pour les pères liée à la diabolisation des hommes par la médiatisation des violences conjugales. Nous verrons, à la suite de la présentation de ces associations, en quoi ses militants affirment par ailleurs agir par féminisme. En premier lieu, dans la pratique, ces associations proposent un accueil spécifique pour les parents, des pères en grande majorité, qui se trouvent en situation de conflit concernant la garde des enfants. - Le MCP, Mouvement pour la condition paternelle situé dans le douzième arrondissement, est l'antenne parisienne faisant partie de la Fédération des mouvements pour la condition paternelle FMCP, qui en compte une cinquantaine en France : « Pères en mouvement pour une responsabilité parentale partagée, égale en cas de séparation et de divorce ». Créée en avril 1974, l'association s'était constituée à l'origine sous le sigle MCMP, mouvement pour la condition masculine et paternelle, issue elle-même de la première association du genre, créée en 1969, et appelée, DIDHEM : Défense des intérêts et des divorcés hommes et de leurs enfants mineurs. Ainsi dès le début de l'accroissement du nombre des divorces, s'est organisée une mobilisation de pères, ce qui viendrait à relativiser l'évaluation du caractère nouveau d'une prise de conscience masculine dans l'investissement paternel. Des permanences d'accueil sont proposées, dans les locaux de la maison des associations de l'arrondissement, sans rendez vous, une soirée par semaine. Une deuxième soirée étant consacrée à une réunion d'échanges, d'informations/débats ; soit concernant directement le fonctionnement de l'association, soit ayant trait à des informations techniques, le déroulement d'une audience par exemple, ou bien encore un thème de discussion en lien avec la parentalité. Avec parfois l'invitation de représentants d'associations, de chercheurs, écrivains ou journalistes, voire parfois une personnalité politique. L'association est présentée comme un lieu d'accueil solidaire, d'action, de formation et d'échange permettant la réflexion. Ouverte aux hommes et aux femmes, l'association organise par ailleurs annuellement des universités d'été pour les adhérents, afin d'échanger et débattre sur les thèmes en lien avec la question de l'égalité parentale, de façon aussi à pouvoir présenter des propositions aux parlementaires dans le cadre d'élaboration de lois dans ce domaine. Les parents qui se présentent, des pères en majorité, sont accueillis individuellement par une ou deux personnes adhérentes, en fonction de leur compétence, ou expérience - celles ci ayant elles mêmes été préalablement reçues - pour exposer leurs problèmes personnels de parent lié à la séparation de leur couple. Si les parents peuvent parfois être orientées par des professionnels, ils sont le plus souvent conseillés par des personnes ayant déjà fait appel au MCP. Ce qui peut s'expliquer par la qualité relationnelle due à son orientation par l'approche individuelle. Les situations rencontrées sont en effet décrites par le secrétaire général de l'association, adhérent depuis l'origine du mouvement, comme invivables pour les pères, souvent en grande détresse. Ne constatant pas d'évolution dans ce domaine avec le temps, le conflit selon lui, vécu par les couples en séparation, est alimenté tant qu'il y a une procédure judiciaire. - L'Association SOS PAPA, fondée en 1990, comporte une vingtaine de délégations, son antenne parisienne est située dans le quinzième arrondissement. Elle accueille les pères, les parents et grands parents. Si les femmes là aussi peuvent être reçues, ce sont plutôt les nouvelles compagnes des pères qui se présentent, seules ou avec eux, les pères ayant parfois des difficultés à venir parler de leur situation au regard de leur ex-épouse ou concubine, me confie le Président. Ils se retrouvent par ailleurs dans une telle situation de destruction, me précise t il, que la belle mère est alors perçue comme ayant plus de recul, d'où sa présence désirée par le père en demande d'aide auprès de l'association. Les pères qui sont là, rencontrent tous de grandes difficultés à voir leurs enfants. Des grands parents, (parents du père pour la plupart) s'adressent également à l'association, se plaignant de vivre une situation dramatique dans la mesure où ils subissent l'absence des petits enfants dans les cas de séparation, poursuit le Président. S'estimant alors extérieurs aux problèmes de couples, observe t il, ils éprouvent d'autant plus un sentiment d'injustice. Les personnes qui s'adressent à l'association ont connaissance de son existence par internet le plus souvent, à partir du lien : Père, enfant, divorce, mais aussi par l'intermédiaire de tracts distribués notamment dans les commissariats. Beaucoup de pères en effet sont amenés à porter plainte pour non présentation d'enfants, ou pour un déménagement intempestif, comme c'est le cas nous le verrons par la suite pour certaines des personnes interrogées. Des permanences sont proposées trois soirées par semaine ainsi que deux samedi matin par mois. L'accueil se fait dans des locaux propres à l'association, par des pères eux-mêmes, adhérents volontaires, en groupe, sous forme de discussion libre en tour de table, chacun présentant sa situation plus ou moins brièvement. Au cours de cet échange ils peuvent à titre individuel cette fois, être reçus à tour de rôle par un avocat à leur disposition pour une consultation, dans un bureau isolé, sans pour autant qu'il prenne en charge leur dossier. Cinq avocats en effet se relaient bénévolement aux permanences, sans pour autant faire partie des membres adhérents. Sur le même principe, également, une psychologue extérieure peut recevoir ceux qui le souhaitent une fois par semaine. Par ailleurs, à leur demande, un père adhérent cette fois, notaire de métier, peut être lui aussi sollicité sur rendez-vous. L'association depuis peu adhérente à l'UNAF est par ailleurs active notamment à travers des actions médiatiques : manifestations, participation à des émissions de radio et télé, diffusion de tracts et articles dans la presse. Des affichettes placardées sur les murs résument assez bien les objectifs de l'association, et il m'a semblé intéressant d'en relever quelques uns : SOS papa, c'est le cri de l'enfant qui ne voit pas son papa. Juges, magistrats, avez-vous des enfants pour rendre de telles décisions ? Halte à l'éloignement géographique et à cette justice complice. Les femmes se battent avec SOS Papa dans l'intérêt de nos enfants. Halte aux déménagements intempestifs bien souvent décidés par la mère. A deux pour le concevoir, à deux pour l'aimer, à deux pour l'élever, même séparés. Je ne suis ni une marchandise ni une arme ! Respectez mes droits d'enfants. Couples séparés pourquoi le rapt d'enfant par certaines mères est impuni. La loi du 04 Mars 2002 ne doit léser ni le père ni la mère. J'ai le droit à mes deux parents et à mes quatre grands parents. 90% d'enfants de parents séparés ne voient leur papa que quatre fois par an. Porte close : Une fois de plus il ira déposer plainte ; La mère ne sera jamais inquiétée par la justice pour non présentation d'enfant ; Respectez les droits de l'enfant, sanctionnons ces comportements. La séparation du couple ne doit pas être la séparation de la famille. Trop souvent le père n'obtient qu'un droit de visite malgré sa volonté d'élever son enfant. Ainsi, les préoccupations contenues dans ces différents slogans, rejoignent en grande partie celles de l'ensemble des associations. L'association JPPP Justice Papa Parité Parentale. Il s'agit d'une association plus récente, crée en 2001. Elle se tient dans le troisième arrondissement de Paris, et comporte aussi quelques antennes en province. Une permanence d'accueil est proposée au public qui souhaite adhérer, une fois par semaine, dans des locaux de la maison des associations de la Mairie de l'arrondissement. Elle est organisée aussi sous la forme d'une petite table ronde, dans un premier temps, animée le plus souvent par un permanent seul, parfois à deux, puis dans un second temps assisté d'un avocat. L'accueil peut alors prendre une forme plus individualisée. Il est assuré par deux avocats, un homme et une femme, qui se relaient une semaine sur deux pour un soutien plus technique. Sans prendre en charge ici non plus, complètement le dossier, ceux-ci sont néanmoins davantage dans une position de membre actif dans l'association, l'avocate étant pour sa part plus particulièrement investie, ce qu'elle soutient dit elle, par un engagement féministe. En plus de ce temps d'accueil, les membres du bureau de l'association proposent un travail de réflexion et préparent des dossiers afin de présenter des propositions concrètes aux instances parlementaires. Par exemple au moment de l'enquête, ils travaillaient sur des propositions de barèmes en fonction des ressources pour les attributions des pensions alimentaires et prestations compensatoires. Les critères actuels auxquels se réfèrent les juges n'étant pas précisément définis, comme il a été précisé plus haut, hormis semble t il une base théorique de 10% qui ne serait pas toujours appliquée. Ce qui pour les militants, contribue à rendre de façon arbitraire des décisions de justice qui apparaissent ainsi parfois inéquitables. Là aussi, toutes les catégories socioprofessionnelles sont représentées à l'association, me précise t on. Néanmoins je note la fréquentation plus importante semble t- il d'un public jeune. Les associations travaillent sur le problème qui fait que le juge place les parents en compétition. Elles invitent alors les parents à prendre en main leur propre dossier pour augmenter leurs chances, à le reconstituer, et faire ainsi un travail sur eux mêmes. L'importance des mises en situation par l'écoute des autres, est alors soulignée. L'association tout comme les autres, affiche une volonté à ne pas réduire le discours à une revendication unique des pères, mais à militer pour une égalité parentale, dans le respect des enfants. Tout en stigmatisant parfois le caractère exclusif des mères, il s'agirait alors de militer selon une logique féministe, comme le soulignent certains d'entre eux. * 10 Formule qui renvoie au SAP (syndrome d'aliénation parentale), décrit en 1985 par Le Dr Gardner, pédopsychiatre américain. Il s'agirait d'un trouble exprimé par l'enfant, sous influence d'un parent endoctrinant, autour d'un dénigrement à l'encontre de l'autre parent, sans justification. |
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