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VIH/sida: défi au développement de l'Afrique. Une étude de l'impact économique et social de la pandémie au Rwanda

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par Michel Segatagara KAMANZI
Université pontificale grégorienne - Licence en sciences sociales 2003
  

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1.2 Les différents secteurs

1.2.1. L'agriculture

Le Rwanda, comme nous l'avons déjà noté, est un pays essentiellement agricole, que ce soit au niveau de l'occupation ou celui de l'activité économique. Il dépend en particulier de l'exportation du thé et du café qui constituent, à eux seuls, plus de 50% des exportations nationales. Le Rwanda dépend donc de son secteur primaire, qui est caractérisé par des activités du type « work intensive », c'est-à-dire qui emploie une grande main d'oeuvre, la mécanisation étant encore fort limitée. On comprend alors que ce secteur a besoin de beaucoup de personnes, des personnes en bonne santé !

Particulièrement concentré dans les milieux ruraux qui sont habités par plus de 80% de la population, ce secteur se trouve menacé directement par l'ampleur que prend l'épidémie du VIH/SIDA. Comme nous l'avons vu dans le premier chapitre, la population séropositive en milieu rural est en croissance et le taux de prévalence y est passé de 1,7% en 1986 à 10,8% en 1997. Le faible acces à l'information et aux infrastructures sanitaires adéquates, la grande mobilité des populations ces dernières années, ainsi que le phénomène nouveau de « l'exode urbain » ou le retour des personnes malades du SIDA dans leurs villages, peuvent justifier l'ampleur du VIH/SIDA dans ces milieux longtemps restés à l'abri de l'épidémie.

Comme nous le faisions remarquer dans le point précédent, le milieu rural constitue la base de l'économie nationale. En 2000, ce secteur a rapporté, à lui seul, 41% du PIB et plus de 70% des recettes d'exportations avec notamment le thé et le café. Pour la même année 2000, le secteur primaire se basait à 83% sur les cultures vivrières, à 9% sur l'élevage, à 4% sur les forêts, à 3% sur les cultures d'exportations (en particulier le café et le thé) et à 1% sur la pêche.

Avec la hausse du taux de prévalence du VIH/SIDA dans ces milieux où s'effectue cette agriculture intensive, c'est toute l'économie du pays qui est menacée. D'après les estimations de la FAO (Organisation internationale pour l'agriculture et l'alimentation), Le SIDA a déjà emporté environ 7 millions d'agriculteurs depuis 1985 dans 25 pays les plus frappés par l'épidémie en Afrique dont le Rwanda. La FAO estime aussi que, pour ces mêmes pays, l'épidémie pourrait causer une perte qui irait jusqu'à 26% de la force de travail agricole au cours des 20 prochaines années90. Ceci signifie que le VIH/SIDA menace sérieusement la sécurité alimentaire présente et future de ces pays à forte prévalence du VIH, en diminuant le nombre de travailleurs agricoles et leur productivité. Bollinger et Stover, dans leur recherche sur l'impact économique du SIDA au Rwanda91, constataient que dans des pays où la sécurité alimentaire a toujours été un problème, en partie, à cause de la sécheresse, une diminution dans la production agricole peut avoir des conséquences néfastes pour l'approvisionnement de toute la population. De plus, ajoutaient-ils, la diminution de travailleurs agricoles pourrait pousser ceux qui restent à changer d'activités économiques en passant à des cultures qui demandent un travail moins

90 Cf. FAO, HIV/AIDS, food security and rural livelihoods, World Food Summit, 10-13 June 2002.

91 L. BOLLINGER, J. STOVER, The Economic Impact of AIDS in Rwanda, September 1999.

intensif. Le SIDA pourrait donc ainsi affecter, d'une part, la production des cultures d'exportations qui, en général, exigent un travail intensif et, d'autre part, l'importance de la production vivrière qui occupe la grande partie de la population rurale92. Une autre étude prospective de l'impact du SIDA sur le système agricole au Rwanda, réalisée en 198993, allait dans le même sens. Elle prévoyait qu'un des rapides effets de la diminution du travail agricole à cause du SIDA serait la réduction voire la cessation de la production des cultures d'exportation comme le café94.

Si l'on en juge par les statistiques concernant le café, il y aurait lieu de croire que ce scénario catastrophique est en train de se réaliser. La production du café connaît, en effet, une diminution qui a pour conséquence la baisse des revenus associés à son exportation. Les récentes statistiques de l'OCIR-Café95 montrent une réduction de la production du café au niveau national : elle est passée de 21 952 tonnes en 1995 à 14 830 tonnes en 1997 avant de connaître une légère hausse en 2000 avec 16 098 tonnes. Du côté des exportations, la chute est encore plus significative : en 1990, les exportations de café rapportaient 65,7 millions de $US, en 1998 28,1 millions de $US, et seulement 22,5 millions de $US en 200096. Ces données pourraient plaider en faveur des prévisions de Gillespie sur la réduction des cultures d'exportation comme le café à cause de l'épidémie du VIH/SIDA. Cependant, les statistiques sur la production du thé vont dans le sens contraire, et nous font croire que la diminution de la production du café ainsi que celle des revenus associés à son exportation, ne sont pas à attribuer à l'épidémie du VIH/SIDA. Mais il nous semble que l'on ne peut pas, non plus, exclure toute corrélation entre la chute de la culture du café et la progression du VIH/SIDA au Rwanda. Comme la culture du café requiert beaucoup de travailleurs, ces derniers pourraient avoir diminué à cause du SIDA, entraînant ainsi une baisse de la production et une réduction des revenus associés à cette production. L'augmentation de la production du côté thé semble donc prouver que les raisons de la récession dans la culture du café sont ailleurs, notamment dans la chute des prix sur le marché mondial. Le thé est devenu en 2000 la première source de revenus

92 Cf. Ibid, p. 5.

93 S. GILLESPIE, «Potential Impact of AIDS on farming systems: a case-study from Rwanda», in Land Use Policy, October 1989, pp. 301-312.

94 Ibid., p. 312.

95 Cf. MINISTERE DES FINANCES ET DE LA PLANIFICATION ECONOMIQUE, Le Rwanda en Chiffres, Edition 2001, p. 19.

96 Ibid., p. 26.

d'exportations au Rwanda, dépassant ainsi pour la premiere fois le café. Les statistiques de l'OCIR-Thé97 parlent d'elles-mêmes : la production du thé noir en 1996 était estimée à 9 057 579 kg, elle est passée à 13 239 399 kg en 1997, et à 14 481 248 kg en 2000. Du côté des revenus d'exportations, en 1990 le thé rapportait 21 millions de $US, 22,9 millions en 1998 et 24,3 millions en 200098. Il nous semble que seule une étude plus spécifique pourrait évaluer et estimer le véritable impact du VIH/SIDA sur les cultures d'exportation, en particulier sur la baisse de production du café ; cela suppose bien sür qu'il y ait des données actualisées sur la mortalité des travailleurs de ce secteur ainsi que sur la cause de leur décès. Peut-être qu'avec des structures organisées comme l'OCIR-Café et l'OCIR-Thé cela pourrait être assez facile à vérifier. Nous ne tirons donc aucune conclusion à ce sujet et nous estimons seulement qu'une étude, comme celle suggérée précédemment, ferait davantage de lumière sur la menace réelle du VIH/SIDA et son impact sur les cultures d'exportations dont dépendent principalement les revenus de l'économie nationale.

Quoi qu'il en soit, la forte progression de l'épidémie en milieu rural (11% de taux de prévalence dans la population adulte selon l'enquête de 1997, soit une progression de 9% en 9 ans), laisse présager des pertes significatives en travailleurs agricoles pour les années à venir. Une action pour stopper l'épidémie du VIH/SIDA s'avère donc nécessaire et urgente pour éviter une catastrophe économique et garantir la sécurité alimentaire des populations déjà pauvres.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius