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VIH/sida: défi au développement de l'Afrique. Une étude de l'impact économique et social de la pandémie au Rwanda

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par Michel Segatagara KAMANZI
Université pontificale grégorienne - Licence en sciences sociales 2003
  

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2.2.5 limites des statistiques

Il nous semble nécessaire, à ce niveau, de faire quelques considérations au sujet des statistiques disponibles sur l'état de la pandémie en Afrique. Sans remettre en cause la validité de ces données statistiques, nous estimons qu'il est plus approprié de les considérer comme des indicateurs généraux qui peuvent aider les gouvernements et les autres organismes impliqués dans la lutte contre le SIDA à planifier leur action et à se rendre compte de l'état de la situation. Les méthodes utilisées ne peuvent prétendre à l'exactitude, mais elles permettent une approximation.

L'ONUSIDA et l'OMS ont développé durant ces dernières années des enquêtes de surveillance et des sites sentinelles où sont testées des populations cibles comme les femmes enceintes et les personnes malades, ainsi que d'autres groupes à risque comme les prostituées, les routiers, les prisonniers et les militaires. Ces enquêtes locales permettent une estimation assez proche de la réalité, bien que des surestimations ou des sous-estimations ne soient pas à exclure. Il est clair, par exemple, que si l'enquête est menée dans un bidonville où plusieurs personnes vivent dans une grande promiscuité et qu'on y relève une forte prévalence du virus, ces résultats ne peuvent pas être généralisés ou extrapolés à toute la population habitant cette ville.

La réalité de plusieurs pays africains nous prouve aussi qu'il y a une carence des structures de collecte de données et des divisions statistiques nationales qui pourraient permettre des enquêtes plus appropriées et des résultats plus objectifs. Il y a donc nécessité

39 Cf. PEMPELANI MUFUNE, «Social Science explanations of the AIDS Pandemic in Africa», in AIDS and Development in Africa, Kempe Ronald Hope, editor, The Haworth Press, New York, 1999, p. 23-25.

d'investir dans des structures permettant de faire un véritable état des lieux, et de connaître la vraie caractéristique et l'amplitude de la pandémie en Afrique subsaharienne.

2.2.6 Conclusion

Comme nous venons de le voir, le problème est très complexe et, à la base de la propagation du virus sur le continent, se trouvent de nombreux facteurs liés entre eux ; aucun facteur ne saurait à lui seul expliquer l'amplitude du VIH/SIDA sur le continent africain. Dans le débat sur les causes de la forte propagation du SIDA en Afrique Subsaharienne, les différentes approches proposées ont eu tendance à limiter leur explication du phénomène SIDA à l'un des facteurs mentionnés ci-dessus. Elles sont souvent teintées d'arrière fond idéologique et entachées de stéréotypes inavoués qui manifestent leur insuffisance et leur unilatéralité. Il faut plutôt admettre que tous ces facteurs jouent de façon interdépendante un rôle important dans l'expansion de l'épidémie. On pourrait dire que ces différents facteurs s'engendrent et se complètent mutuellement dans une sorte de cercle vicieux.

Ce qui est indéniable, c'est qu'il est existe un lien de réciprocité entre la pauvreté et le VIH/SIDA. La pauvreté prédispose à l'infection du SIDA, et le SIDA à son tour aggrave la pauvreté. Toutefois la pauvreté, bien qu'elle ait un rôle prépondérant et même principal dans la propagation du virus, ne peut pas à elle seule expliquer toute l'ampleur de l'épidémie en Afrique. Autrement on ne saurait expliquer le fait qu'on enregistre une forte prévalence du VIH aussi bien parmi les riches que parmi les pauvres.

Le statut de la femme dans la plupart des sociétés africaines, certaines pratiques traditionnelles, l'anomie sociale résultant de la dépendance et de l'influence occidentale, les conflits et les guerres, le désespoir face à la précarité de la vie et la pauvreté, nous semblent constituer les facteurs principaux qui rendent l'Afrique une terre fertile à l'expansion du VIH. Nous estimons que pour comprendre la propagation du virus sur le continent africain et trouver des remèdes efficaces, il faudrait prendre en compte tous ces différents aspects et même ceux qui ne sont pas souvent pris en considération, comme par exemple les facteurs biologiques qui rendent les femmes plus vulnérables que les hommes, car, comme on le sait, la transmission du virus sur le continent est essentiellement hétérosexuelle. Une approche holistique et interdisciplinaire s'avère par conséquent

nécessaire pour éviter toute parcellisation ou fragmentation40. Face à un problème aussi complexe que celui-ci, seule une explication différenciée et multiple a plus de chance d'être proche de la vérité. La réponse à donner pour combattre l'expansion du VIH/SIDA sur le continent doit donc tenir compte de cette complexité et de l'urgence d'agir de manière globale. Tous les éléments doivent nécessairement être pris en compte car il s'agit d'une question de vie ou de mort, car, comme le rapportait la revue « Jeune Afrique », « si rien n'est fait, il suffira d'une décennie pour tuer 40 millions de personnes en Afrique, décimer une génération de population active, multiplier les orphelins, plomber les économies déjà balbutiantes41. »

Faut-il répéter ici que le faible accès du continent aux médicaments et traitements antirétroviraux aggrave sa situation et fait que le SIDA soit responsable d'une plus grande mortalité en Afrique Subsaharienne? Quant à la recherche de vaccin, le manque de revenus fait qu'elle n'est pas très avancée sur le continent. Comme l'affirmait le rapport de l'ONUSIDA en 2002 : « Les sous-types les plus courants du VIH sont le A et le C, présents dans plusieurs régions d'Afrique, mais la majorité des vaccins actuellement à l'essai sont préparés sur le profil génétique du sous-type B qui est le plus répandu dans les pays à revenu élevé 42. »

Il existe néanmoins des signes réels de la possibilité de changer le cours de la propagation du virus. Ces signes encourageants proviennent de l'Ouganda et du Sénégal qui ont pu sensiblement baisser les taux de prévalence dans leur population, grâce à une forte action des dirigeants politiques en collaboration avec la société civile, les différentes organisations locales et internationales ainsi que le déboursement des ressources importantes pour la lutte et la prévention du VIH/SIDA.

40 Cf. EDGAR MORIN, La tête bien faite, Seuil, Paris, 1999.

41 J. BASTIN,» Assez de discours!», in Jeune Afrique l'intelligent, N°2142, du 29 janvier au 4 février 2002, p. 46.

42 ONUSIDA, Rapport sur l'épidémie mondiale de VIH/SIDA, Genève, juillet 2002, p.108.

Pays d'Afrique subsaharienne plus affectés par le VIH/SIDA à la fin de

l'année 2003

(taux de prévalence supérieur à 4%)

Pays

Taux chez les Adultes (%)

Adultes et

enfants

Adultes (15-49)

Orphelins (0-17) en vie

Swaziland

38,8

220 000

200 000

65 000

Botswana

37,3

350 000

330 000

120 000

Lesotho

28,9

320 000

300 000

100 000

Zimbabwe

24,6

1 800 000

1 600 000

980 000

Afrique du Sud

21,5

5 300 000

5 100 000

1 100 000

Namibie

21,3

210 000

200 000

57 000

Zambie

16,5

920 000

830 000

630 000

Malawi

14,2

900 000

810 000

500 000

R. Centrafricaine

13,5

260 000

240 000

110 000

Mozambique

12,2

1 300 000

1 200 000

470 000

Tanzanie

8,8

1 600 000

1 500 000

980 000

Gabon

8,1

48 000

45 000

14 000

Côte d'Ivoire

7,0

570 000

530 000

310 000

Cameroun

6,9

560 000

520 000

240 000

Kenya

6,7

1 200 000

1 100 000

650 000

Burundi

6,0

250 000

220 000

200 000

Liberia

5,9

100 000

96 000

36 000

Nigeria

5,4

3 600 000

3 300 000

1 800 000

Rwanda

5,1

250 000

230 000

160 000

Congo

4,9

90 000

80 000

97 000

Tchad

4,8

200 000

180 000

96 000

Ethiopie

4,4

1 500 000

1 400 000

720 000

R.D. Congo

4,2

1 100 000

1 000 000

770 000

Burkina Faso

4,2

300 000

270 000

260 000

Ouganda

4,1

530 000

450 000

940 000

Togo

4,1

110 000

96 000

54 000

Source: Tableau réalisé à partir des données de : ONUSIDA, Rapport sur l'épidémie mondiale de VIH/SIDA, Genève, juin 2004.

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