De la psychanalyse du sujet connaissant à l'objectivité scientifique dans l'épistémologie Bachelardienne( Télécharger le fichier original )par Merleau NSIMBA NGOMA Université chrétienne Cardinal Malula RDC - Licence en philosophie et lettres 2009 |
II.1.2. La connaissance généraleGaston Bachelard s'attaque aux généralisations hâtives et faciles, il estime en fait que « rien n'a plus ralenti le progrès de la connaissance scientifique que la fausse doctrine du général qui a régné d'Aristote à Bacon inclus et qui reste, pour tant d'esprit, une doctrine fondamentale du savoir ».98(*) Selon notre penseur, l'obstacle de la connaissance générale est celui qui consiste à généraliser trop vite un concept, à tel point que cette généralisation obscurcit d'autres perceptions de la compréhension. Il est donc clair de plus comprendre cette science du général dans le sens d'un arrêt de l'expérience, d'un échec de l'empirisme inventif. On n'a pas tendance à vérifier un argument qu'avance un groupe. On croit que plusieurs personnes ne peuvent pas se tromper. On croit que la vois de la majorité est toujours authentique. On se contente d'une vague induction : « Bien souvent, écrit Bachelard, afin d'indiquer d'une manière simple comment le raisonnement inductif, fondé sur une collection de faits particuliers, conduit à la loi scientifique générale, les professeurs de philosophie décrivent rapidement la chute de divers corps et concluent : tous les corps tombent ».99(*) Ces professeurs croient qu'avec un tel exemple, ils ont marqué le pas dans la perspective du progrès de la pensée scientifique. Par rapport à la pensée aristotélicienne, cette position se présente comme une rectification ou une amplification de la généralité. Bachelard précise : « Aristote enseignait que les corps légers, fumées et vapeurs, feu et flamme, rejoignaient à l'empyrée leur lieu naturel, tandis que les graves cherchaient naturellement la terre de philosophie qui enseignent que tous les corps tombent sans exception ».100(*) Et croient -ils avoir fondé la loi de gravitation, qu'ils auront à présenter comme une doctrine saine ? Nous devons alors nous poser la question de savoir si réellement de telles lois constituent des pensées authentiquement scientifiques, ou elles suggèrent une autre réalité. En effet, si on part de la mécanique, on peut affirmer que tous les corps tombent ; en optique on dira que tous les rayons lumineux se propagent en ligne droite. Le biologiste quant lui soutient que tous les êtres vivants sont mortels. Si nous partons de la proposition des biologistes, nous pouvons dire les faits ne sont pas toujours faciles à vérifier. En effet,, ne peut prononcer cette phrase « les vivants sont mortels » que celui qui ferait l'expérience de ne pas mourir. Puisqu'en disant un tel énoncé et que soi-même aussi, on mourait, qui alors aura à vérifier que réellement c'est vrai que tous les êtres vivants sont voués à la mort ? Et si autre chose arrivait après la mort de celui qui a prononcé la phrase ? Le deuxième exemple qui illustre bien cet obstacle, l'auteur le tire de l'enseignement du principe d'Archimède, qui, chez Bachelard constitue un véritable morceau d'anthologie pédagogique. Il montre qu' « un principe aussi essentiel peut complètement échapper aux élèves qui expliquent la flottaison par la seule activité des corps flottants. En quelque sorte, si des corps flottent, c'est parce que qu'ils font tout pour cela ».101(*) Pour Gaston Bachelard, il faut beaucoup de patience pour réfuter les fausses explications trop généralisantes. Le corps flotte parce qu'il est léger. Et les bateaux ? Les bateaux flottent parce qu'ils sont propulsés par un moteur. Et à l'arrêt ? A l'arrêt ils continuent à flotter parce qu'ils contiennent de l'air. Et quand ils sont pleins ? Etc... De même que la flottaison cache la poussée d'Archimède, de même la vitesse cache le concept d'accélération. A l'occasion de la loi de la chute des corps, on peut demander à l'élève de définir l'accélération. « Comme presque tout le monde, il répondra qu'accélérer consiste à aller plus vite, faisant appel par là à l'expérience habituelle de la conduite automobile ; on assimile ainsi l'accélération à la vitesse la plus importante... Elle est la vitesse de la vitesse ».102(*) Partant de ces considérations que l'histoire lui offre, Bachelard indique qu' « on peut se rendre compte que la généralité immobilise la pensée, que les variables relatant l'aspect général portent ombre sur les variables mathématiques essentielles... En gros, ici la notion de vitesse cache la notion d'accélération. Et pourtant elle qui correspond la réalité dominante ».103(*) Dans la perspective de Bachelard, la pensée scientifique moderne s`est déjà considérablement heurté à l'obstacle de la généralité. Alors qu'elle recherche ardemment l'objectivité - fuyant ainsi l'universalisme -, elle s'attardait plus à la collection des objets plus ou moins analogues en lieu et place de rechercher la précision et la cohérence des attributs (qui doivent de prime abord caractériser l'objectivité). Bachelard constante, de cet effet, que ce qui limite une connaissance est souvent plus important, pour le progrès de la pensée, que ce qui étend vaguement la connaissance. Or, poursuit-il, « une connaissance qui manque de précisions ou, pour mieux dire, une connaissance qui n'est pas donnée avec ses conditions de déterminations précises n'est pas une connaissance scientifique. Une connaissance générale est fresque, elle est une connaissance presque fatalement une connaissance vague »104(*) Au lieu que l'esprit puisse être libre et entreprendre des recherches, la généralisation se constitue en un certain obstacle. A en croire Bachelard, la généralité immobilise la pensée, elle est une connaissance sans précision, une connaissance dépourvue de ses conditions de détermination, de ce fait, elle est loin d'être scientifique. * 98 Ibid., p.55. * 99 G. BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, p.55-56 * 100 Ibid, p.56. * 101 Ibid., p. 57. * 102 G. BACHELARD., La formation de l'esprit scientifique, p.61. * 103 Ibid., p.63. * 104 G. BACHELARD, la formation de l'esprit scientifique, p.65. |
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