PARTIE III: PERCEPTION ET ADAPTATION PAYSANNE
CHAPITRE I : Adaptation des paysans au changement
climatique.
L'adaptation à une réalité
nécessite une perception de celle-ci. Car la considération
donnée à la réalité équivaut au degré
d'adaptation. Les paysans s'expliquent difficilement les caprices
pluviométriques engendrés dans leur localité.
I. Identification des perceptions des paysans du
changement climatique.
Les paysans sont certes conscients de la nouvelle
réalité qui s'impose à eux. Les explications sont tout de
même mitigées. Ils se donnent des raisons liées
majoritairement à leurs propres comportements. Ainsi, on a :
1.1. La désacralisation des pratiques
ancestrales.
La croyance est le fait de tenir quelque chose pour vrai, et
ce ci indépendamment des preuves éventuelles de son existence,
réalité ou possibilité.
De nos jours, la croyance des populations est diverse. Le
catholicisme et les nouveaux mouvements religieux et l'islam ont dilué
les hiérophanies des ancêtres. La croyance en des pierres, des
arbres, des rivières est en train de disparaître tant en ville
qu'au village. Or cette croyance était la seule qui animait la vie des
populations anciennes. De ce fait, les fondateurs des villages adoraient la
terre. Cette pratique devient une institution à perpétuer de
génération en génération. Alors, le non respect de
ces traditions constitue un dysfonctionnement au plan cosmogonique, une rupture
d'avec les ancêtres. Il s'avère ainsi difficile d'avoir leurs
faveurs dans la réalisation de projet, de travail de la terre. La terre
désacralisée ne répond plus aux aspirations des paysans
usagers d'elle. Puisque la divergence de croyance nourrit des comportements de
désobéissance des traditions. Certains paysans autochtones comme
allogènes n'observent pas les «fô« et les interdits
comme ne pas travailler au champ quand il y a décès, ne pas se
bagarrer en brousse, ne pas aller au champ en période de
menstruation.
1.2. Les feux de brousses.
L'utilisation du feu est une pratique traditionnelle pour la
préparation des terres agricoles, la chasse et le renouvellement des
pâturages. La culture sur brûlis constitue une menace
véritable pour les forêts car le feu se manipule difficilement par
les paysans. Aussi, certains mettent consciemment le feu à la brousse
à la recherche d'un quelconque gibier. Ce type de chasse cause
généralement la désolation au sein des propres
populations. Certains voient leurs stocks d'igname, de riz, de maïs
allé en fumée chaque année. Cette pratique réduit
la jachère en raccourcissant la période nécessaire aux
processus de régénération des forêts et en
augmentent la fragmentation des îlots de végétation
naturelle. Certaines espèces de mammifères, de reptiles et
d'oiseaux ont disparu des forêts arborées de Prikro.
1.3. L'exploitation abusive de la flore.
La flore et la faune des forêts ivoiriennes sont
extrêmement variées. Le maintien de vastes étendus de
forêts représentatives de tous les écosystèmes reste
une préoccupation du gouvernement ivoirien.
D'une manière générale, la demande des
produits forestiers est très importante, tant sur le marché local
qu'au niveau mondial. Cette forte demande s'est traduite par une pression sur
les forêts qui a décru en superficie et s'est appauvrie en
essences de bois d'oeuvres. Aujourd'hui, la structure de l'offre a
été bouleversée et profondément modifiée. La
principale utilisation de la forêt par les populations rurales est
l'extraction de combustibles ligneux pour satisfaire leurs besoins en bois
d'énergie. La consommation de bois de feu et de charbon de bois est
difficile à évaluer. Les besoins en bois de feu augmentent avec
l'accroissement des populations et constituent une cause majeure de
reboisement. La vente du bois en grume a manifestement appauvri la
région en forêt dense. Aujourd'hui, le fromager constitue l'arbre
dominant dans la plupart des forêts
régénérées. La principale activité
étant l'exploitation de la forêt à travers les champs,
celle-ci devient une denrée rare dans la région. Cela constitue
des mésententes au sein des populations chaque début
d'année agricole. L'espoir d'avoir une bonne récolte
dépend d'une bonne et fertile terre. Or les terres fertiles, les
populations ne disposent pas en grande quantité.
1.4. C'est un moment.
Les saisons de pluies sont des moments qui arrivent et qui
passent. Ainsi, la raréfaction des pluies constitue un moment qui est
arrivé. Les périodes de la vie ne paraissent pas les mêmes.
« Bien que les hommes soient différents, les moments le sont
aussi » (vieux Kanga). A en croire cet enquêté, rien ne
justifie la variabilité en baisse de la pluviométrie en
Côte d' Ivoire et à Prikro en l'occurrence. Le monde ne change
pas, il y a un retournement à une situation initiale et ainsi de suite.
Le vieux Kanga est tout simplement relatif quand à un changement du
monde climatique. Cette opinion rejoint l'ouvrage d'Yves Lenoir (1992) qui bat
en brèche toutes les recommandations faites relatives au changement
climatique. Car pour lui, la terre est une entité capable de
résoudre elle-même les incohérences dues aux comportements
des hommes. C'est dire que le climat terrestre ne change pas comme l'on laisse
à croire. La terre ne se réchauffe pas mais subit quelques
légères modifications climatiques qu'elle gère
elle-même.
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