4) L'impact du film noir américain dans le monde
: l'exemple de la France.
On rappellera encore le caractère démoralisant,
pour le spectateur, du monde corrompu où se complait la série. Il
reste pourtant que la présentation à doses massives, des
années durant, de films criminels a vraisemblablement, en période
de tension internationale des effets dangereux sur l'agressivité
collective du public, même si la production de ces bandes a eu seulement
pour mobile des considérations financières.
Un film noir à la française existe
également.
Selon Raymond Borde et Etienne Chaumeton,
« La saison 1954-1955, a été situé
en France sous le signe du « noir ». (...) Plus tard, les sociologues
devront se pencher sur ce phénomène. Pourquoi le cinéma
français a-t-il repris, avec dix ans de retard des formules qui sont aux
U.S.A en perte de vitesse ? Peut-être assure til la relève du
cinéma américain ? Il y aurait donc une demande constante et
incompressible de spectacles violents. (...) Les tueurs sont revenus
d'Outre-mer couverts de médailles. Et l'on est frappé par la
jeunesse du public (beaucoup de garçons et de filles de 16 à 20
ans) lorsqu'un film noir passe dans une salle. (...) Autre facteur : la
détente internationale. La série noire américaine avait
pris le grand départ en 1945, c'est-à-dire à la fin des
hostilités. Elle s'adressait aux aventuriers passifs du temps de paix.
Le tableau qu'elle donnait des Etats-Unis - une société
vénale et vicieuse - n'aurait guère convenu à
l'idéologie d'un pays en guerre. On peut supposer que la série
française doit, elle aussi, son développement aux chances de paix
qui se précisent, à l'euphorie des négociations, au
reglement de l'affaire indochinoise. »149
Plus loin, en parlant des films noirs français, ils
remarquent que :
« Tous ces films ont été une caricature de
la série noire. Ni l'érotisme de Gilda, ni l'onirisme
forcené de La dame de Shanghai, ni la rigueur de La femme
à abattre n'avaient la moindre chance d'intéresser les
producteurs qui font du cinéma comme on fait le trottoir.
149 Raymond Borde, Etienne Chaumeton, Panorama du film noir
américain (1941-1953), op. Cit pp. 159-160.
Mais depuis l'an dernier, quelques hommes ont créé
une école française du film noir, ou « noirci » qui a
d'autres ambitions. Jusqu'ici trois formules ont été
exploitées :
- la psychologie criminelle basée sur le suspense
(Obssession, Bonnes à tuer, Les diaboliques),
- le documentaire policier (Razzia sur la chnouf),
- le film sur le milieu (Touchez pas au grisbi, Du rififi chez
les hommes). »150
Le film noir américain a donc marqué les esprits
français, et ont inspiré certains réalisateurs. Cependant,
il faut noter que l'apparition des films noirs en France remonte à
1946.
« C'est au cour de l'été 1946 que le public
français eut la révélation d'un nouveau type de film
américain. En quelques semaines, de la mi-juillet à la fin du
mois d'aoüt, cinq films se succédèrent sur les écrans
parisiens, qui avaient en commun une atmosphère insolite et cruelle,
teintée d'un érotisme assez particulier : Le faucon maltais de
John Huston, Laura de Otto Preminger, Adieu ma belle d'Edward Dmytrick,
Assurance sur la mort de Billy Wilder et La femme au portrait de Fritz Lang.
Longtemps coupée de l'Amérique, mal
informée de la production d'Hollywood pendant la guerre, vivant dans le
souvenir de Wyler, Ford et de Capra, ignorant jusqu'au nom des nouvelles
étoiles de la mise en scene, la critique française ne vit pas
toute l'ampleur de cette révélation. »151
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