CONCLUSION :
A la fin des années 1950, le film noir tend à
disparaître des écrans américains.
A cela plusieurs éléments de réponse,
dont entre autre l'apparition de la télévision, le feuilleton
policier, le poids du Maccarthysme qui fait la Chasse aux sorcières
contre le communisme.
« La Chasse aux sorcières n'est pas la seule cause
de la raréfaction du film noir sur les écrans
américains à partir de la fin des années cinquante. La
progression de la télévision dans les foyers y joue aussi son
rôle. Les familles y voient défiler des séries
conçues sur mesure. Le feuilleton policier s'y installe et se garde bien
de démarquer les subversions du « cycle noir » par crainte de
la censure, qu'elle soit celle de l'administration fédérales ou
des sponsors publicitaires. »152
Encore une fois, le cinéma est en adéquation avec
l'histoire, car en 1955, cela maintenant dix ans que la Guerre Froide
sépare le bloc américain, contre le bloc communiste de l'ex URSS.
Les interrogations des années soixante évoluent vers un autre
style cinématographique, comme le film d'espionnage (la série des
James Bond).
Les femmes y sont toujours représentées comme
des criminelles ou des femmes fragiles, mais le noyau du film est basé
sur l'intrigue, et la victoire des américains contre le mal qui les
entoure.
Le film noir subsiste, mais il n'est plus « le genre »
dominant.
Comme le remarque Nöel Simsolo,
« Depuis le début des années soixante, le
film noir subsiste donc en s'exilant dans des genres en agonie. Il inspire
néanmoins des auteurs cinéphiles. Il déclenche aussi des
systèmes nouveaux et devient mythologie populaire avec une
esthétique en éternelle mutation. »153
Le film noir est donc rentré dans l'histoire du
cinéma.
Il faut également noter l'apparition de la couleur, qui
est comparable à l'apparition du cinéma parlant.
Alors que le noir et blanc exprimait parfaitement le conflit
entre le mal et le bien, cette apparition correspond à une
période pleine d'incertitudes.
152 Noël Simsolo, Le Film Noir, Vrais et faux
cauchemars, op. Cit p. 421.
153 Ibid, p. 425.
Celle-ci va permettre une diversification des thèmes
abordés au cinéma, et le film noir sera revisité en
couleur qu'à la fin des années soixante, seulement il prendra le
nom de films criminels.
De plus, la société américaine ne s'en sort
pas de ses crises internes.
Selon Michel Ciment :
« Le conflit du Viêt-Nam, l'affaire du Watergate,
l'insécurité urbaine, les émeutes des ghettos noirs, les
mouvements gay et féministe nourrissent depuis un quart de siècle
un flot de films où s'expriment la peur, voire la paranoïa d'une
société aux abois. »154
Pourtant, pour certains réalisateurs contemporains, le
film noir est un magnifique travail d'esthétisme, et c'est une grande
source d'inspiration.
Justement, cette nouvelle ère permet d'avoir une
approche plus directe des themes que la censure avait occultée, comme
par exemple la réadaptation de Le facteur sonne toujours deux
fois de Tay Garnett.
En 1981, le réalisateur Bob Rafelson reprend l'intrigue,
qui souligne nettement plus le caractère sexuel originel du roman de
James Cain.
« Entre Lana Turner, lisse et « propre » (short
blanc, allure sportive, présentation soignée) et Jessica Lange,
la sensualité à fleur de peau (mal coiffée, le
mégot aux lèvres, présentation négligée, les
mains dans la farine), la différence est de taille. Rafelson et son
scénariste, David Mamet, peuvent aller jusqu'au bout des implications du
roman de Cain - le meurtre participe du désir sexuel - qui,
rappelons-le, avait effarouché Hollywood au point que le sujet
était resté dans les tiroirs plus de quinze ans. »155
Les américains reconnaissent que le film noir fait
intégralement parti de leur culture.
De jeunes réalisateurs, comme Quentin Tarantino, vont
donner un coup de neuf à un nouveau genre de films.
Que le fil conducteur soit une histoire de Gangsters, de femmes
fatales ou criminelles, ils rendent hommage au film noir.
D'ailleurs, les femmes criminelles reviennent en force à
partir des années quatre-vingt.
Que cela soit Sharon Stone dans Basic Instinct de Paul
Verhoeven (1991), Laura Elena Harring dans Mulholland Drive de David
Lynch (2001),
154 Michel Ciment, Le crime à l',cran, Une histoire de
l'Amprique, op. Cit, p. 100.
155 François Guérif, Le film noir
américain, op. Cit, p. 320.
« Nouvelles femmes fatales, garces sexy, elles
perpétuent la tradition de leurs aînées, mais affichent
leur agressivité sexuelle et perdent en ambiguïté ce
qu'elles gagnent en violence. »156
Les interrogations des hommes sur les femmes n'ont pas
changé, de plus l'Histoire n'a fait que complexifié les choses,
avec la libération de la femme dans les années soixante-dix, la
légalisation de l'avortement (seulement dans certains Etats des
Etats-Unis), l'ascension sociale de femme, qui, à moindre échelle
toujours de nos jours, accède à des hauts postes à
responsabilité.
Les peurs des hommes sont les mêmes, seulement elles sont
plus qu'exacerbées.
Ce nouveau mouvement va devenir le néo-polar, qui lui
aussi donne un reflet complexe de la société.
Mais à la différence du film noir, on remarque
que le poids de la censure et de la morale ont relâché leur
emprise, car dans les films du néo-polar, l'individualisme est
poussé à son extrême.
Sans doute, le film qui marque le plus cette reconnaissance
sociale, et fait de la femme un « homme » à sa manière,
un être qui n'a plus besoin de lui pour vivre, ni pour faire des enfants,
est Kill Bill de Quentin Tarantino, qui date de 2004.
L'histoire de cette femme, qui après avoir
frôlée la mort en se faisant attaquée le jour de son
mariage par les « employés » de son ancien amour, Bill, va au
fur et à mesure, éliminer tous ceux qui lui ont fait du mal.
Sa soif de vengeance est énorme, les bains de sang et
les carnages sont les caractéristiques des scènes où la
violence règne en maître, mais finalement, dans sa course folle,
elle arrivera à retrouver son bien le plus précieux, sa fille,
que Bill a gardée avec lui.
Ce film de Quentin Tarantino n'est-il pas le miroir de ce
qu'est la société de nos jours ? N'a-t-il pas voulu nous montrer
que derrière les meurtres et les tueries, le fond psychologique
révèle bien l'indépendance acquise de la femme, qui peut
être forte et se débrouiller seule. Elle n'est plus sous le
couvert de l'homme.
Et l'on peut se demander, si finalement la femme ne serait pas
la représentation de la société elle-même ?
Car si la femme n'est plus dans l'ombre de l'homme, la
société vivante, pas celle des institutions, lisse et
formatée en apparence, n'est elle aussi parfois incontrôlable,
c'est une jungle ou chacun se bat pour survivre.
Si l'on relie cinéma, histoire et représentation
des événements, peut-être que la société
« humaine », et non pas économique, politique, religieuse,
..., cherche de plus en plus à s'émanciper du protectionnisme et
du paternalisme des Etats, des Nations et des Institutions. Et l'on peut
remarquer qu'au fil de l'histoire, que cela soit avec les révolutions
(comme la révolution française de 1789, la chute du mur du Berlin
en 1989,...) les Hommes se tournent de plus en plus vers cette liberté,
cette émancipation, avec entre autre l'avènement de la
technologie et d'Internet.
Ce qui amène à se demander comment l'on
interprétera ces films récents, avec plus de recul, dans le futur
? , et si l'homme et la femme ne finiront pas par créer une
dualité omniprésente entre eux.
Article de Marc Ferro sur la relation entre histoire et
cinéma.
Les principes du Code Hays.
Rapport du Code Hays sur le film Assurance sur la mort.
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