Chapitre VIII : ... à la réalité
sociale.
3) La famille américaine, une forteresse
imprenable.
Il y a dans le courant classique du film noir et des femmes
criminelles, deux types d'hommes.
D'une part les «négatifs », ces protecteurs ou
maris possessifs et incapable de considérer leur compagne autrement que
comme leur possession.
Comme le mari de Rose, Georges (Joseph Cotten), dans
Niagara, ou bien celui de Cora dans Le facteur sonne toujours deux
fois, qui considèrent leur femme comme un objet, qui ne peut pas
penser et vivre seule, sans eux.
C'est le même paternalisme dont l'Etat fait preuve avec la
population américaine.
D'autres part, les « positifs », un peu comme Sam
Spade, et qui en ayant leur propre conception du bien et du mal, reconnaissent
aux femmes le droit de s'émanciper.
En devenant femme criminelle, femme fatale, vamp ou nymphomane,
la femme tend à supprimer des écrans la mère de famille et
la bonne épouse.
Selon Michel Cieutat,
« L'Amérique ne peut exister sans la Mere. Elle
est aussi bien la source de maintes joies familiales que la cause de nombreux
traumatismes psychologiques. (...) Echec cependant logique, puisque la femme
US, dans son innocence, sa force dominatrice et sa vanité, ne fait que
renvoyer l'Amérique face à elle-même. »139
Il rajoute à l'égard du rôle de la mere :
« Il ne pouvait mieux dire, car la mere, à l'image
de la « Mother Nature », est la souche même de la
société américaine. Outre le fait qu'elle donne vie, elle
a aussi la responsabilité de la protéger. »140
Quand on se rend compte de cela, on comprend pourquoi
l'apparition des femmes criminelles à l'écran à susciter
tant de polémiques de la part de la censure, et générer
une curiosité et une attitude voyeuriste du côté des
spectateurs.
Puis il continue par :
« Devant un tel étouffement matriarcal, il va de soi
que les déclarations misogynes abondent dans le cinéma
américain. »141
La femme a donc plusieurs « fonctions » pour
l'homme.
Elle peut être sa propre mère, sa femme, la
mère de ses enfants, sa maîtresse, en cela elle perd de sa
féminité.
C'est cela qui trouble les hommes, comment une mere peut elle
avoir envie d'être féminine, alors qu'elle reste toute la
journée à la maison, pour s'occuper des enfants et tenir la
maison ? Ce stéréotype de la famille américaine est donc
une barrière pour l'ouverture d'esprit des hommes en ce qui concerne
l'émancipation de la femme.
4) Les relations hommes-femmes.
Les hommes aiment-ils ces « nouvelles » femmes
libérées, ou plutôt qui se libèrent, et qui
acquièrent les mêmes préoccupations qu'eux ?
En effet, les femmes deviennent-elles par là des compagnes
plus « complètes », plus en adéquation avec les hommes
?
Ou bien au contraire deviennent elles des rivales, qu'ils
craignent, des « êtres » qui n'ont plus envies de
s'embarrasser, afin de vivre leurs aspirations sans pudeur, ni hypocrisie et
qui les affolent ?
Car indéniablement, elles sont de moins en moins mises
à l'écart et sont concernées par les mêmes
problèmes ou désirs que les hommes, au sein de cette
société américaine.
Michel Cieutat explique :
« D'autre part, nombreuses sont les femmes qui portent la
culotte, cette fois au sens littéral de l'expression, mais qui, devant
l'amour et devant l'amour seulement, acceptent de se féminiser (...)
Ainsi représentée, la femme n'est jamais ridicule. Bien au
contraire, elle confirme, à travers une forme d'humour quelque peu
distanciatrice, que l'Amérique doit aussi sa force à des femmes.
Mais l'homme s'arrange quand même pour dénoncer cet abus de
pouvoir en mettant en scène, avec une certaine régularité,
des créatures aux cheveux courts - coupe capillaire qui fut pendant
longtemps un interdit biblique notoire - à qui il attribue des
rôles ~ sataniques, histoire d'avoir le dernier mot : Mary Astor dans
The Maltese Falcon, Rita Hayworth dans The Lady From Shanghai
(...). »142
Toutefois, la séduction féminine est toujours
synonyme de piège, d'artifices mensonger. Ils voient la femme comme une
menace potentielle pour leur statut, leur reconnaissance sociale ou leur
supériorité.
Quelque part ils ont peur et de ne plus trouver leur place dans
ce monde de femmes, et cherchent donc à affirmer leur prégnance,
mais également que les femmes prennent tout simplement cette place.
Ils ne faut que les femmes oublient qu'elles vivent dans un monde
qui a été plus ou moins conçu et dirigé le plus
souvent par des hommes, et que la place qu'elles occupent est
usurpée.
Cette période est aussi le début des
prémices des combats pour l'indépendance, ce qui explique
peut-être ce caractère d'une féminité
dévorante.
Mais accorder une place dérisoire aux femmes
relève avant tout encore une fois du fantasme. Celles-ci sont en effet
plus nombreuses que les hommes, leur espérance de vie est
supérieure, et elles font preuves d'un acharnement particulier afin de
s'immiscer dans tous les domaines de la vie publique.
A cette période, les hommes traversent donc une crise de
doute fac aux femmes.
« Le male américain a donc besoin d'un dopage pour se
hisser à la hauteur de sa compagne. Certains ne supportant plus le
matriarcat made in USA, décident tôt ou tard d'en finir avec lui.
»143
La place de la femme américaine n'est donc pas
très claire, surtout pour les hommes qui sont partagés entre
être protecteur, solide et responsable, ou bien à l'inverse
être esclave, victime de leur pulsion et de l'aspect charnel de la
femme.
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