TROISIEME PARTIE :
ENTRE FICTION ET REALITE, LE
FILM NOIR MIROIR DE LA SOCIETE
AMERICAINE.
Chapitre VII
1) L'émancipation de la femme.
« Devant un tel déferlement de misogynie, la femme ne
pouvait que se rebeller. C'est ce qu'elle s'empresse de faire en aspirant
à l'émancipation. »134
L'émancipation de la femme à l'écran
démontre le début d'une ouverture d'esprit quant à la
place de la femme de la société américaine.
« L'émancipation féminine existe bien à
l'écran, mais présente néanmoins cette certaine amertume,
car elle conduit souvent soit à l'échec, soit à
l'isolement, soit au statut quo. »135
« A cela une raison historique : accédant à
des postes à responsabilité pendant la guerre, les femmes
inquiétèrent avec leur nouveau pouvoir économique. Comme
pour son style de photographie, son mode de récit et sa peinture de la
société, le film criminel choisit pour peindre la femme le
malaise et l'inquiétude, le point d'oblique qui dérange
l'interrogation, le tremblement intérieur. Est-ce pour cela qu'au cours
de ses premières quarante années d'existence, l'Academy of Motion
Picture, soucieuse de respectabilité, ne donna aucun oscar à un
film criminel ? »136
Même si les femmes ont le droit de vote depuis 1920 aux
Etats-Unis, leur statut social est effacé par rapport à celui des
hommes.
« (...) dans la mesure où leur lutte pour le droit de
vote (1920) n'apparaît rétrospectivement que comme une tardive
évidence des progrès constants de la démocratie.
»137
Et pourtant le nombre des femmes qui travaillent passe de 2, en
1914, à 10 millions en 1930.
134 Michel Cieutat, Les grands thèmes du
cinéma américain, Tome 2 : Ambivalence et croyances, op.
Cit, p. 88.
135 Ibid, p. 89.
136 Michel Ciment, /ff FriPff à 11'pFEEC,
13 Cff 1114 trff dff 110PpUT)ff, op. Cit, p. 90.
137 Michel Cieutat, Les grands thèmes du
cinéma américain, Tome 2 : Ambivalence et croyances, op.
Cit, p. 88.
Le film noir a permis en quelque sorte aux femmes de
s'émanciper.
Peut-être parce qu'on ne la représente plus comme
une « potiche ".
« Autre influence : le rôle nouveau joué par
les femmes. Jusqu'ici, le western les utilisait dans des rôles de
fiancées attendries (en général filles de shérif ou
de juge), ou dans des compositions d'entraîneuses diaboliques.
C'était conforme à la mythologie sommaire du film d'aventures :
d'un côté les bons sentiments et le mariage ; de l'autre, le
déchaînement des « bas instincts ", la sexualité, le
crime. "138
La femme à l'écran s'émancipe par son style
de vie.
D'ailleurs, un symbole de cette émancipation, est la
cigarette.
Presque toutes les femmes des films noirs étudiés
ici, fument, comme les hommes.
Par exemple dans Le faucon maltais, Brigid est une femme
qui vit seule, elle est indépendante.
Elle a de l'esprit, car c'est elle qui est l'investigatrice du
dénouement de l'histoire.
Dans Shanghai, les femmes sont extrêmement
émancipées.
Les trois actrices, ont des vies différentes, mais elles
ne dépendent pas directement d'un homme qui l'assume.
Mother Gin Sling, a su malgré son passé se faire
une place dans la société corrompue dans laquelle elle vit, c'est
une femme de tête.
Elle dirige son casino, et des hommes sont sous ses ordres.
Poppy, vient seule dans ce casino, elle joue aux jeux,
découche du domicile familial, et sa relation avec Omar lui donne une
bonne raison pour définitivement le quitter.
Quand à Phyllis Brooks, c'est un prostitué qui vit
également sa vie en solitaire.
Dans Assurance sur la mort, l'émancipation de
Barbara Stanwyck se fait ressentir dans le dédain qu'elle porte envers
son mari.
Dans Le roman de Mildred Pierce, le fait que Mildred
demande le divorce et se sépare de son premier mari, démontre
qu'elle veut tenter de ne pas rester à ses crochets, et elle
préfere refaire sa vie, plutôt que de rester avec un homme qui l'a
trompée.
138 Raymond Borde, Etienne Chaumeton, Panorama du film noir
américain (1941-1953), op. Cit p. 153.
Dans Niagara, Rose est aussi quelque part
émancipée. Même si elle est mariée, son mari est
ensorcelé par ses charmes, et elle en fait ce qu'elle veut.
Elle sort toute seule, s'habiller de façon provocante,
à la différence de Jean Peters (Polly Cutler) qui a un «
look » beaucoup plus réservé, et sobre.
En quatrième vitesse, met aussi en scène
une femme libre et indépendante. Ses tenues affriolantes imposent sa
domination sur les hommes.
Malgré ces exemples de séquences, il y tout de
même un côté paradoxale, à l'écran toujours,
car certains comportements des hommes prouvent bien leur côté
paternaliste.
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