SECTION 2: Revue de littérature
Dans cette section, nous allons nous intéresser
essentiellement aux travaux récents qui consacrent le rôle du taux
d'intérêt dans la transmission de la politique monétaire.
La première partie décrit les fondements théoriques de la
transmission monétaire et la seconde partie est consacrée
à la revue empirique.
2-1 : Les fondements théoriques
Une des conditions essentielles pour que les canaux de
transmission de la politique monétaire agissent sur la sphère
réelle est que la monnaie ne soit pas neutre aux différentes
fluctuations de l'activité économique. Pour clarifier cela, nous
allons d'abord présenter les arguments qui fondent la non
neutralité de la monnaie (ou de ses autres déterminants tels que
le crédit, le taux d'intérêt...) dans l'activité
économique.
2-1-1 La non-neutralité de la monnaie
Il est aujourd'hui largement admis que si la politique
monétaire n'agit que sur l'inflation à long terme, elle affecte
les comportements réels à court terme. Cependant, les
mécanismes par lesquels la politique monétaire propage ses
impulsions sur les prix et l'économie réelle constituent une
source de controverse.
Dans les modèles d'anticipation rationnelle, les
variations anticipées de la monnaie ne produisent théoriquement
pas d'effet réel; elles sont neutres. La monnaie est alors non neutre si
ses variations ne sont pas anticipées ou si les prix sont rigides.
Kashyap et Stein (1994) citent comme troisième
condition nécessaire à l'existence d'un canal distinct du
crédit un ajustement imparfait des prix `'Si les prix s'ajustent sans
friction (...) à la fois le bilan des banques et des entreprises vont
rester inaltéré en terme réel. Dans ce cas, il ne peut y
avoir d'effets réels de la politique monétaire ni à
travers le canal du crédit ni à travers le canal conventionnel de
la monnaie.» (Page 226)
Les rigidités de prix constituent un premier fondement
microéconomique de l'effet de liquidité. Dans une perspective
dynamique, l'offre de monnaie suit un processus autorégressif, de sorte
qu'un choc monétaire persiste au cours du temps.
Si la production est déterminée par la demande,
et si la contrainte d'encaisses préalables est saturée, alors une
augmentation de la masse monétaire entraîne une diminution du taux
d'intérêt nominal (effet de liquidité). L'expansion
monétaire aura entraîné un desserrement de la contrainte
d'encaisses préalables permettant une consommation courante plus
importante.
La non-neutralité de la monnaie dans le canal
monétaire standard provient du fait que les variations des
réserves bancaires peuvent affecter les taux d'intérêt
réels.
La causalité entre les réserves bancaires (ou,
dans un sens plus large, agrégats monétaires) et les taux
d'intérêt à court terme est exploitée par les
banques centrales. Même si, parfois, elles utilisent (sur une
durée plus ou moins variable) les taux d'intérêt nominaux
comme instrument et non comme cible intermédiaire (fixation
administrative d'un taux directeur par exemple).
Une politique monétaire expansionniste, à un
instant donné, a des conséquences dynamiques, notamment si les
agents privés anticipent qu'elle se renouvelle. En supposant que
l'investissement est une fonction décroissante du taux
d'intérêt réel, une baisse du taux nominal entraîne
une hausse de la demande de biens.
Si les prix sont flexibles, le niveau général
des prix augmente et résorbe la demande excédentaire. La
production réelle reste inchangée. C'est l'effet Fisher, dont les
modèles de cycles réels soulignent le caractère
dominant.
Si les prix sont rigides en revanche, à
l'équilibre de court terme, le taux d'intérêt réel
diminue. Cette baisse stimule l'investissement et la production en termes
réels.
Cet effet est nommé « effet Mundell-Tobin ».
La non-neutralité de la monnaie passe également
par des effets encaisses réelles et de richesse, qui jouent sur la
consommation.
Alors que les modèles à prix rigides
révèlent un effet de liquidité à travers la
substitution optimale entre consommations présente et future en fonction
du taux d'intérêt réel ; les modèles à
participation limitée supposent une autre friction qui empêche
cette substitution d'une période sur l'autre.
De façon générale, ces modèles
imposent une participation limitée de certains agents à certains
marchés (Lucas (1990), Grossman et Weiss (1983). Si la banque centrale
décide d'une politique monétaire expansive, les encaisses
supplémentaires ne seront distribuées qu'aux agents visitant la
banque à cette période là.
Dès lors, l'injection monétaire a un
caractère asymétrique qui produit des effets réels. En
effet, l'injection monétaire provoque une anticipation de hausse des
prix. Pour les agents à la banque le niveau d'encaisses réelles
reste inchangé, de même que leur consommation réelle. Pour
les agents hors banque qui ne peuvent augmenter leurs encaisses nominales,
l'injection monétaire se traduit par une réduction de leurs
encaisses réelles, donc de leur consommation réelle.
Le surcroît d'épargne réelle ainsi
dégagée finance l'investissement réel, et l'ajustement
opère via une réduction du taux d'intérêt
réel. Cependant, le taux d'intérêt n'est pas le seul prix
relatif par lequel la politique monétaire transmet ses impulsions.
Considérons un monde à quatre actifs, la
monnaie, les obligations à court terme, les obligations à long
terme et les actions, définissant trois prix relatifs. Si la banque
centrale accroît la base monétaire, les agents disposent
d'encaisses supérieures au niveau désiré.
Cette richesse supplémentaire est
dépensée sur le marché des titres, mais surtout sur le
marché du capital pour les monétaristes.
Les prix des obligations et du capital augmentent. En faisant
appel au « ratio q de Tobin », une politique
monétaire expansive accroît la demande d'actions, ce qui augmente
leur prix, réduit le coût du capital, et partant augmente
l'investissement des entreprises.
Si une appréciation des actions accroît
l'investissement via le ratio q de Tobin, elle entraîne
également une revalorisation de la richesse privée, ce qui
entraîne une consommation croissante et une demande finale plus
importante.
De plus en plus, certaines études tentent de souligner
une participation importante des taux de change dans la transmission de la
politique monétaire. Comme pour le taux d'intérêt, la
distinction entre taux de change nominal et réel est cruciale.
En effet, des rigidités nominales, affectant des
variables internes (salaires, taux de change nominal, prix nationaux),
entraînent un sur-ajustement du taux de change réel (Taylor
(1993)). Dès lors, ces rigidités amplifient l'impulsion
monétaire initiale: l'effet de liquidité relançant la
demande interne est complété par un sur-ajustement du taux de
change réel tirant la demande étrangère.
Le canal du crédit peut aussi expliquer la
non-neutralité de la monnaie. Certes, il serait absurde de contester que
les prix relatifs des actifs propagent les impulsions monétaires, mais
de nombreux économistes ont souligné la discordance entre le
caractère modéré des chocs initiaux et l'ampleur parfois
démesurée des cycles réels (Christiano, Eichenbaum et
Evans (1998), Bernanke et Gertler (1992)).
Ces phénomènes appellent des explications
alternatives ou au moins complémentaires, qui reposent sur une
hypothèse commune: les imperfections constatées sur le
marché financier propagent et amplifient les effets des prix
relatifs.
D'une part, l'information asymétrique rend les
financements internes et externes imparfaitement substituables. D'autre part,
les différentes formes de finance externe, notamment le crédit
bancaire et l'endettement obligataire, ont une substituabilité
imparfaite, tant pour les emprunteurs que pour les prêteurs.
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