1-2 : Problématique et Objectifs de
l'étude
L'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA)
met en exécution une politique monétaire commune aux huit Etats
membre depuis près de cinquante ans, avec une application identique des
instruments dans tous les pays membres. On s'attend à ce que cette
politique ait des effets proportionnellement homogènes sur les
économies de l'union. Mais, la multiplicité des canaux de
transmission et la forte hétérogénéité des
structures économiques
des pays de l'union, font que ces canaux ne fonctionnent pas
avec la même ampleur d'une économie à une autre.
En effet, les structures financières ne
présentent pas le même niveau de développement ; les
économies des pays membres de l'UEMOA sont limitées par
l'exportation d'un nombre limité de produits de base qui varient d'un
exportateur à un autre du point de vue de leur importance relative ou de
leur nature. Ces produits, principale source de recettes pour les budgets des
Etats membres, ont connu une évolution de leurs cours. Cette
évolution, caractérisée par une grande volatilité,
a deux effets sur l'économie de l'union (Boccara et Devarajan, 1993) :
Le premier est une hausse qui entraîne une augmentation des
dépenses publiques qui se poursuivra bien après le retournement
de conjoncture (provoqué par la chute de ces mêmes cours). Le
second, d'ordre monétaire, consiste en un afflux de devises difficile
à geler lorsque les réserves de change sont mises en commun, le
taux de change est maintenu fixe, et la liberté des mouvements de
capitaux garantie entre pays membres de l'Union et les autres pays de la Zone
Franc. Ainsi, une augmentation de la masse monétaire suivra toujours la
montée des cours des produits de base.
Toutefois, au sein de l'UEMOA quelques
différences2 ont été notées au niveau
des critères de différenciation sur les effets de la politique
monétaire:
D'abord une différenciation des taux d'inflation. En
effet, les pays de l'UEMOA ont des taux d'inflation plus faibles que ceux des
pays africains non membres de la Zone Franc ou à d'autres groupes de
pays en développement. Au cours des années 1960-1974, la moyenne
annuelle de l'inflation a été de 4,7 %. Elle a quasiment
doublé pendant la deuxième période (1975-1989). Cette
variabilité des taux d'inflation à plusieurs origines qui sont
elles-mêmes sources de divergences des effets de la politique
monétaire (UEMOA, 2000) : il s'agit des conjonctures économiques
des pays membre de l'UEMOA qui sont différenciées.
Ensuite, une hétérogénéité
liée aux systèmes financiers. L'appartenance à une
même union monétaire où la politique de la monnaie et du
crédit ainsi que la réglementation bancaire sont les mêmes,
devrait rapprocher considérablement les structures bancaires des
différents pays. En d'autres termes, les systèmes bancaires
devraient être homogènes, afin de garantir des réactions
analogues à d'éventuels chocs. Mais on remarque une
diversité des situations nationales. Ainsi, au Burkina et au Niger, la
part des banques de développement dans le capital bancaire a
été prépondérante dans les années 1960-1974.
Au cours de la même période, elle n'a été que de 39
%, 25 % et 33 % respectivement au Sénégal, en Côte
d'Ivoire
2 Diagne et Doucouré Consortium pour la Recherche
Economique et Sociale (CRES/UCAD)
et au Togo. Pendant les années 1980-1990, à la
suite des opérations de restructuration bancaire, la plupart des banques
de développement ont disparu. Leur part dans le capital social n'est
plus que de 20 % au Togo, 16 % au Burkina Faso et 4 % en Côte d'Ivoire
(UEMOA, 2000).
Enfin, la variabilité des taux d'intérêt
et taux de change réels. La variabilité des taux d'inflation a
pour conséquence une grande volatilité des taux
d'intérêt réels ; entrainant automatiquement une variation
du revenu des agents, proportionnelle à leurs différents stocks
d'actifs et de dettes ; et une grande diversité des taux de change
réels, renforcée par le fait que les pays membre n'exportent pas
les mêmes produits de base et diversifient de plus en plus leurs
importations. Ce qui se traduit par une variabilité des taux de change
effectifs nominaux et, par conséquent, des taux de change
réels.
Au total, la politique monétaire provoque des effets
différenciés sur les prix intérieurs et sur la
réallocation des ressources entre les secteurs producteurs de biens
échangeables et ceux de biens non échangeables. A partir de ce
constat, on est donc en mesure de penser que les canaux de transmission de la
politique monétaire au secteur réel diffèrent entre les
pays membre de l'UEMOA.
Au sein de l'UEMOA, plusieurs travaux récents montrent
que des canaux de transmission peuvent fonctionner en même temps et sur
une même période. Leur importance relative peut aussi varier dans
le temps en fonction du comportement des agents, des structures de
l'économie et de l'environnement externe. Aussi, compte tenu des
difficultés que la multiplicité des canaux de transmission cause
à l'économie de l'UEMOA, n'est il pas plus rationnel de trouver
un canal le plus dominant ?
Ces différents sujets de préoccupation constituent
les raisons qui motivent notre recherche et sur lesquelles nous voulons mener
des réflexions.
Ainsi, le présent mémoire se propose de
réfléchir sur les questions suivantes :
- quels sont les canaux de transmission, les plus actifs, de la
politique monétaire au secteur réel dans l'UEMOA ?
- quelle est l'importance du taux d'intérêt, par
rapport aux autres canaux, en tant que canal de transmission de la politique
monétaire dans l'UEMOA ?
- quel intérêt les économies de l'UEMOA
ont-elles à l'utiliser en tant que canal dominant ?
Ce mémoire cherche à montrer la prédominance
du canal du taux d'intérêt sur les autres canaux. Elle
s'intéresse donc exclusivement au canal du taux d'intérêt
et son importance en
tant qu'instrument de la politique monétaire sur les
économies de l'UEMOA au cours d'une période allant de 1975
à 2005.
Un tel choix se justifie par la place de plus en plus centrale
qu'occupe le taux d'intérêt, non seulement dans les
économies mondiales ; mais aussi et surtout dans les différentes
prises de décisions par les autorités en charge de la conduite de
la politique économique au sein de l'UEMOA. Cela est d'autant plus
marqué que la politique de taux d'intérêt directeur de la
BCEAO, à travers ses effets, entraine des divergences sur les
économies de l'union.
L'objectif principal de ce mémoire est d'évaluer
l'importance du canal du taux d'intérêt par rapport aux autres
canaux, dans la transmission de la politique monétaire aux
économies de l'UEMOA.
De façon spécifique, il s'agira :
1- d'analyser les canaux de propagation des impulsions
monétaires les plus actifs au sein de l'UEMOA ;
2- de montrer la dominance du canal spécifique du taux
d'intérêt, sur les autres canaux, dans la transmission des
impulsions monétaires au sein de l'UEMOA ;
3- de montrer l'intérêt dont dispose les
économies de l'UEMOA à utiliser le taux d'intérêt
comme canal dominant de transmission de la politique monétaire.
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