Chapitre III : Les limites des techniques
Qu'elles soient traditionnelles ou modernes, des techniques
sont mises en pratique par les populations pour lutter contre la
dégradation des ressources naturelles. Toutefois, ces techniques mises
en oeuvre comportent certaines limites qui entravent leur efficacité
dans le cadre pratique. Ainsi, il s'agira dans ce chapitre d'exposer les
limites inhérentes à la lutte contre la dégradation des
ressources naturelles.
III-I Les limites de la lutte contre la
dégradation des ressources
hydriques
La protection des ressources hydriques se voit à
travers la lutte contre la baisse des nappes et l'ensablement des marigots et
des bas-fonds. Mais ces infrastructures réalisées pour les
sécuriser ont apporté des désagréments dans
certains endroits.
C'est le cas de la retenue de Keur Saïb Ndoye construite
à la fin des années 1980. En effet, cette réalisation a
permis aux populations en aval de constater un relèvement du niveau de
la nappe. Alors que celles situées plus en amont ont eu des effets
contraires. Le projet qui était chargé de l'exécution
avait prévu une autre retenue. Mais, face à la réticence
des populations riveraines de ce tronçon de bas-fond, la deuxième
n'a pas été construite. C'est surtout pour des raisons
crypto-personnelles de certains propriétaires de vergers qui risquaient
de voir leurs plantations de manguiers disparaître avec la crue que
créerait l'infrastructure. Le financement qui lui était
destiné avait été donné aux paysans des villages
qui devaient en bénéficier pour la construction de puits
cimentés leur permettant de s'adonner au maraîchage. La
deuxième retenue n'étant pas construite, le peu d'eau qui quitte
celle de Keur Saïb Ndoye ruisselle et passe très rapidement sans
grande possibilité d'infiltration. Ainsi, non seulement la recharge de
la nappe ne se fera pas correctement mais aussi l'écoulement sera
faible. Cela a eu comme conséquence de paralyser l'activité
maraîchère dans les villages situés en amont. En effet, les
enquêtes ont montré que depuis les années 1990
coïncidant avec la réalisation de l'infrastructure, le village de
Diamdiorokh a définitivement abandonné ce type d'activité.
Celui de Koussoune a vu une réduction drastique des paysans qui le
pratiquaient.
III-II Les insuffisances inhérentes à
la lutte contre la dégradation des sols
Il s'agit ici de montrer les limites des savoir-faire locaux et
des techniques introduites pour lutter contre la dégradation des
sols.
III-II-1 Les limites des savoir-faire locaux
> L'épandage de fumure organique est
pratiqué par beaucoup de personnes et son efficacité est
prouvée. Toutefois, la plupart des agriculteurs n'en disposent pas assez
pour couvrir toutes leurs terres qui ont des problèmes de
fertilité. Généralement, seuls les champs situés
pas trop loin des habitations en bénéficient puisqu'il faut les
transporter de la maison vers les terres de culture.
> Les haies vives aussi ont un rôle
déterminant dans la lutte contre l'érosion éolienne.
Cependant, 65% des ménages enquêtés affirment que les
espèces utilisées (Euphorbia balsamiféra, le
Prosopis chilensis) contribuent à accentuer l'étroitesse des
terres. En effet, pour la première espèce, là où
elle est plantée, sur deux mètres de rayon, aucune culture ne
peut pousser correctement. Il en est de même du deuxième (le
Prosopis) qui peut empiéter jusqu'à 3m de rayons (voir
photo 7)

Photo 9 Haies vives faites de Prosopis
Par ailleurs, 20% conçoit que ces haies vives abritent de
rongeurs qui détruisent les cultures (les graines enfouies dans le sol
et les petits semis).
Toutefois, ils sont tous d'accord que ces insuffisances sont
négligeables au regard des avantages que cette technique apporte.
> la pratique de la jachère est
une technique courante dans la communauté rurale de Fandène. Elle
produit beaucoup de résultats. Mais elle est confrontée à
un problème de pérennité. Ainsi, dès lors que
« le sol est fait pour produire et pour nourrir » (Ruellan, 1994), la
lutte contre la dégradation des sols ne doit pas se faire au
détriment de la production agricole. Or, la pression sur les terres est
sans cesse croissante. S'il n'y a plus assez de terres, ce qui est indubitable
avec la dynamique actuelle, cette pratique aura tendance à
disparaître. Ainsi, avec cette pression sur les terres, le recul de la
pratique a commencé dans certaines parties comme le Nord et le Sud (cf.
tableau n°18).
> la rotation des cultures est une
technique dont l'inconvénient qui lui est rattaché est son manque
d'appropriation par les populations. Et cela malgré son rôle
important dans le rétablissement de la fertilité des sols. De
plus en plus, les paysans se tournent vers la monoculture : l'arachide ou le
manioc (les cultures de rente)
> « le paillage » est aussi une
technique dont les avantages sont prouvés. Pourtant elle ne jouit pas de
la même notoriété que les autres à cause de sa mise
en pratique. En effet, comme il est déjà expliqué, ce sont
les résidus des récoltes et les herbes fauchées qui sont
laissés sur les champs de culture et qui servent de bouclier contre les
effets du vent. Or, la zone sahélienne est caractérisée
par un hivernage de courte durée. Par conséquent, le tapis
herbacé est généralement faible et disparaît au bout
de quelques mois dans la saison sèche. Ainsi, le fourrage va faire
défaut. Alors ces résidus de récoltes ou les herbes mortes
qui devaient protéger les champs contre l'érosion sont soit
enlevés par les paysans pour le fourrage soit pâturés par
les troupeaux auxquels la nourriture fait défaut.
|