1.3 Résultats et discussions
1.3.1. Fertilité du sol vue par les paysans:
caractéristiques, critères d'évaluation et
construction
Les paysans s'expriment différemment sur la notion de
fertilité du sol. 26% se réfèrent à un
caractère productif, un sol fertile étant un sol qui est «
capable de produire », 26% se réfèrent à un effort de
maintenance de la parcelle en bon état, un sol fertile dépend
alors de l'entretien qui lui est dispensé, un sol fertile est un sol
cultivé. Cet entretien passe par différents travaux, le travail
du sol dont essentiellement le labour. Aussi, pour un grand nombre d'entre eux,
c'est la fertilisation du sol qui importe (20%). Un sol fertile est alors un
sol qui reçoit de nombreux apports de matières organiques. Ainsi,
le sol s'améliore petit à petit, « plus on le cultive, plus
on lui apporte à manger, plus il mûrit ». D'autres
agriculteurs évoquent la fertilité d'un sol en
10 Fokontany : quartier
fonction de sa structure11 ou de sa couleur. Un sol
fertile est facile à travailler, le sol se disperse, s'émiette,
il est souple, la terre est molle, on ne trouve pas de grosses mottes mais de
petits agrégats faciles à casser. Ceci est mis en opposition au
sol collant, qui forme un seul bloc. Les sols de couleur sombre dans les
nuances de noir, marron, gris cendre ou encore bleu sont
considérés fertiles alors que ceux de couleur claire dans les
teintes rouge orangé sont considérés moins fertiles ou non
fertiles. Toutefois, cette notion de couleur est aussi à relier au type
de sol considéré, une terre de « tanety », de
bas-fonds ou de rizière n'a pas la même couleur à l'origine
et ne « prend pas la couleur de la matière organique
apportée » de la même façon. Bien qu'anecdotique, il
est intéressant de noter que la vie biologique du sol est aussi prise en
considération, quelques paysans précisent spontanément
qu'un sol fertile est fourni en vers de terre. Enfin, certains parlent de
« fertilité naturelle », c'est souvent le cas pour des
parcelles jouissant d'une situation particulière comme l'apport de
matières suite aux inondations. Mais, reconnaissant cette
prédisposition du sol, ils sont conscients de la nécessité
de l'entretenir en « lui apportant ce que la plante a puisé
».
Par rapport à la perception paysanne de la
fertilité de sol, on se pose la question comment ils gèrent ou
construisent la fertilité de leur parcelle. Cela repose sur trois
actions principales : le labour, l'apport de matière organique et dans
une moindre mesure des fertilisants chimiques, et la rotation culturale.
Labourer les terres est une opération importante dans
l'agriculture malgache. 100% des paysans labourent leur parcelle et 25% font un
labour profond (30 à 50 cm).
L'apport de matière organique, lui, est incontournable
(100%). Si l'attribution de la fertilisation vise en premier lieu
l'augmentation de la production, elle a aussi pour but d'améliorer les
qualités du sol (structure, état mûr, nourriture). Des
agriculteurs affirment que l'amélioration de ses qualités est un
pré requis à l'obtention d'une bonne récolte. D'autres
voient, les fertilisants organiques comme la nourriture du sol et les
fertilisants chimiques la nourriture des plantes. D'ailleurs, les utilisateurs
d'engrais chimiques ajoutent souvent que les engrais chimiques ont pour effet
d'accélérer la vitesse de croissance, d'augmenter la production
en quantité, en qualité aussi, et qu'ils sont un bon
complément à la fumure organique. Ceux qui ne les utilisent pas
invoquent bien sûr la question du coût mais aussi un effet
durcissant sur les sols.
Enfin, les agriculteurs disent pratiquer la rotation culturale
pour ne pas épuiser les sols en alternant des plantes qui puisent des
éléments différents. Ce point nécessiterait un
approfondissement pour connaître les types de rotations, les modes
d'action et les règles de décision les régissant. Par
exemple, la rotation riz/culture de contre-saison est un modèle
répandu dans les bas-fonds, il sera développé plus loin.
La gestion de la fertilité passe aussi
11 Ce que nous interprétons comme
éléments se rapportant à la structure d'un sol
par des pratiques moins répandues comme la jachère,
qui tend à disparaître, et l'association culturale
(maïs/haricot, etc.)
Ambohimanarina
Alasora
Andraisoro
Labour
Apport de MO
Succession culturale
Photo 2.1. Construction de la fertilité de
parcelle par les paysans de l'AUP
Quand il s'agit d'extension de parcelle sur des terres de
« tanety », les paysans attachent une attention
particulière à la construction de sa fertilité. Elle passe
généralement par l'enfouissement des bozaka12
au moment du labour et des apports conséquents en matière
organique les premières années. Certains préfèrent
laisser un temps de dégradation et de repos après ces
opérations, pour les réitérer l'année
d'après avant la mise en place de la culture. Cela demande de grandes
quantités de fertilisants et une force de travail conséquente.
Des agriculteurs font donc le choix de la culture du manioc avec apport
localisé pour décompacter les sols et garantir les
bénéfices des apports à la culture. Bon nombre
d'agriculteurs mentionnent l'importance d'un certain nombre de facteurs pour la
construction de fertilité sur les « tanety » (Figure
2.1). Selon les réponses données par les personnes
enquêtées, l'apport de fertilisants est donc un pilier dans la
gestion de la fertilité, même si l'agriculteur peut aussi jouer
sur d'autres facteurs comme la gestion de la végétation naturelle
durant la phase d'abandon, ou le type de culture au cours des premières
années.
12 Végétation spontanée de
Madagascar
Figure 2.1. Facteurs nécessaires à la
construction de fertilité sur les « tanety ».
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