Les ateliers sont conceptualisés comme des moyens
thérapeutiques et non comme des espaces occupationnels.
Ils fonctionnent autour d'un seul médiateur qui peut
être la peinture, le conte, la piscine, le psychodrame...
Les intervenants manifestent un intérêt pour
l'atelier et y sont inscrits à l'année. Ils élaborent un
projet pour cet atelier qui est validé par la psychiatre.
Les enfants sont affectés dans les différents
ateliers en fonction de leur projet thérapeutique individuel
travaillé en équipe et parfois de leur demande.
Entre les différentes activités
programmées, les enfants bénéficient de temps libre, sous
la surveillance des adultes. Ils peuvent prendre les vélos dans le
jardin, jouer sur la tour, déambuler à leur guise, demander
à voir une cassette vidéo ou écouter un disque. Ces temps
sont nommés par l'équipe «des temps d'errance».J'ai
été tout de suite très étonnée par ce terme
auquel j'associai une connotation plutôt négative.
Le mot « errance » n'existe pas dans le dictionnaire
Larousse18 !
On y trouve toutefois les mots «errer»,
«errant», «errements».
Ces mots dérivent étymologiquement19 du
verbe latin «errer» = marcher et du participe passé
«erratum», au pluriel «errata» du verbe
«errare» = se tromper.
16 Lors de cette journée de l'ARAPI
j'ai rencontré Martine, orthophoniste à la Pomme Bleue et aux
Dominos accompagnée d'une étudiante. Elle me dit trouver que les
querelles de « chapelles » étaient dépassées et
ne servaient pas l'intérêt des enfants et de leurs familles...
17 (PINSOF,1995)
18 Dictionnaire Encyclopédique pour tous
Petit Larousse en couleurs (1972) ; ed Librairie Larousse, Paris.
19 DAUZAT, A. (1964) Nouveau Dictionnaire
Etymologique et Historique ; ed Librairie Larousse, Paris.
L'encyclopédie Quillet20 mentionne quant
à elle le mot «errance» et le définit ainsi :
«action d'errer» en précisant à nouveau les deux axes
le verbe errer :
> Du latin «itinerare»(voyager) : «
aller ça et là à l'aventure, aller de côté et
d'autre ».
> Du latin «errare»(se tromper) :
commettre une erreur, avoir une opinion fausse ;
exemple : «Tout homme est sujet à errer; errer dans
la foi; errer dans le droit».
Ainsi celui qui erre va ça et là à
l'aventure au sens propre au risque de se tromper, au sens figuré...
Le nouveau médecin de l'Unité 3 ne semble pas
favorable aux temps d'errance sans médiateur en fonction d'une
indication thérapeutique. « L'errance a d'autant plus
d'intérêt qu'il existe un médiateur »
écrit-elle dans une note de service « quel que soit le
médiateur, la fonction d'observation est toujours sollicitée
directement ou indirectement et la régulation en fait
intégralement partie ».
Son objectif pour l'accueil des petits le vendredi matin est de
créer un lieu de contenance psychique pour ces enfants.
Le cadre doit être ferme pour les soignants et le lieu de
soin souple pour les enfants. Les éléments du cadre doivent se
caractériser par une unité de lieu, de temps, de personnes, une
régularité ,une répétition et un médiateur
fonction d'une indication thérapeutique.
Si pour les enfants et tout spécifiquement pour les
plus jeunes ou les nouveaux arrivants, les temps d'errance doivent
effectivement être programmés dans le temps,
médiatisés et encadrés pour permettre aux enfants
d'être psychiquement contenus, leur souplesse d'encadrement peut aussi
représenter des moments très riches pour les enfants.
En effet, j'ai pu observer lors de ces temps en partie
informels beaucoup de créativité, tant au niveau des enfants que
des soignants, cette créativité se révélant de
nature à favoriser les échanges.
20 Dictionnaire Encyclopédique Quillet
(1969),ed Quillet, Paris.
« oui, je le vois tous les soirs ».Nous continuons
à jouer sans plus parler. Il a chaud, il transpire et je lui dis «
tu as l'air fatigué ; après toute une journée
d'école, tu peux te reposer un peu maintenant, si tu veux ? ».Il
m'explique alors qu'il n'est pas fatigué à cause de
l'école mais qu'il dort mal. Nous ne visons plus le panier ; tout en
driblant au sol, nous parlons.
Il m'apprend que son grand frère est
décédé d'une overdose il y a quelques années, qu'il
l'aimait beaucoup et qu'il lui manque. La nuit, il se réveille et pense
à lui. Il se demande s'il est au ciel, s'il le voit...
Des temps de transmissions écrites quotidiennes
complétés par une réunion institutionnelle de
synthèse hebdomadaire permettent à tous les membres de
l'équipe une élaboration fine de ce travail clinique
auprès des enfants.
En dehors des temps de soin, les enfants sont accueillis
à l'école pour certains, en SESSAD (Service d'Education
Spéciale et de Soins à Domicile) pour d'autres, en Halte garderie
spécialisée (Nuage bleu et Saute Mouton) et parfois en famille
d'accueil.
En outre, le professeur des écoles de
l'éducation nationale assure un soutien des enfants scolarisés ou
un soutien de la scolarisation. Les soignants rencontrent
régulièrement les instituteurs des enfants qui sont instituteurs
de CLIS ou instituteurs de l'enseignement général primaire ou
professeurs du secondaire.
Dans l'esprit de « désinstitutionnalisation
» dans lequel se sont inscrits dés leur création les
hôpitaux de jour, les enfants vivent dans leur milieu familial mais
certains passent une à trois nuits (ou une demi-journée) dans une
famille d'accueil thérapeutique qui permet en particulier de soulager la
problématique fusionnelle familiale et d'ouvrir l'enfant au monde
extérieur.
Les familles sont rencontrées par la psychologue
accompagnée le plus souvent d'un(e) infirmier(e).Ces rencontres ont lieu
à la demande des familles ou de l'équipe mais le plus souvent
à l'occasion d'un problème qui se pose.
Des réunions régulières avec les familles
ne font pas partie du projet de soins de la structure.
J'ai pu participer durant mon stage à l'atelier
psychodrame organisé dans le cadre du CATTP (Centre d'Aide
Thérapeutique à Temps Partiel) le mardi soir, de 17hà
19h..
J'ai débuté mon stage en même temps que la
constitution du nouveau groupe thérapeutique de l'année
après les vacances d'été.
Le groupe est formé de 4 enfants réunis autour de
Lara, Psychologue et de deux infirmier(e)s : Cathy et Yvon.
Il est convenu et dit aux enfants que je serai le preneur de
notes pour que nous puissions bien nous rendre compte de l'évolution de
chacun et pour que je puisse comprendre en tant que future psychologue comment
le psychodrame permet d'aider les enfants à aller mieux.
Qu'est-ce que psychodrame psychanalytique groupal
?
Le psychodrame psychanalytique est né de la rencontre
entre le psychodrame et la psychanalyse.
Moreno crée en 1919 à Vienne un
théâtre de créativité et d'expression
spontanée, une sorte
d'anti-théâtre. Il va bientôt
transformer ce petit théâtre en Journal Vivant : des
acteurs, des
amis, des acteurs amateurs, des habitués y jouent les
nouvelles du jour essayant même de battre de vitesse les journaux.
« C'est au cours d'une séance du Journal
vivant que Moreno eut l'idée de proposer à la jeune actrice
amateur Barbara, de jouer le meurtre brutal et crapuleux d'une
prostituée et découvrit les effets bénéfiques de la
catharsis sur l'acteur. Puis il fera jouer à Georges et Barbara leurs
problèmes, ce qui va les libérer, équilibrer leur couple
et préfigurer le psychodrame. » (SCHUTZENBERGER, 1988)
A la différence du psychodrame de Moreno qui
préconisait une décharge des conflits et tensions ou plus
exactement « une catharsis », dans le psychodrame psychanalytique, la
fonction interprétative du jeu prime et repose sur l'analyse du
transfert et des résistances. La fiction que représente le jeu
est une invite à une activité symbolisante souvent
précaire pour le type de patients auquel cette thérapie
s'adresse.
En effet une des indications de choix du psychodrame
psychanalytique va être la psychose : « Dans le psychodrame que
nous utilisons avec les malades psychotiques, la scission des relations
transférentielles entre le « directeur » du traitement(qui ne
joue pas mais reçoit le malade, lui parle sur le plan de la
réalité, organise le jeu et donne les interprétations) et
les personnages auxiliaires qui assument les rôles proposés par le
malade est un élément essentiellement favorable(puisque
matérialisant sans cesse l'opposition entre fantasme et
réalité),alors que la disparition de cette opposition est un
caractère essentiel de la défense psychotique.
»(LEBOVICI, DIATKINE et DANON-BOILEAU1958)
Le psychodrame psychanalytique se scinde en deux courants : le
psychodrame psychanalytique individuel et le psychodrame psychanalytique
groupal.
C'est ce dernier qui, appliqué en majorité aux
enfants et aux adolescents, est utilisé comme moyen thérapeutique
aux « Dominos ».
Le Disposif :
Les enfants choisissent le thème du jeu. A tour de
rôle chaque semaine, ils sont invités à proposer une
histoire qu'ils souhaitent jouer. Dés cet instant il est
intéressant de porter son attention sur la dynamique de groupe car le
choix des thèmes et la distribution des rôles vont se
révéler intéressants. Dans ce psychodrame, le transfert
est dispersé puisque plusieurs personnes sont présentes.
L'enfant qui propose la scène à jouer
répartit les rôles. La fin du jeu est déterminée par
le directeur de jeu.
La manière dont l'enfant investit l'espace, la
façon dont il distribue les différents rôles aux enfants et
aux infirmiers, la façon dont il utilise son corps et sa parole sont
à retenir également.
La grille d'analyse est informelle mais se compose des questions
suivantes à se poser juste après la scène :
Qu'est-ce qui joue le rôle d'un contenant ? Existe t'il ?
Si oui est-il solide? Protecteur ? Enfermant ? Ouvert ?
Quels sont les contenus figurés ? Combien y en a t'il
?
Quelles sont les interrelations entre contenant(s) et contenu(s)
? Entre contenus entre eux ?
Le transfert s'exprime dans le dispositif :
· A travers les propositions de thème, que celles-ci
soient retenues, transformées à plusieurs ou
oubliées...
· Dans les thèmes précis des psychodrames
effectivement mis en scène(le résumé que l'on peut en
faire, le décalage entre ce que l'on a dit que l'on allait jouer et ce
que l'on a effectivement joué.
· Le déplacement réel des participants par
rapport à l'aire de jeu initialement désignée
· Le vécu émotionnel et le détail
précis du jeu de chacun.
Il est important de garder des notes de ce travail de
façon à voir ensuite dans un travail de relecture et de
synthèse les éléments récurrents au fil des
séances.
Les consignes sont chaque fois clairement rappelées
par Lara : « On ne se touche pas, on fait semblant » et l'espace de
jeu est aussi clairement désigné et même
matérialisé au sol par une barrière de coussins.
Vignette clinique : Une séance de psychodrame LES
PARTICIPANTS :
Julie11 ans qui arrive de la CLIS(Classe Locale
d'Intégration Scolaire).
Elle participe aussi à l'atelier peinture du lundi
soir.
Elle vit avec sa maman et son frère aîné
psychotique.
Elle suscite débat dans l'équipe : si le motif
d'admission est « Trouble envahissant de la personnalité de type
psychotique », nombre soignant la pensent plutôt de structure
névrotique avec des traits hystériques, et atteinte de
débilité légère.
Pierre 10 ans entré à
l'hôpital de jour en 2004 pour troubles graves de la personnalité.
Il est scolarisé en sixième SEGPA
Julien 11 ans admis à l'hôpital
de jour en 1997 à l'âge de deux ans pour « Trouble
envahissant de la personnalité de type psychotique ».Il est
scolarisé en classe de sixième « ordinaire » dans le
même collège que Pierre.
De structure psychotique, cet enfant de 11 ans a des traits
paranoïaques.
Paul 11 ans est aussi un enfant psychotique. Il
a de plus de grosses difficultés d'élocution avec une dysarthrie
prise en charge en séances d'orthophonie.
Ils se retrouvent réunis ce soir comme chaque semaine
à l'Hôpital de jour « Les Dominos » pour ce temps
psychothérapeutique.
Lara (psychologue) qui est le directeur du jeu
;
Yvon et Cathy (infirmiers)
Françoise (stagiaire psychologue) :
observateur et preneur de notes.
LE DEROULEMENT :
C'est au tour de Julien de dire le thème du
psychodrame.
Comme à chaque séance Lara explique les consignes
:
« Julien pense à une histoire qu'il veut raconter et
après on va se distribuer les rôles ».
Les thèmes de l'histoire de Julien sont
:
· un film d'horreur
· un crime
Il y est question d'un mort vivant : « Je suis le mort
vivant » dit Julien.
On note déjà la capacité de Julien
à dire «Je» ce qui montre son accès à une
individuation malgré sa psychose.
Il y est également question d'un monstre avec un
bazooka caché à la cave (on remarque l'allitération
sans pouvoir aller plus loin pour le moment dans l'analyse ; on note « la
cave » lieu souterrain et sombre, lieu de l'inconscient ?...), d'un
parrain, Monsieur Domino(on note le signifiant !)
A la fin de l'histoire le monstre caché fera tomber son
bazooka après avoir tué deux enfants (qui feront semblant
d'être tués car ils ne seront que légèrement
blessés).
« Les keufs seront appelés et aussi l'ambulance et
le monstre sera lui-même tué par le mort vivant ».
Tous les enfants guéris et le mort vivant feront alors la
fête.
Le groupe discute sur le mort vivant : « on le voit ou
on ne le voit pas ? » « Est-il différent d'un fantôme ?
»(le grand frère de Julien est décédé
d'une overdose quand Julien avait 5 ans. N'est il pas ce mort vivant que
souhaite incarner Julien ?)
Tandis que Julien expose son scénario, les enfants
interviennent. Lara répète souvent : « Oui, cela se pourrait
mais c'est son histoire ».
La thérapeute amène ainsi les enfants à
se différencier, à se singulariser.
Paul pose beaucoup de questions et avance des explications au
comportement du monstre : « c'est par vengeance »
Quelquefois, l'enfant narrateur, Julien, accepte d'inclure dans
son histoire des éléments suggérés par les autres
enfants.
Julien est invité à distribuer les rôles
:
Il sera le mort vivant.
Cathy jouera le rôle d'un enfant de 20 ans ,
Yvon sera le monstre ;
Un des enfants s'appelle Clara (c'est presque Lara...)
et sera joué par Julie.
Un autre enfant sera joué par Pierre qui refuse car il
ne veut pas jouer ce rôle où il est tué par un monstre mais
il accepte finalement sous la pression des autres qui lui certifient qu'il
pourra faire la fête à la fin puisqu'il ne fait que semblant
d'être tué !
Pierre est un enfant autiste : il n'a pas accès
à l'imaginaire, il ne fait pas comme ou semblant : il est
l'autre...Cet atelier conte l'amène alors à essayer d'imaginer et
à décoller de la réalité ce qui est
particulièrement difficile pour lui.
Une fois les rôles distribués, les enfants sont
invités à prendre place sur l'espace de jeu qui est clairement
déterminé par Lara. Les enfants se mettent d'accord sur le lieu
de la cave d'où sortira le monstre avec son bazooka.
Le début du jeu est donné par Lara.
29