2. DIAGNOSTIC DE PSYCHOSE AUTISTIQUE
L'autisme infantile, ou plus exactement le trouble autistique,
fait partie, dans le DSM-IV7,de la catégorie des
«Troubles envahissants du développement», qui rentre dans la
section des «Troubles habituellement diagnostiqués pendant la
première enfance, la deuxième enfance ou l'adolescence»,
troubles qui sont décrits sur l'axe I, axe des troubles cliniques.
Les troubles envahissants du développement ou TED se
caractérisent par des déficits sévères et une
altération envahissante de plusieurs secteurs du développement :
capacités d'interactions sociales réciproques, capacités
de communication, ou par la présence de comportements,
d'activités et d'intérêts
stéréotypés.
La catégorie « Troubles envahissants du
développement » comprend :
- le trouble autistique (autisme de Kanner)
- le syndrome de Rett
- le syndrome désintégratif de l'enfant
- le syndrome d'Asperger
- le trouble envahissant du développement non
spécifié (y compris l'autime atypique).
Les premières éditions du DSM assimilaient ces
troubles à des psychoses tandis que les dernières éditions
du DSM soucieuses d'éviter dans un souci de classification
athéorique, des référence à des conceptions
théoriques non démontrées concernant l'étiologie ou
la pathogénie des troubles mentaux ont fait disparaître ce terme
de psychose au profit de celui de troubles envahissant du
développement.
La classification française des troubles mentaux de
l'enfant et de l'adolescent les considère toujours comme des psychoses
précoces et l'institution « Les Dominos » dont les
références psychopathologiques sont orientées par la
théorie psychanalytique lacanienne se réfère plus
volontiers à cette classification.
Les troubles cliniques présentés par les enfants
hospitalisés sont ainsi diagnostiqués comme psychoses dont
l'autisme représente une modalité.
L'autisme infantile précoce y est appréhendé
comme un problème de structure de personnalité se manifestant par
des symptômes cliniques tels que décrits et
spécifiés par
le psychiatre américain Louis KANNER en 1943.
KANNER décrit selon quatre groupes les signes cliniques de
la psychose autistique une fois constituée :
Début précoce des troubles en général
vers la deuxième année de vie.
7 DSM IV : Manuel statistique et diagnostique
élaboré par l'APA (Association Américaine de Psychiatrie)
dans sa quatrième version : 1995/1996.
1. « Aloness » : Retrait autistique dans lequel
l'attitude de l'enfant frappe par son indifférence et son
désintérêt total vis à vis des personnes et des
objets qui l'entourent.
2. « Sameness » : Besoin d'immutabilité : il
s'agit d'un besoin impérieux de l'enfant de maintenir stable son
environnement matériel habituel, la permanence et la stabilité
des repères faisant l'objet de la part de celui-ci de fréquentes
vérifications ritualisées.
3. Stéréotypies : Gestes
répétés inlassablement dont certains frappent par leur
étrangeté : balancement d'avant en arrière, tournoiement
sur soi-même ; marche sur la pointe des pieds de façon
mécanique...
4. Troubles du langage, voire non-accès au langage. Le
langage quand il existe n'a pas de valeur de communication, il est souvent
marqué par l'écholalie.
Vignette clinique n°1
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Rencontre avec Jean8, atteint d'autisme
profond, hospitalisédepuis 6 ans à l'Hôpital de
jour « Les Dominos ».
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DEBUT BRUTAL DES
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Jean est fils unique. Ses troubles ont débuté
brutalement à l'âge
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TROUBLES
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de 13 mois suite à une hospitalisation pour
leucémie aiguë dont il est depuis en totale rémission.
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Il a été admis à l'hôpital de jour
à l'âge de 4 ans pour de graves troubles de la personnalité
de type autisme de Kanner.
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Aujourd'hui, Jean est âgé de 10 ans ; c'est un
garçon de grande taille, costaud et élancé. Son visage est
lisse, le plus souvent sans expression. Son regard bleu et ses pommettes
rosées évoquent un poupon.
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RETRAIT AUTISTIQUE
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Il ne peut adresser ses regards mais parvient à
soutenir parfois le nôtre depuis quelques temps. Le plus souvent son
regard est périphérique et semble nous traverser.
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Il déambule silencieux dans la maison et dans le jardin
et manifeste une réelle capacité à se faire oublier. Il
m'est arrivé ainsi de le retrouver une fois sur la terrasse du jardin,
dans un grand coffre en plastique destiné à ranger les ballons.
Il avait
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BESOIN
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refermé la porte du coffre au-dessus de sa tête,
était replié sur
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d'IMMUTABILITE
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lui-même contre les parois en plastique dur dans une
position qui me semblait bien inconfortable et qui contrastait avec
l'impression de réel bien-être qu'il dégageait... Tout en
lui montrant ma surprise de le trouver là, je lui ai dit en le regardant
avec compréhension : «Tu as l'air bien dans ce coffre». Il a
alors fixé une seconde mon regard sans que je puisse parvenir à
lire quelque chose dans ce regard « vide » et
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8 Par respect du secret professionnel et par souci
de confidentialité (Principes Généraux du titre I du code
de Déontologie des psychologues AEPU, ANOP, SFP du 22 mars 1996 : «
Le psychologue préserve la vie privée des personnes en
garantissant le respect du secret professionnel »), tous les
prénoms ou initiales des noms et prénoms des enfants ou adultes
figurant dans ce rapport de stage sont fictifs.
STEREOTYPIES
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s'est brutalement extrait du coffre pour repartir dans ses
déambulations...
Il va une fois par semaine avec l'infirmier et deux autres
enfants à la piscine où il parvient à avancer dans l'eau
comme nagent les petits animaux. Lorsqu'il n'a pas pied, debout dans l'eau, il
se laisse couler lentement sous l'eau puis, arrivé au fond, il donne une
impulsion pour remonter. Il a en permanence la bouche ouverte et quant il
remonte en surface, l'eau de sa bouche s'écoule passivement sur son
visage sans expression. On dirait qu'il fait totalement corps avec cet
élément dans une symbiose parfaite: il n'est pas dans l'eau, il
est l'eau !
Quatre fois par semaine Jean bénéficie d'un
temps de psychothérapie de groupe en pièce bleue. Il y
écoute longuement le tic tac de la pendule et passe beaucoup de temps
à aligner ses personnages, les allonger, les faire chuter ou les
entasser.
Lors des temps dits d'errance, il ne parle pas mais
réclame « la belle au bois dormant » en vidéo en
prenant alors la main du soignant pour le conduire à la salle de
vidéo.
C'est là sa seule demande mais ce n'est pas une demande
adressée : en fait, Jean se sert de l'autre comme d'un instrument pour
lui permettre d'obtenir ce qu'il veut : mettre en route le
magnétoscope...
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TROUBLES DU LANGAGE
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