Si, comme nous l'avons montré dans les chapitres
précédents, le psychologue en institution hospitalière a
une fonction psychothérapeutique directe auprès des enfants, il a
aussi des fonctions plus indirectes au niveau de l'équipe soignante et
de l'institution elle-même.
Le code de déontologie des psychologues23
mentionne d'ailleurs dans le titre II concernant l'exercice professionnel :
«La mission fondamentale du psychologue est de faire
reconnaître
21 (conférer un exemple de prise de notes
Annexe 1 page x )
22 (conférer Remarques sur la troisième
séance Annexe 1 page x)
23 Code de Déontologie des psychologues
entériné par l'Association des enseignants de psychologie des
Universités ; l'Association nationale des organisations de psychologues
; la Société française de psychologie le 22 juin 1996
et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son
activité porte sur la composante psychique des individus
considérés isolément ou collectivement »
L'article 2 du Décret n° 91-129 du 31 janvier
1991 portant statut particulier des psychologues de la fonction publique
hospitalière24ajoute: « le psychologue en
institution hospitalière contribue à la détermination,
à l'indication et à la réalisation d'actions
préventives et curatives assurées par les établissements
et collaborent à leurs projets thérapeutiques ou éducatifs
sur le plan individuel qu'institutionnel ».
Le psychologue en institution, tout en faisant partie
intégrante de celle-ci se doit pourtant de veiller à garder une
distance suffisante pour lui permettre d'analyser ce qui se joue au niveau
institutionnel. Il est important de prendre en comte les difficultés et
les ressources de l'institution dans la mesure où il y en aura toujours
un retentissement, des effets sur la prise en charge des
bénéficiaires de l'institution...
Il importe que les effets induits par la vie de l'institution
n'aillent pas à l'encontre des objectifs même qu'elle s'est
fixé.
L'unité U3 a démarré son activité
après les vacances de Toussaint.
Ma période de stage s'est donc déroulée
au coeur d'une intense période de réorganisation de l'institution
qui a particulièrement suscité le besoin de réaliser une
analyse institutionnelle et qui illustre bien aussi comment la théorie
psychanalytique du psychologue peut orienter son travail d'analyse
institutionnelle.
Dans un contexte de rationalisation de l'offre de soins par
rapport à la demande de santé de la population
infanto-juvénile, les objectifs médicaux pour la
répartition des moyens hospitaliers au sein des structures 33I04 sont de
parvenir pour l'année 2007 à une prise en charge au sein des
trois structures (Dominos, Pomme Bleue et Unité U3) de 50% de
pathologies Troubles Envahissant du Développement (TED) et 50% de
pathologies non-TED.
Actuellement il y a plus d'enfants atteints de troubles
envahissant du développement dans ces hôpitaux de jour.
La réorganisation va donc accroître la prise en
charge d'enfants atteints de troubles non envahissant du
développement.
La nouvelle organisation prévoit donc 3 demis
-journées sur 10 de prise en charge des enfants aux pathologies non-TED
dans l'unité Unité3 qui vient d'être créée et
7,5 demi-journées sur 10 de prise en charge des enfants aux pathologies
TED à la pomme Bleue et aux Dominos.
La population de l'unité 3 se compose de 3 groupes
d'enfants :
· Les moins de 4 ans
· Les 4 à 12 ans
· Les adolescents de 12 à 18 ans
Ceci demande un partage des moyens hospitaliers du secteur 33I04
et une définition des responsabilités en fonction des
filières de soin et des pathologies de l'enfant de 0 à 18 ans.
En effet ce sont les mêmes soignants de la Pomme bleue et
des Dominos qui composent depuis octobre 2006 Unité 3 sous
l'autorité du nouveau médecin assistant : Mme Tchamgoue.
Une note de service précise que « Toute
l'équipe infirmière, psychologique et paramédicale
est
au service des objectifs de soin prescrits par les médecins responsables
des structures
considérées.../...Des réunions
institutionnelles sont fixées aux dominos pour la partie TED le
24 Le statut du Psychologue dans la Fonction Publique
Hospitalière figure en Annexe x page x
mardi après- midi, à la Pomme Bleue pour la
partie TED le jeudi martin et à l'Unité U3 de 12h30 à
14h »
Ce projet de réorganisation a produit au niveau de
l'institution des difficultés qui ont pu s'exprimer pour certaines au
cours des réunions institutionnelles ; d'autres à des moments, de
façon plus informelle (temps de pause ou à l'occasion des bilans
de synthèse...) ; d'autres enfin ont trouvé à s'exprimer
dans des agir, à défaut de parole et ce de façon plus ou
moins inconsciente avec un effet parfois de « parasitage » des
ateliers.
> Analyse de difficultés verbalisées
:
- Les décisions médicales sont annoncées
à l'équipe par le cadre de santé sans concertation
préalable des différents acteurs de santé avec la
direction..
- La réorganisation est effective dans ses moyens
avant que les projets de prise en charge thérapeutique des nouveaux
groupes d'enfants ne soient élaborés. Les logiques
médicales et économiques semblent primer sur la logique
soignante.
La composante organisationnelle de la restructuration semble
primer sur sa composante clinique : il semblerait que le «Comment Faire?
» ait devancé le «Quoi faire? » !
-Aucun document écrit ne formalise le projet de
réorganisation : les pages du projet d'établissement du CHS
Charles Perrens relatives à cette réorganisation n'étaient
pas encore écrites au moment de sa dernière parution. Sur ce
document que j'ai pu consulter figurait alors en gros caractères la
mention « En projet ».
Depuis, aucun document écrit concernant cette
réorganisation n'a pu être fourni aux soignants.
- Le cadre de santé s'efforce de
jouer un rôle de « tampon ». On le sent pris dans des
injonctions paradoxales entre les logiques médicales, administratives
économiques et soignantes. Il assiste à toutes les
réunions et est censé informer ses équipes. Le fait qu'il
travaille à temps partiel sur les 2 hôpitaux de jour
l'amène à comparer les réactions des équipes et les
prises en charge thérapeutiques. Des difficultés passées
avec le chef de service actuel de l'hôpital de jour « les Dominos
» semblent se réactiver. On ressent parfois de sa part une
disqualification de ce médecin dont le projet médical est
jugé obsolète du fait de l'évolution des connaissances sur
l'autisme qui ne devraient plus permettre de se centrer uniquement sur le
psychisme des enfants.
Le cadre répète à chaque réunion que
son rôle est de défendre les équipes. Par-là
même il laisse entendre que les équipes sont
attaquées...
Ceci semble de nature à renforcer le clivage
médecins / soignants, voire le clivage entre les deux équipes des
deux hôpitaux de jour
-Le médecin psychiatre des Dominos
parle de « chaos ».Elle dit : « Je suis dans l'incapacité
de réfléchir, je ne vois plus rien pour personne ».On note
ici son incapacité momentanée à penser la situation.
Lorsqu'on sait à quel point un établissement qui accueille des
patients psychotiques produit aussi chez l soignant cette difficulté
à penser, on peut poser l'hypothèse que l'éclatement
actuel de la structure de soin, sa déstructuration vienne probablement
faire écho et renforcer des sentiments d'éclatement, de
morcellement de type psychotique qu'induit le travail auprès de ces
enfants !
La psychiatre dirigeait seule « Les Dominos
».Désormais, elle doit partager son espace de soin et son temps de
soin avec une jeune consoeur psychiatre qui débute et qui n'a ni son
expérience, ni son orientation théorique.
En fait la nouvelle organisation invite à un travail
d'intégration auquel personne ne semble psychologiquement
prêt...
Dans l'équipe infirmière :
pour les plus anciens, on note une loyauté au chef de service et
à ses options théoriques tandis que les plus récents dans
l'institution sont perdus et reconnaissent manquer d'arguments
théoriques solides pour défendre une quelconque position :
Lors d'une discussion avec une jeune infirmière, je me
rends compte qu'elle ne prononcent jamais le prénom des enfants. Ainsi,
lorsqu'elle s'adresse à un enfant qui tend son verre vers
l'évier, ses propos sont à peu prés de cette nature :
« Et qu'est ce qu'il veut cet enfant, il veut boire un verre d'eau ?
».Ou bien : «il est bien énervé cet enfant ce matin
!»
J'ai remarqué que d'autres soignants ont cette
façon très particulière de s'adresser aux enfants.
L'infirmière m'explique qu'ici, on ne doit pas s'adresser directement
aux enfants. Une jeune collègue à elle qui a travaillé ici
à ses débuts et qui travaille désormais à « La
Pomme Bleue » confirme et dit qu'à La Pomme Bleue, on peut
s'adresser directement aux enfants tandis qu'ici « on » lui avait
bien dit aussi de ne pas le faire.
Je me rends compte qu'aucune des deux ne parvient à
m'expliquer l'étayage théorique de l'attitude professionnelle qui
leur est semble t'il demandé d'adopter.
Je profite de mon statut de stagiaire psychologue pour faire du
lien et discute de ce thème en réunion.
Nous convenons en équipe qu'effectivement il peut
être très intrusif pour un enfant psychotique de se faire appeler
par son prénom et plus particulièrement dans certaines
situations. Il peut donc être intéressant, parfois de ne pas
aborder l'enfant de manière trop directe pour lui mais en aucun cette
attitude ne doit être stéréotypée...
Il semble que certaines pratiques soient devenues très
dogmatiques.
De part sa complexité, la théorie lacanienne
peut en effet entraîner cet écueil : chacun peut être
tenté de renoncer à faire les coûteux efforts de
discernement que demande cette approche théorique.
D'autre part le savoir est aussi un pouvoir : certains peuvent
avoir aussi le désir de conserver...
Je pense que toute attitude psychothérapique doit
particulièrement se méfier des adverbes « toujours « et
« jamais » qui gardent d'une précieuse réflexion !
Or toute réflexion psychothérapique a des vertus
thérapeutiques : en effet, la façon dont nous pensons l'autre
influe sur la relation que nous instaurons.
-Les dossiers des enfants de l'Unité 3 n'ont pas
été présentés aux soignants qui les
découvrent à leur arrivée. Ce jour là, les
soignants ont du mal à faire face et l'organisation du travail
nonpensée ne fait qu'accroître les difficultés : certains
enfants très jeunes pleurent, d'autres s'accrochent à n'importe
quels bras; le niveau sonore est élevé; les plus anciens sont
déstabilisés à leur tour par toute cette agitation et
manifestent aussi leur propre angoisse par
de l'agitation...Dés la petite réunion du matin
on sent la désorganisation : le nouveau médecin décide de
dire bonjour à chaque enfant au moyen d'une petite chanson comme cela se
fait à la « Pomme Bleue » mais cela n'a pas été
parlé en équipe.
Le manque de parole sur ce point apparemment de détail
est à l'image du manque de parole autour de cette réorganisation
qui n'a pu être travaillé au préalable.
Ce manque de parole va avoir des répercussions sur
l'accueil qui ne va plus pouvoir remplir sa fonction de contenance psychique
des enfants :
Des soignants des deux hôpitaux de jour sont assis sur
les fauteuils du salon et les enfants de l'Unité 3 et des Dominos sont
assis aussi intercalés entre eux.
Les soignants de « La Pomme Bleue » chantent :
« Bonjour Noah, Bonjour Noah, Bonjour » puis passent à un
autre enfant : « Bonjour Dylan, Bonjour Dylan, Bonjour » tandis que
ceux des Dominos restent mutiques. Ils diront ensuite : « Nous on ne fait
pas comme ça, on dit bonjour aux enfants mais on ne chante pas de
chanson. Il n'y a pas de raison qu'on change comme ça, aujourd'hui
!»
Comme l'écrit KAES : «Tout processus de
pensée et de travail dans le lien intersubjectif s'étaye sur un
cadre qui le définit, le soutient et le contient. C'est pourquoi le
fonctionnement institutionnel spécifie l'appareil psychique groupal et
son fonctionnement et que le sujet est à son tour
déterminé par le lien intersubjectif qui le porte et lui donne
une place.../...c'est toujours le dernier maillon de la chaîne qui
supporte les conséquences les plus dramatiques du fonctionnement d'une
équipe institutionnelle ou du dispositif organisationnel. Lorsque le
cadre est attaqué à quelque niveau que ce soit, les effets se
répercutent dans les différents éléments que le
cadre relie.../...Attaquer le cadre, c'est attaquer immédiatement et
radicalement les conditions nécessaires pour penser dans le groupe.
»(KAES, 2005)
Les soignants se rendent compte que précipités
par des contraintes organisationnelles, ils en viennent à programmer les
ateliers et groupes thérapeutiques dans un souci prioritaire
d'organisation alors qu'auparavant, ils sont toujours partis des besoins des
enfants.
En quelque sorte, dans cette programmation à la
hâte, ils se centrent plus sur la tâche plus que sur l'individu au
risque d'y perdre en termes de qualité de projet de soin
individualisé...
Les soignants participant à l'Unité 3 sont
amenés à se déplacer d'un hôpital de jour à
l'autre. Ces déplacements amènent un stress lié aux
aléas de la circulation et obligent à une grande rigueur dans les
horaires parfois incompatible avec la disponibilité psychique que
requiert le travail auprès des enfants ou des familles...
En effet, si la charge mentale est trop importante, il
devient difficile par manque de disponibilité psychique de penser le
soin. Or la manière dont nous pensons l'autre et dont nous pensons le
soin influe sur la thérapie...
L'Unité 3 crée aussi des problèmes de
cadre car les mêmes locaux doivent accueillir plus d'activité et
des problèmes de collaboration par manque de temps de préparation
pour penser les objectifs et le fonctionnement des ateliers mais paradoxalement
ces difficultés semblent pouvoir réactiver aussi la
créativité des acteurs de soin :
Le psychomotricien et l'infirmier le plus ancien des «
Dominos » vont désormais faire équipe dans l'animation de
l'atelier Percussions dans le cadre de la nouvelle prise en charge des touts
petits de l'Unité 3.
Aucun temps de travail préparatoire n'a pu être
dégagé et les deux hommes se livrent à un travail
très expérimental auprès des 3 petits qui leur sont
confiés. Le psychomotricien a apporté le jumbé de «
La Pomme Bleue » et l'infirmier de petits instruments de percussion :
maracas, tambourin. Nous remarquons que les enfants sont capables d'attention
aux séquences rythmiques jouées au jumbé. Les trois
enfants prennent les petits instruments, les secouent vivement et
immanquablement les lancent avec violence, manifestement débordés
par leurs émotions. Face au danger que représentent ces
instruments-projectiles, les deux hommes décident de ne plus les
proposer à la séance suivante. Ils souhaitent profiter du budget
pour acheter des instruments plus gros...
Ce nouvel atelier du vendredi matin se heurte aussi
d'emblée à un problème de cadre.
Comme nous l'avons vu la petite pièce prévue pour
cet atelier a de multiples fonctions .
Les enfants le savent et ont du mal à comprendre et
accepter le nouveau cadre de cet atelier : par exemple, les tapis de sol sont
installés et un enfant veut alors travailler avec la balle qui est dans
le coffre comme il le fait dans ce même lieu avec le psychomotricien
à un autre moment. Ce dernier lui répète de ne pas ouvrir
le coffre et lui explique pourquoi mais tout ceci est effectivement bien
compliqué !
> Analyse de difficultés non
verbalisées :
Rappelons que l'hôpital de jour « Les Dominos
» a ouvert en 1990.Ce nouvel établissement a alors
été placé sous la responsabilité de Mme Beaussier,
pédopsychiatre et psychanalyste qui travaillait auparavant à la
pomme Bleue, avec le médecin fondateur de cette institution : le docteur
Lafforgue.
Pour René KAES: « Toute institution naît
d'un désir de différenciation. Pour que le mouvement
créateur s'institue, pour que le désir des fondateurs prenne
forme et réalité, il est souvent nécessaire que cette
différenciation s'affirme de manière radicale, c'est à
dire que la séparation s'énonce comme une coupure. Cette rupture
s'affirme comme un rejet des institutions anciennes qui d'institution
d'affiliation acquièrent le statut de mauvais objet violemment
répudié.../...La fondation s'accompagne donc fréquemment
d'un rejet ou d'un clivage associé à un déni originaire.
»(KAES, 2005)
Effectivement les deux médecins chefs de service des
deux hôpitaux de jour ne collaborent pas ensemble. Au fil du temps, il
semble que « Les Dominos » ont adopté un mode de
fonctionnement plutôt autarcique et que chacun des deux chefs de service
se soit « radicalisé » dans une approche théorique
spécifique : lacanienne pour « Les Dominos » et
kleinienne25 pour « La Pomme Bleue ».
La situation fait naître un paradoxe : alors que la
création des deux hôpitaux de jour s'est faite
dans une
certaine opposition, la création de l'Unité 3 prévoit
aujourd'hui une mutualité de
25 L'approche kleinienne fait
référence à Mélanie KLEIN qui a donné
naissance à l'un des grands courants du freudisme et a contribué
à l'essor de l'école psychanalytique anglaise. Le
présupposé fondamental de la théorie kleinienne est qu'il
n'existe pas de pulsions sans objet. Ces objets associés à des
phantasmes inconscients sont répartis par Klein selon les dichotomies
total/partiel ; interne/externe ; bon/mauvais ;
idéal/persécuteur. Selon elle, les mots résultent d'une
modification des phantasmes. L'interprétation s'attache à
atteindre chez l'analysé, au-delà des mots, le phantasme et dans
une certaine mesure l'organisation corporelle sans laquelle les mots
n'existeraient pas.
moyens entre les deux structures qui appelle à des
échanges et même à une collaboration inter-structures !
Les échanges sont difficiles : chacun, se sentant
menacé par le changement ayant tendance à renforcer son
identité et donc ce qui fait sa différence au détriment de
ce que les deux structures ont en commun et qui pourrait les réunir!
Dans ce contexte, les affrontements théoriques des
soignants des deux structures pourraient s'apparenter à des conflits
identitaires. En effet, ils semblent souvent d'accord sur la clinique et c'est
plutôt sur la manière de traduire cette clinique dans leur
vocabulaire théorique respectif qu'ils s'affrontent :
Deux soignants observent le même enfant : tandis que
l'un dit de l'enfant qu'il « est en proie à une agitation
psychomotrice »; l'autre reprend sur le ton de l'évidence
teinté d'un peu de mépris : « Nous, on appelle cela la
jouissance »...
Les clivages n'existent pas uniquement entre les deux
structures.
A l'intérieur d'une même structure, il semble
aussi qu'il y ait un clivage entre les soignants qui ont fait une analyse et
ceux qui ne l'ont pas faite. Le chef de service m'explique un jour la notion
lacanienne de « trou » que j'ai du mal à comprendre.
Elle me dit alors que « ce n'est que dans une analyse que
ces notions peuvent prendre sens ». Certainement. Mais à un niveau
cognitif d'appréhension du concept il me semble pourtant que le recours
à l'analyse ne soit pas inéluctable.
Le recours fréquent à cet argument ne fait-il pas
de lui un argument tautologique ?
La nouvelle gestion des effectifs des enfants prévoit
le départ de Justin à « La Pomme Bleue » Très
peu d'enfants sont dans ce cas : les effectifs ont pu été
gérés en ne renouvelant pas les places d'accueil des enfants en
situation d'être réorientés du fait de leur âge.
Lors de la réunion de synthèse l'équipe
s'inquiète de l'adaptation de cet enfant psychotique à « La
Pomme Bleue ». Mme Beaussier rappelle qu'elle suit cet enfant de 11 ans
depuis qu'il est tout petit et craint l'effondrement de cet enfant à
cause de cette rupture.
Quelques temps après nous apprendrons que Justin comme
ses parents sont ravis de ce changement et qu'il va bien.
En fait, il y a aussi pour les soignants et la psychiatre un
difficile travail de deuil à mener vis à vis de ces enfants qui
s'en vont et on peut interpréter sa crainte de l'effondrement de
l'enfant comme un mécanisme de défense : la projection de leur
propre angoisse de perte et de séparation...
Les difficultés liées à la
réorganisation ont peu d'espace formel pour s'exprimer, les
réunions de régulation existent mais sont semble t'ils trop peu
nombreuses.
Ainsi ces difficultés, peurs et ressentis viennent
parfois à s'exprimer au cours des ateliers ou du groupe
thérapeutique où elles ont très probablement des effets au
niveau de la poursuite des objectifs thérapeutiques.
> Analyse de ressources :
Le psychologue est une ressource dans le travail d'analyse
institutionnel et dans la gestion des conflits. Il s'emploie à favoriser
l'expression des uns et des autres et à temporiser les conflits.
Pourtant ce travail est particulièrement difficile en institution :
étant lui-même concernée par la situation, puisque faisant
partie aussi de l'équipe et de l'institution il ne peut être
neutre.
Il est important qu'il puisse en prendre conscience de
façon à conserver son rôle de modérateur et de lien
entre les différents membres de l'équipe.
Dans cet objectif et afin de prendre une distance
nécessaire vis à vis de l'institution dont il fait lui-même
partie, le psychologue a tout intérêt à s'inscrire dans un
travail de supervision à l'extérieur de l'institution.
Le groupe de parole organisé pour les soignants les
aide à exprimer leur émotions et représente aussi une
ressource institutionnelle mais les réunions paraissent trop rares
à tous les acteurs de soins...
D'autres ressources se dégagent de l'équipe :
que d'énergie chez tous ces intervenants; personne n'est
indifférent, tous se sentant responsables dans leur mission
auprès des enfants et des familles. Les soignants sont au travail ! Les
difficultés n'ont pas altéré leur
présentéisme.
Les prises de notes et les transmissions sont
étoffées ; plus le temps passe, plus les soignants ont des
projets d'activité et les ateliers démarrés de
façon quasi expérimentale commencent à se structurer
même si le partage de l'analyse de la clinique se heurte aux limites du
modèle intégratif, à savoir qu'il ne s'agit pas simplement
de traduire la clinique dans un autre vocabulaire.
Comme nous l'ont appris les auteurs du tournant
épistémologique constitué par la seconde
cybernétique (VON FOERSTER,1973) ; (MATURANA et VARELA,1994),ce que nous
percevons apparaît à l'intersection de ce qui nous parvient et de
ce qui nous constitue.
Ainsi, l'observation même de la clinique est sous tendue
par la théorie de l'observateur qui agit en véritable filtre de
l'information...
La réalité n'est pas une entité
préexistante : elle est construite. « De l'efficacité ou
de la réussite de l'intervention d'un thérapeute, on ne peut plus
inférer qu'il a eu raison , ou qu'il était dans la vrai, mais que
sa construction du réel a pu s'articuler à celle des membres de
la famille d'une manière telle que de cette co-construction a surgi un
possible nouveau ,plus riche et asymptomatique
»(ELKAÏM,2006).