1.1.2. Les conventions de Lomé de 1975 à
2000
L'échec des résultats escomptés au terme
de développement inscrit dans les premiers accords susmentionnés,
la crise des années 70 ajoutée aussi à la baisse des cours
des matières premières réclament ainsi un nouvel ordre
économique. Ce dernier cherche notamment à revoir les termes de
l'accord de partenariat entre la CEE et ses anciennes colonies en vue
d'orienter désormais la coopération vers le développement
des ex pays colonisés. Cette situation débouche donc à la
signature de la première convention de Lomé en 1975 qui a
été élargie aussi aux pays liés à la grande
Bretagne au sein du Commonwealth et à certains pays hors du
Commonwealth formant ainsi le groupe des pays d'Afrique de Caraïbe et du
Pacifique (ACP) qui a été institutionnalisé officiellement
par l'accord de Georgetown dans la même année de la signature de
la première convention de Lomé.
L'accord de Georgetown représente la charte
fondamentale du groupe des pays ACP. Il édicte les règles de la
coopération et gère en même temps le partage de l'aide
à la coopération.
En 1976, année de l'entrée en vigueur de la
première convention de Lomé, l'accord de Georgetown a pris
à ce moment une nouvelle dénomination officielle de «
l'accord de partenariat ACP-UE » qui va désormais régir
les règles de base de partenariat. Les principaux objectifs de base du
groupe ACP se résument comme suit :
· Développer la coopération entre les
Etats ACP dans le domaine du commerce ;
· Favoriser l'intégration progressive des pays
ACP dans l'économie mondiale ;
· Coordonner les activités du groupe ACP dans le
cadre de mise en oeuvre de partenariat ACP-CEE.
Ces objectifs ont été accompagnés aussi
par la mise place d'une politique commerciale reposant sur trois principes
fondamentaux à savoir :
· Le libre accès au marché communautaire
des produits en provenance des pays ACP : cela suppose en effet que les
produits originaires des pays ACP accèderont au marché de la
Communauté Economique Européenne en exemption des droits de
douane, et sans qu'on leur applique aussi des restrictions quantitatives ou
toute autre mesure d'effet équivalent ;
· Le principe de non réciprocité des
obligations commerciales des pays ACP. Ce principe accorde des
préférences non réciproques aux pays ACP : Les
préférences non réciproques sont en effet un régime
commercial selon lequel les produits des pays ACP doivent avoir accès
aux marchés de la CEE en franchise de droits de douane tandis que les
importations des produits de la CEE vers les pays ACP doivent subir un droit de
douane à leur entrée sur les marchés des pays ACP ;
· La promotion du commerce entre les pays ACP et
l'UE.
Au total, l'objectif central de la convention de
Lomé I est donc de favoriser le développement des pays ACP par la
promotion de leurs échanges commerciaux des produits primaires, ceci, du
fait notamment de leur dépendance vis-à-vis de ces
produits ; en effet, il faut noter que pour la plupart des pays ACP les
recettes des exportations de leurs produits primaires constituent leurs
principales sources de financement c'est pourquoi pour stabiliser ces recettes
qui ne cessent de subir des fluctuations des cours mondiaux, la convention de
Lomé I met en place un système de stabilisation des recettes
d'exportation des produits primaires des pays ACP (STABEX) dont l'objet
principal est de compenser les déficits des recettes d'exportation de
ces pays dans les rapports commerciaux qui provoquent souvent la baisse de
leurs revenus et de leurs pouvoirs d'achat dont les conséquences
à long terme pouvant compromettre les possibilités de leur
développement.
Le fonctionnement du Stabex repose sur les principes et
mécanismes des financements compensatoires. Le système du
financement compensatoire repose sur le fait que pour stabiliser les recettes
d'exportation des pays ACP, il n'est pas nécessaire d'intervenir sur les
marchés des produits de base mais il s'agit plutôt d'agir sur
l'amplitude de fluctuation par un transfert de fonds par une agence
internationale. Pour ce fait, des retraits seraient donc effectués dans
des périodes où les recettes d'exportation seraient
inférieures à une moyenne établie, et des
dépôts (ou remboursement) dans des périodes où les
recettes seraient supérieures à cette moyenne. Ainsi, à
chaque fois que les recettes des exportations d'un pays ACP tomberont au
dessous de la moyenne de base retenue, l'organisme de compensation tenterait de
compenser le déficit.
Pour qu'il y'ait perte ou déficit à
l'exportation, il faut comparer la moyenne des recettes provenant des
exportations au cours des quatre années précédentes
(niveau de référence) à la recette effective de
l'année d'application. De même, pour qu'une perte puisse
être reconnue, il faut que la valeur des exportations des produits
agricoles atteigne le seuil de dépendance qui est la moyenne minimum
retenue des recettes des exportations au cours des quatre années
précédentes ; cette moyenne sert donc d'un indicateur pour
les recettes d'exportation des produits agricoles des pays ACP.
Cinq années après Lomé I, en 1980, voit
le jour Lomé II. Cette dernière consolide les acquis de
Lomé I et crée pour sa part un autre nouveau mécanisme
compensatoire semblable au Stabex mais qui concerne uniquement les produits
miniers. Ce mécanisme dénommé système de
stabilisation des recettes des produits miniers (SYSMIN) a été
mis sur pied en vue de soutenir les recettes d'exportation des produits
miniers. Ainsi, en cas de fluctuation des revenus tirés de la vente des
produits miniers, les pays dépendants de ces produits ont donc
accès à des prêts permettant de soutenir la production. Ces
produits miniers sont : cuivre, bauxite, cobalts, phosphate,
manganèse, étain, uranium, minerais de fer ...
Après Lomé II, fut Lomé III en 1985 qui
modifiait l'orientation de l'accord, abandonnant ainsi la promotion du
développement commercial pour celle d'un développement autonome
fondé sur l'autosuffisance et la sécurité alimentaire. Par
ailleurs, un appui à l'ajustement a été mis en place pour
mettre terme à la crise économique et promouvoir en même
temps le développement dans ces pays.
Cinq ans après Lomé III fut instituée
Lomé IV en 1990 pour une période de 10 ans avec une
révision à mi-parcours qui consacrera la naissance de Lomé
IV bis en 1995. Cette convention établit une articulation entre
développement et Droit de l'Homme et renforce l'appui à
l'ajustement structurel. Elle a par ailleurs introduit des
conditionnalités et des sanctions dans les termes de la
coopération. Ainsi, désormais, la violation des principes
démocratiques, Droit de l'Homme et Etat de droit peut entraîner la
suspension partielle ou totale de la coopération, notamment l'aide au
développement. Cette convention a aussi mis l'accent sur la
nécessité pour des pays ACP de s'insérer dans
l'économie mondiale.
Au total, il convient de rappeler que les conventions de
Lomé, tout au début, ont été instituées dans
l'esprit de favoriser le développement des pays ACP via la vente de
leurs produits primaires. Ces conventions ont aussi d'autres
particularités qui consistent notamment à intégrer
plusieurs autres formes de relations à savoir :
· Une relation commerciale fondée sur
l'établissement d'accords préférentiels non
réciproques et discriminatoires, à laquelle est
associée ;
· Une politique d'aide et
· Un montage institutionnel.
Plusieurs observateurs ont même trouvé dans
ces conventions les fondements d'une véritable culture basée sur
le partenariat et un régionalisme Nord- Sud.
Après 25 années de relation de partenariat dans
le cadre de ces conventions, l'évaluation des résultats en termes
de développement produit par ces accords ont donc suscité
plusieurs réflexions et interrogations telles que :
· Quel bilan peut-on esquisser de ces différents
accords en terme de développement des pays ACP ?
· Quelle est l'efficacité de l'aide prévue
par ces accords dans le cadre du Fonds Européens de
Développement (FED) qui doit appuyer financièrement le
développement des pays ACP ?
· Quelle cohérence existe-t-il entre les diverses
politiques d'aide au développement ?
· Comment envisager une nouvelle convention qui doit
tenir compte des enseignements précédents et des nouveaux enjeux
internationaux ?
En guise de tentative de réponse à ces
interrogations, nous essayerons de faire d'une manière
générale le bilan des premières relations de partenariat
entre l'UE et les pays ACP pour voir très concrètement leur
contribution en matière de développement des pays ACP et
d'analyser par après les possibilités des nouvelles relations de
partenariat entre ces deux groupes.
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