L'analyse de la productivité et de l'efficience est
généralement effectuée en utilisant des approches non
paramétriques tel que la Free Disposable Hull FDH ou la
Data Envelopment Analysis DEA (Cf. infra).
i-) L'approche q Free Disposable Hull »
L'analyse « Free Disposable Hull >> est une approche non
paramétrique d'estimation des scores d'efficience
développée principalement par DEpRiNS, SiMAR, et TuLkENS (1984).
Dans cette méthode, on construit une « enveloppe >>
linéaire par morceaux qui relie les points extremes sur la surface de
telle sorte que toutes les données observées se situent soit sur
la frontière soit en dessous. Pour mieux comprendre cette approche, nous
allons d'abord expliquer ce que l'on entend par « frontière
d'efficience >>.
Soit yt le niveau d'éducation ou de
santé atteint par la population d'un pays à une date
quelconque t. Nous appelons cet indicateur « yt >>
l'output ou un vecteur d'output qui est obtenu à
partir d'un minimum de dépenses publiques engagées dans les
secteurs de l'éducation et de la santé, noté xt
que nous appelons l'input ou un vecteur d'input. On appelle
frontière d'efficience, la fonction F des possibilités
de production de l'output y par combinaison des différents
niveaux d'input $x$ telle que : yt = F(xt) (AFoNso
et ST. AuByN, 2004)
A partir de cette définition, on peut définir de
façon concrète la notion d'efficience à une date
t.
Soit yt* le niveau d'output
observé (obtenu) avec un niveau d'input xt à la date t. Si
yt* = F(xt) < ypt , avec
ypt le niveau potentiel d'output, on dira qu'à la date t les
dépenses publiques sont inefficientes (AFoNso et ST. AuByN,
2004)
Sous cette condition d'inefficience, le niveau actuel d'output
est inférieur au niveau d'output potentiellement souhaité.
En reprenant ANTONio AFoNSo et MiGuEL St. AuByN(2004), on peut
prendre un exemple concret.
TABLEAu 1.1 --- Un exemple pour illustrer la notion
d'efficience
Source : ANTONio AFoNSo et MiGuEL St. AuByN(2004),
op.cit
D'après ce tableau, le plus bas niveau de
dépenses est réalisé par le pays A correspondant
également au plus bas niveau d'output. Par contre, le plus haut niveau
de dépenses (1300) consenti par le pays D n'a pas donné le plus
haut niveau d'output
(75) qui est obtenu par le pays C qui n'a dépensé
que 1000.
Selon l'approche FDH, les pays A, B et C seront
considérés comme efficients et vont être de ce fait
situés sur la courbe de la frontière d'efficience alors que le
pays D sera le seul pays considéré comme pays inefficient et
gaspilleur de ressources. C'est ce que visualise la figure (1.3)
FiGurE 1.3 - Représentation de la frontière
d'efficience par l'approche FDH
Source: António Afonso et MiGuEl St. Aubyn,
2004
À la différence de la procédure DEA
mentionnée ci-après, la technique FDH n'impose pas de nombreuses
restrictions à la technologie de production. C'est son principal
avantage. Mais elle présente aussi plusieurs inconvénients.
Premièrement, dans la mesure où plusieurs observations se situent
sur la frontière, la technique FDH ne permet qu'un classement partiel;
puisque les observations situées sur la frontière sont tout aussi
efficientes. Deuxièmement, aucune distinction n'est faite entre les
facteurs aléatoires qui pourraient affecter la production (comme la
pluviométrie dans la production agricole) et l'inefficience
réelle. L'analyse n'est donc pas robuste vis-à-vis des aberrances
ou des données extrêmes.
Comme nous le verrons plus loin, cette approche ne donne pas
toute la précision possible sur les scores d'efficience. D'autres
auteurs ont développé d'autres approches telles que la Data
Envelopment Analysis.
ii-) Data Envelopment Analysis
(DEA)7 La DEA est également une approche
non
paramétrique d'estimation des scores d'efficience
développée au départ par Far-
rEll (1957) et
popularisée par la suite par CHarnEs, CoopEr et RHoDEs (1978).
L'analyse de l'enveloppement des données (DEA, Data
Envelopment Analysis)
7Cf. Méthodologie pour les procédures
d'estimation
est en effet une autre approche déterministe
non-paramétrique courante pour évaluer les frontières de
production. Dans cette approche, on utilise des méthodes de
programmation linéaire pour élaborer une enveloppe
linéaire qui relie les données par rapport auxquelles il est
possible de calculer les mesures d'efficience.
Par opposition à la méthode FDH, l'analyse DEA
suppose que la possibilité de production (frontière d'efficience)
est convexe, ce qui implique que les combinaisons linéaires des
résultats de production les mieux observés se situent sur ou sous
la frontière des possibilités de production. En
conséquence, une technologie qui est efficiente selon la méthode
FDH, peut ne pas l'être selon la méthode DEA. Comme moins de
données d'observations se situent sur la frontière, on
améliore le nombre d'observations qui peuvent être
classées.
António Afonso et MiGuEl St. Aubyn (2004) ont
montré, en reprenant l'exemple du Tab.1.1,que du fait de la
convexité de la frontière imposée dans l'approche DEA,
cette méthode se révèle plus efficace et plus
contraignante que la FDH (cf. Fig.1.4). L'estimation de la frontière
d'efficience DEA révèle que le pays B qui était efficient
selon la FDH ne l'est plus sous la DEA et donc seuls les pays A et C continuent
d'être efficients.
FiGuRE 1.4 - Estimation de la frontière DEA
Source: António Afonso et MiGuEl St. Aubyn,
2004
La Fig 1.4 montre donc qu' un pays qui est jugé efficient
sous la FDH ne l'est pas toujours sous la DEA, alors qu'un pays efficient sous
la DEA le sera sous la FDH.
Par construction, l'ensemble de production défini par FDH
est donc inclus dans l'ensemble de production DEA. Ainsi, il est possible de
déduire la frontière FDH à
partir de la frontière DEA.
Pourtant cette méthode reste déterministe et on ne
peut toujours pas séparer la véritable efficience de la variation
aléatoire.
Dans leur étude sur 24 pays de l'OCDE, ANTONio AFoNSo
et MiGuEL St. AuByN (2004) ont appliqué simultanément les deux
approches et ont montré par l'estimation des deux frontières que
tout estimateur DEA est un FDH (cf. Fig1.5 )
FiGuRE 1.5 - Comparaison des deux approches :DEA et
FDH
AFoNSo et ALL (2003) ont montré, sur la base de la
méthode DEA, que les pays européens dépensent en moyenne
30% plus que les autres pays de l'OCDE les plus performants pour obtenir la
meme performance.
Dans une étude sur les dépenses
d'éducation et de santé, AFoNSo et ST. AuByN (2004) ont
utilisé ces deux approches non paramétriques pour évaluer
l'efficience de l'éducation secondaire et de la santé dans les
pays de l'OCDE en 2000. Pour l'éducation, ils ont retenu les indicateurs
PISA comme Output et deux mesures quantitatives sont utilisées en tant
qu'input : le nombre d'heures par année passé à
l'école et le nombre d'enseignants par étudiant. Pour la
santé, la mesure quantitative de l'input est le nombre de docteurs,
d'infirmières et de lits d'hôpitaux, les outputs sont le taux de
mortalité infantile et l'espérance de vie.
En ce qui concerne les pays africains, GupTA, HoNjo et
VERHoEvEN (1997)
ont cherche à determiner la relation entre les
depenses publiques d'education et de sante et les indicateurs sociaux
(scolarisation primaire, secondaire, taux d'alphabetisation, esperance de vie,
taux de mortalite infantile, etc.... ). Ensuite ils ont estime des scores
d'efficience des depenses publiques, pour un echantillon de 38 pays africains,
sur la periode 1984- 1995, en se basant sur l'approche FDH. Ces indicateurs
d'efficience ont ete enfin compares entre eux et avec ceux des pays de l'Asie
et de l'Hemisphère occidental. Les resultats de ces travaux montrent que
les depenses du gouvernement n'ont pas le meme effet sur la production des
services d'education et de sante. En effet, les comparaisons entre les pays
africains et les pays de l'Asie indiquent que les depenses publiques en Gambie,
Guinee, Ethiopie et Lesotho sont plus efficientes que dans d'autres pays tel
que la Botswana, le Cameroun, la Côte d'Ivoire et le Kenya. Ces resultats
montrent en outre que les pays asiatiques sont les plus efficients et que les
pays africains sont les moins performants dans la production des services
d'education et de sante. Ceci s'explique par les salaires relativement eleves,
en particulier pour le secteur de l'education, et la mauvaise allocation
intrasectorielle des ressources dans les pays africains (ANTONio AFoNSo and
MiGuEL ST. AuByN, 2004).
SAouSSEN BEN RoMDHANE (2006) a montre que la Tunisie et le
Togo sont les pays les plus efficients dans la prestation des services publics
d'education et que le Niger, le Lesotho et le Rwanda ont les scores
d'efficience les plus faibles. Il a egalement montre dans la meme etude qu'une
allocation efficiente des ressources publiques est un garant d'une croissance
plus elevee beaucoup plus que leur niveau au delà d'un certain seuil
minimum.