II.3.3 Méthode utilisée pour conduire le
processus d'ajustement et les résultats obtenus
Le processus d'ajustement a été conduit selon la
méthode de l'audit organisationnel. L'équipe d'intervention a
réalisée une investigation consistant à confronter la
situation réelle de la SMF à une situation de
référence, à rechercher la cause des écarts et
à proposer des procédures et des dispositions propres à
les réduire. Cette démarche a nécessité dans un
premier temps, la mise en place d'un diagnostic organisationnel à
travers une analyse de son environnement économique, de ses aspects
sociaux, managériaux, financiers, et de production. Il s'est agit de
rechercher les causes profondes des symptômes caractérisant les
déséquilibres au niveau des données financières,
sociales et industrielles. La période de trois mois dévolue
à la phase de diagnostic, a conduit à mettre en évidence
les éléments constitutifs des difficultés de
l'entreprise.
Les données ont été collectées
grâce aux documents internes à l'organisation, aux entretiens et
à l'observation directe. Les informations, conclusions, jugements
donnés par les personnes interrogées ne suffisant pas, il a fallu
généralement les confronter avec les indicateurs des faits
auxquels ils se rapportent (statistiques, chronologie, ratios). Le
contrôle de ces informations avait pour objectif de détecter les
difficultés de l'entreprise afin de proposer des solutions d'ajustement
rapides, pratiques et adaptées à la situation de l'entreprise.
Après, l'équipe d'intervention a porté un jugement sur les
phénomènes observés, en appréciant les
écarts, leur caractère significatifs ou non,
leur gravité, et les causes, pour recommander les mesures
à mettre en oeuvre afin d'améliorer le fonctionnement de
l'entreprise, et, de parvenir à un ajustement rapide des
déséquilibres constatés.
La deuxième phase, essentiellement pratique, a
consisté à mettre en oeuvre les mesures d'ajustement
proposées dans le rapport d'audit organisationnel. Les indicateurs
retenus pour le suivi des ces mesures devaient être simples et
mesurables. Par exemple, la dégradation de l'image de l'entreprise
était mesurée en tenant compte : du nombre de chantiers
arrêtés par les agents ALUCAM en charge du contrôle
qualité et sécurité, de la quantité de travaux
effectués, du nombre de lettres de mise en demeure en provenance des
services fiscaux et sociaux. Des dysfonctionnements coüteux comme
l'absentéisme était mesurée par un taux calculé en
divisant le nombre d'heures d'absence pendant une période P sur les
heures théoriques de travail pendant la même période P. Un
taux de moins de 5% devait être atteint. Les conflits se mesuraient
à leur fréquence (nombre de manifestations d'antagonisme ouvert),
leur extension (nombre de personnes ayant suivi le mouvement), leur
intensité (nombres d'heures ou de journées de travail perdues).
Le suivi des coûts de production, du chiffre d'affaires mensuel
réalisé, du nombre de dettes contractées et
réglées.
Après un relevé des indicateurs retenus en
février 2007, à la fin de la période consacrée au
processus d'ajustement, l'équipe d'intervention a conclu que les
objectifs fixés avaient été atteints.. Des indicateurs
tels que le niveau d'endettement réduit, le compte bancaire
créditeur, le niveau de l'indicateur général
d'équilibre etc. ainsi qu'un environnement rassurée (marques
d'encouragement du client pour l'amélioration dans la qualité des
travaux et l'attitude des hommes sur les chantiers, quittances de versement des
cotisations sociales et des retenues fiscales à jour, fournisseurs
prêt à livré, ....) ont servi de base pour rendre compte
des résultats obtenus.
Une analyse critique de l'intervention montre que les actions
entreprises ont eu une portée limitée. La dégradation
constatée en mars 2008, un an après la fin officielle du
processus d'ajustement le montre. L'équipe d'intervention a crié
trop tôt victoire. John P. Kotter (2000 :18) dans un article
intitulé « conduire le changement : huit causes d'échecs
», de la Harvard Busines Review, révélait
à ce sujet qu' « au bout de quelques années de dur
labeur, la tentation est grande de crier victoire au premier résultat
sérieux perceptible. S'il est réconfortant de savourer les
premiers fruits de ses efforts, croire pour autant que la guerre est
gagnée peut s'avérer catastrophique. Avant que le changement ne
soit profondément ancré dans la culture de l'entreprise, il peut
se passer de cinq à dix ans, et les nouvelles pratiques sont fragiles et
sujettes à régression. ». Le temps consacrer à
l'intervention se révèle avoir été bref et
insuffisant pour redynamiser un climat social délétère,
tandis que, pour que « la mayonnaise prenne », il faut que le
changement passe dans les habitudes, dans le sang de l'entreprise. G. Balandier
(1981 :299) affirme
qu'une révolution ne suffit pas à faire surgir
une société radicalement nouvelle et durable ; elle n'agit que
durant un temps, puis c'est la retombée dans « l'institué
», dans l'ordre soucieux de sa propre conservation. C'est d'une
manière plus constante que les acteurs sociaux doivent saisir les
chances qu'ils créent eux-mêmes selon une « révolution
permanente ».
Des mesures pérennes et répétitives n'ont
pas été prises pour maintenir les effets du processus
d'ajustement sur l'organisation. L'intervention n'a rien prévu pour
minimiser les effets du management dans l'entreprise, sans outils de
contrôle, de contre pouvoir qui empêcheraient un retour rapide
à une situation de déséquilibre. L'influence du
décideur dans la dégradation de l'entreprise a été
sous estimée, l'accent ayant plutôt été mis à
endiguer les effets de la situation de crise. Par exemple, l'équipe
d'intervention n'a pas fait savoir directement à la gérante que
ses nombreux prélèvements injustifiés,
opérés sur les comptes de l'entreprise, menaçaient sa
survie. La réalisation des mesures d'ingénierie financière
et le plan social prévu, sensés avoir un impact à long
terme était toujours en attente de validation par le décideur un
après. Pour les intervenants, la décision d'évoluer vers
une transformation durable de l'organisation devait être prise par le
propriétaire dirigeant. Gilbert Riebold (1976 :152) affirme à ce
sujet que « c'est la situation du malade qui consulte un
médecin. Fréquemment les craintes du patient ne correspondent pas
au
diagnostic du praticien. Quand les déclarations du
manager s'avèrent incorrectes, le consultant luiexplique que
le mal n'est pas là où il croit, qu'il confond syndrome et
affection, et que l'action
corrective est à engager ailleurs. A lui de
décider ».
La résistance de la gérante à
l'implémentation de mesures d'ingénierie financière n'a
pas été prévue, ainsi que le pouvoir d'action
limité du commanditaire. L'équipe d'intervention n'a pas
donné une copie de ses recommandations aux actionnaires de l'entreprise.
Ces derniers auraient pu faire pression pour que des mesures durables soient
prises.
Les résultats probants obtenus à court terme
sont confirmés par le maintien de l'équipe d'intervention pour
assurer le suivi des activités stratégiques, administratives et
financières de l'entreprise au delà de la période
prévue pour le processus d'ajustement. Les prestations du cabinet
conseil fiscal et financier se sont limitées après la fin
officielle de la démarche d'intervention au montage des bulletins de
paie, au suivi des éléments comptables pour la réalisation
des Déclarations Statistiques et Fiscales et à l'action
contentieuse avec le personnel, les services fiscaux et la CNPS. Ce cabinet a
finalement arreté ses activités avec l'entreprise en aoüt
2008. Pour deux raisons, à savoir:
- Le non paiement de ses prestations par la SMF sur une
période de un an six mois ; - La contestation par le décideur de
ses compétences.
Nous-mêmes avons suspendu partiellement nos prestations
liées au suivi administratif et
financier en octobre 2007, pour rejoindre les rangs de
l'Université Catholique d'Afrique Centrale à Yaoundé. Nos
prestations se réalisaient un jour par semaine, de ce fait, nous avons
perdu le contact des réalités financières et des dettes
qui se contractaient au fil du temps. Aux échéanciers de
remboursement qui n'étaient pas encore terminés sont venus
s'ajoutés de nouvelles dettes.
La qualité du processus d'ajustement et de ses
résultats à moyen terme est liée au manque de
volonté du décideur de coopérer pleinement au processus,
autant qu'à l'incapacité de l'équipe d'intervention
à suivre le processus engagé sur plusieurs années.
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