II.4.3 Synthèse sur le climat
organisationnel
Le climat organisationnel se réfère à la
concordance entre la structure d'une organisation, ses activités
effectives, ses stratégies et sa philosophie. Son étude peut
comprendre l'analyse du style de management, des attitudes et des comportements
des dirigeants, et des relations de pouvoir dans l'organisation, en même
temps qu'elle peut porter sur le climat au niveau des opérations.
L'entreprise possédait un règlement
intérieur datant du 28 avril 1994. Ce dernier était
d'après le visa de l'inspection départementale du travail de la
Sanaga Maritime du 14 octobre 1994, conforme aux normes en vigueur. De
légères modifications pouvaient y être ajoutées,
pour l'adapter au contexte actuel. L'ensemble du personnel permanent
interroger, affirmait connaître l'existence de ce dernier, mais, n'en
maîtrisait pas les dispositions. Tous les personnels temporaires
ignoraient son existence. Il n'était d'ailleurs affiché nulle
part. L'équipe a découvert le règlement intérieur
abandonné dans un tiroir de la Direction à moitié
rongé. Les dispositions de ce règlement intérieur
étaient réparties sur 9 points, à savoir :
- l'embauche du personnel ;
- les obligations du personnel ;
- la hiérarchie des sanctions ;
- la durée du travail ;
- pointage, retard, permissions et absences ; - les congés
payés ;
- les rémunérations ;
- les infrastructures disponibles ;
- sa publication.
Le taux d'absentéisme au sein des équipes
techniques était élevé. Les bagarres, menaces de mort,
insultes, insubordinations sur le site de production de l'usine ALUCAM
étaient fréquentes au sein des équipes. Les menaces
faisaient généralement référence aux pratiques
occultes. Par exemple, un encadreur pensait que les accidents à
répétitions qu'il subissait depuis quelques mois étaient
provoqués par un des ses collègues, qui serait d'après lui
un maître de l'invisible, un voyant lui aurait confirmé ces faits.
Il affirmait en entretien : « J'ai subi successivement à deux
mois d'intervalles, deux accidents graves sur l'axe lourd Yaoundé -
Douala, j'en suis sorti indemne, XXX est venu me voir sur mon lit
d'hôpital et m'a dit en me serrant la main, salue moi tu es fort, on t'a
bien préparé au village ».
Les statistiques des accidents de travail au cours des trois
(03) derniers mois faisaient état de
deux (02) accidents avec arrêt, cinq (05) accidents sans
arrêts. La fréquence de délivrance des bons de prise en
charge au personnel, pour bénéficier de traitements auprès
du Centre de Santé d'Elogbélè à Edéa,
était d'environ 4 bons par jours, d'après le carnet de bons de
prises en charge mis à la disposition de l'équipe. A
l'observation, il existait une grève perlée, qui se manifestait
par un ralentissement volontaire du rythme de travail, prolongeant les
délais de livraison des travaux.
La présence du syndicat était faible, six (06)
salariés étaient affiliés à la
Confédération Syndicale des Travailleurs du Cameroun. Ces
derniers avaient une connaissance moyenne de la législation du travail
en vigueur au Cameroun. Après entretien avec le personnel on
découvrait que le personnel avait une connaissance éparse de la
législation en matière de travail. Par exemple, beaucoup
ignoraient que le travail posté, ne permettait de
bénéficier que de 20 minutes de pause, que les heures
supplémentaires n'intervenaient qu'après 40 heures de travail par
semaine, le dimanche et les jours fériés, et, que le samedi
était un jour ouvrable. L'équipe conduit le personnel
administratif à l'inspection du travail pour des discussions de
formation sur certains aspects de la législation. Les droits les plus
connus étaient ceux relatifs à la rémunération,
notamment au délai de paiement du salaire, qui doit intervenir au plus
tard le 08 du mois.
Les contrats de travail temporaire étaient verbaux, et
se prolongeaient sans aucun respect de la législation. Cependant, cette
pratique apportait une certaine flexibilité nécessaire à
l'activité de la SMF. Uniquement le personnel permanent avait droit aux
congés payés dans l'entreprise. Les heures supplémentaires
effectuées par le personnel temporaire étaient payées en
heures normales, d'après les bulletins de paie de ces derniers. Certains
temporaires étaient payés à la caisse, et ne
bénéficiaient pas de bulletins de paie.
Les rapports du personnel avec la direction étaient
tendus, les employés avaient déposé en fin d'année
2005, plusieurs requêtes devant les dirigeants de l'usine ALUCAM et
menaçaient de grever si leurs situations demeuraient inchangées.
Le client de la SMF, ALUCAM, envisageait suspendre l'agrément
accordé à la SMF si la situation sociale précaire
perdurait. En outre certains agents avaient transmis une requête à
la Délégation Départementale du Travail, pour que leurs
avancements et les primes d'ancienneté gelés soient
réajustés. Les entretiens menés révélaient
des problèmes profonds entre la direction et les ouvriers, suscitant un
manque de confiance vis-à-vis de cette dernière. Par exemple,
l'un des ouvriers permanent de l'entreprise, en service depuis sa
création en 1992, nous relatait qu'en 2004, une mutuelle du personnelle
avait été mise sur pied. Cette dernière fonctionnait
très bien, et le montant des contributions atteignait déjà
une somme importante. En 2005, d'après ce dernier, la gérante
avait entièrement vidé la caisse de la mutuelle, mettant de facto
un terme à cette expérience porteuse d'espoir. Ils n'ont eu de
cesse de revendiquer le remboursement de leurs cotisations depuis lors.
Un autre exemple nous a été relaté par un
responsable technique. Ce dernier nous expliquait
qu'il avait eu à contracter un prêt de 3 millions
de FCFA auprès d'un opérateur économique de la ville
d'Edéa, faisant partie de ses connaissances, ceci dans l'optique de
permettre à la SMF de supporter le paiement des salaires de ses
employés. Le remboursement de ce prêt devait avoir lieu dès
le paiement des prestations par ALUCAM, soit un mois plus tard, il a
plutôt été remboursé un an plus tard, mettant ce
dernier dans une situation conflictuel avec son ami.
Les locaux de l'entreprise étaient situés dans
la concession de la gérante. Cette proximité pouvait susciter une
culture communautaire, mais, aussi favoriser la confusion entre espace
collectif et espace privé. Les employés appelaient la
gérante « la maman ». Cette dernière interpellait
très souvent ses interlocuteurs par le terme « mon fils ou ma fille
». La figure du fondateur décédé était la
valeur commune partagée par les anciens employés et la
gérante. L'évocation de son nom et de ses valeurs permettait le
rassemblement en période de conflit. Nous avons constaté ce fait
à plusieurs reprises lors des réunions entre la Direction et les
employés, l'on entendait fréquemment : « Lorsque MBALLA
était là, cela aurait été différent »,
« Depuis qu'il nous a quitté, je me bats seul, avec toutes les
difficultés que vous connaissez », « le vieux,
lui-même savait ce qu'il voulait faire de cette entreprise
».
La valeur de l'encadrement étant fondamentale en
période de crise, les données recueillies sur le profil de
l'encadrement montraient les éléments ci-après :
Le Directeur Technique était âgé de 54
ans. Il jouissait d'une expérience professionnelle de 28 ans en
chaudronnerie et tuyauterie industrielle. Il avait pu mettre ses
compétences en exergue notamment aux Brasseries du Cameroun, à la
Société Nationale de Raffinage, au sein de l'entreprise
FRIEDLANDER. Titulaire d'un Certificat d'Aptitude Professionnelle en
chaudronnerie, il était peu présent sur les chantiers. Par
exemple, son dossier montrait une mise à pied de 02 jours du 13 janvier
2006, pour son arrivée tardive avec la nouvelle équipe à
la formation sécurité à l'usine ALUCAM le 6 janvier
2006.
Le responsable de l'administration, du contrôle des
travaux et de la facturation, a acquis son expérience en travaillant
avec le fondateur. Âgé de 48 ans en 2006, il n'avait pas de
savoirs théoriques dans ses domaines d'activités.
Le comptable possédait un Certificat d'Aptitude
Professionnelle d'employé de banque. Il a travaillé à la
Banque Internationale du Cameroun pour l'Industrie et le Commerce toute sa
carrière, jusqu'à la liquidation de cette dernière.
Âgé de 50 ans, il n'était pas coutumier du plan comptable
OHADA ou des ratios de gestion financière. Il effectuait le traitement
des salaires et les déclarations mensuelles fiscales et sociales.
Les deux nouvelles recrues requises par le commanditaire en
janvier 2006 faisaient partie de l'équipe de direction. L'un occupait le
poste de Directeur Technique Adjoint, et, était titulaire d'un Brevet de
Technicien en Métaux Feuilles et Chaudronnerie Métallique.
Âgé de 32 ans, il possédait
une expérience de six (06) ans comme responsable
d'équipe sur plusieurs chantiers (Chantier Naval et Industriel du
Cameroun, Cameroon Railway...).
Le second était âgé de 29 ans en 2006. Il
a été recruté au poste de Préparateur Planning et
Qualité, en charge de la conception, de la réalisation et du
suivi des plannings et tableaux de travaux. En outre, il était
chargé de la gestion des stocks et de l'approvisionnement en
matériel de l'entreprise. Ce jeune homme particulièrement
doué dans la conception et la mise à jour des bases de
données techniques des équipements de production, est titulaire
d'un Diplôme Universitaire de Technologie (DUT) en génie
industriel et maintenance.
Un conseil d'administration regroupant l'ensemble des
actionnaires ne s'est pas tenu depuis la mort du fondateur en 1994.
L'équipe après analyse du système de
communication au sein de l'entreprise a réalisé que l'absence de
communication entre l'encadrement et les ouvriers facilitait la persistance de
la rumeur dans l'entreprise. Ces rumeurs suscitaient la démotivation au
sein des équipes. Quelques employés nous faisaient savoir par
exemple qu'ils avaient entendu que l'entreprise serait vendue à des
européens dans les mois qui suivaient. L'équipe a
constaté que la communication était essentiellement descendante
(note de service). Les réunions de production et de concertation
étaient rares.
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