Section I : La concrétisation de cette
coopération
C'est dans ce cadre que s'inscrit la signature du projet
d'appui au secteur privé sénégalais à travers le
financement à hauteur de 17 milliards de francs CFA. Ce programme
dénommé PLASEPRI (Plateforme d'Appui au Secteur Privé et
à la valorisation de la Diaspora Sénégalaise en Italie)
(paragraphe I) vise à promouvoir les initiatives des
sénégalais vivants en Italie. A cela s'ajoute le
co-développement (paragraphe II).
Paragraphe I : PLASEPRI : Plate forme d'Appui au Secteur
Privé et à la valorisation de la diaspora
sénégalaise en Italie.
Le programme vise la création d'une plateforme
financière et d'assistance technique pour l'appui au
développement du secteur privé sénégalais en
valorisant le potentiel économique de la communauté
sénégalaise en Italie, qui est la plus importante en termes
d'effectifs des pays africains. Ce programme comporte un certain nombre
d'objectifs et des résultats y sont attendus (A) qui constituent une
réponse à la gestion des flux migratoires et s'appuie sur un
certains nombres de dispositifs pour une meilleure exécution (B).
![](Les-migrants-senegalais-en-Italie51.png)
47
A : Les objectifs et les résultats
attendus.
L'accord pour la mise en ouvre du programme PLASEPRI a
été signé entre le Gouvernement sénégalais
et le Gouvernement italien le 05/08/2008.
Le programme prévoit une composante de financement sous
forme de crédit aide de 20 millions de Euro et une subvention de 3,7
million d'euro. La partie « crédit » sera
exécutée par le Ministère de l'Economie et des Finances
tandis que la partie « subvention » sera exécutée par
la Direction de la Micro finance du Ministère de la Famille, de la
Solidarité nationale, de la Sécurité alimentaire, de
l'Entreprenariat féminin, de la Micro Finance et de la Petite Enfance.
Le Gouvernement sénégalais participe au programme avec une
contribution équivalente à 350.000 Euro.
L'objectif général du programme est d'augmenter
la capacité du secteur privé sénégalais et des
sénégalais vivants en Italie à contribuer au
développement durable du pays d'origine.
Le projet entend aussi promouvoir le rôle
économique de la femme dans le processus du développement et
l'investissement en technologies durables, soucieuses de la protection des
ressources naturelles.
L'objectif spécifique est l'augmentation du volume
d'investissements efficaces et productifs par les PME, qui
génèrent des opportunités d'emplois surtout dans les
régions à forte émigration. La mise en oeuvre du programme
suscite l'atteinte de certains résultats que sont :
1. une ligne de crédit pour refinancer
l'investissement productif, à des conditions compétitives tant
par les PME que par les Institutions Financières Locales (IFL);
2. la croissance du portefeuille des IFL destiné
à l'investissement productif, durable et générateur
d'emplois (en particulier l'initiative des Sénégalais de
l'extérieur et des femmes) ;
3. l'amélioration de la gestion et de la
compétitivité des Institutions de Micro Finance (IMF) et des PME
bénéficiaires ;
4.
![](Les-migrants-senegalais-en-Italie52.png)
48
une meilleure coordination entre le système
d'information économique sénégalais en Italie, les
investissements de la diaspora et les plans locaux de développement au
Sénégal ;
5. la formation et la sensibilisation des Ministères et
des Services concernés à fournir de l'assistance technique aux
systèmes PME et IMF ;
6. la diffusion des informations, surtout en milieu rural, sur
le programme et sur les meilleurs usages pratiqués.
Afin de mieux dérouler l'exécution du programme,
des dispositifs ont été mise en place.
B : Les dispositifs mises en place pour
l'exécution du projet.
L'exécution du programme prévoit la mise en place
des dispositifs suivants : Un dispositif institutionnel, organisationnel, un
dispositif technique et financier. Les dispositifs institutionnels et
organisationnels sont structurés de la sorte :
Le Ministère de l'Economie et des Finances (MEF).
Il est signataire de la Convention de Financement et
l'interlocuteur principal du Gouvernement italien.
La Direction de la Micro finance du Ministère de la
Famille, de la Solidarité nationale, de la Sécurité
alimentaire, de l'Entreprenariat féminin, et de la Micro Finance et de
la Petite Enfance, en tant que ministère de tutelle
technique du PLASEPRI. Celle-ci assure la responsabilité
générale du programme et est chargée de veiller à
la collaboration active des institutions impliquées conformément
à l'accord de financement. Elle veille sur la cohérence entre le
programme et les politiques sectorielles en la matière.
Le Ministère des Sénégalais de
l'Extérieur (MSE), qui participe à la réalisation de
toutes les activités du programme d'une manière
générale tout en assurant la cohérence du programme d'avec
ses politiques sectorielles. Il sera, en particulier, chargé de la
coordination des activités d'accompagnement en Italie avec la
participation des émigrés sénégalais.
![](Les-migrants-senegalais-en-Italie53.png)
49
La Direction des Mines, de l'Industrie de la Transformation
alimentaire des Produits agricoles et des PME.
Le rôle particulier de la Direction des PME dans la
réalisation du programme sera d'assurer l'intégration du
programme dans les politiques sectorielles de promotion des PME au
Sénégal.
La gestion du programme sera assurée par deux organes :
Une unité de gestion et un comité de pilotage.
L'unité de gestion a la tâche
générale et la responsabilité de faciliter la mise en
oeuvre efficace du programme et de créer les meilleures synergies entre
les institutions partenaires pour le développement du secteur
privé. Logée à la Direction de la Micro Finance, elle sera
animée par le Responsable du Programme (RDP), par des experts
sénégalais appartenant aux trois (3) ministères techniques
impliqués et par deux experts italiens spécialisés dans
les domaines des PME et de la Micro finance. Trois consultantes externes
attachées à l'UP assureront l'assistance technique aux PME et aux
IFL, en appuyant les entrepreneurs. En particulier, elles seront basées
à Louga pour les régions septentrionales, à Kaolack pour
les régions centrales et à Ziguinchor pour les régions
méridionales.
Le comité de pilotage est l'organe d'orientation
stratégique du programme, il est composé de services techniques
de l'Etat relevant des Ministères impliqués (Ministère de
l'Economie et des Finances ; Ministère de la Famille, de la
Solidarité nationale, de l'Entreprenariat féminin et de la Micro
Finance; Ministère des Sénégalais de l'Extérieur ;
Ministère des Mines, de l'Industrie et des PME ), de l'Ambassadeur
d'Italie, de l'Union des Chambres de Commerce, d'Industrie et d'Agriculture du
Sénégal (CCIA) et des organisations du patronat.
Le programme s'articule autour de trois outils
opérationnels :
1. Ligne de crédit pour le PME
2. Ligne de crédit pour les IMF (Institutions de
Micro-finance)
3. Assistance technique
![](Les-migrants-senegalais-en-Italie54.png)
50
La ligne de crédit pour les PME :
Il s'agit d'une ligne de crédit de 12 millions d'Euro
pour le financement aux PME à travers des Institutions Financiers
Locales (IFL) à des conditions de prêt bien précises. Les
IFL peuvent être des banques commerciales, des sociétés
privées sénégalaises de location-vente ou des
réseaux de mutuelles d'épargne et de crédit qui
remplissent les conditions posées par les lois et les règlements
en cours au Sénégal.
La ligne de crédit pour les Institutions de Micro-finance
:
Il s'agit d'une ligne de crédit d'un montant global de
8 million d'Euro allouée aux IMF pour financer des investissements pour
le démarrage ou le renforcement des très petites et moyennes
entreprises surtout localisées dans des zones géographiques
rurales.
Ainsi, le programme vise à garantir l'assistance technique
à plusieurs niveaux :
1. l'UP sera chargée de fournir de service
d'assistance technique au niveau PME et IFL pour la préparation et
l'évaluation des plans d'investissement et d'affaires balancés et
accessibles pour la ligne de crédit, l'identification des points
faibles, l'accompagnement du dialogue et négociations entre les PME
bénéficiaires et les IFL ;
2. des Consultants spécialisés pour
l'accompagnement des PME bénéficiaires de la ligne de
crédit, en terme de produit, processus, organisation de filière,
comptabilité, administration et finance, afin d'en renforcer la
capacité et l'organisation de l'entreprise;
3. un montant global de 1,8 million sera consacré aux
appels à proposition pour le développement du secteur
privé, autour des thèmes spécifiques identifiés par
le CP selon les priorités nationales. Les bénéficiaires
seront des acteurs de la société civile incluant les
organisations intermédiaires du secteur privé et la
Coopération Décentralisée.
![](Les-migrants-senegalais-en-Italie55.png)
51
4. Dans le cadre du projet PLASEPRI, il est apparu
évident, depuis la conception, l'importante action entreprise par les
acteurs italiens (publics et privés) engagés dans la «
Coopération au développement ».
En effet, les acteurs italiens seront appelés à
prendre des initiatives pour établir la coordination entre les
organismes territoriaux, les associations et les institutions
sénégalaises présentes en Italie afin de :
- structurer et coordonner un système d'information
important pour les Sénégalais en Italie, unifié,
plausible, efficace, alimenté par des thèmes juridiques
sénégalais déjà existants, sur les
opportunités d'investissements, les opportunités de ce programme
(PLASEPRI), les plans de développement local et l'évolution en
vigueur au Sénégal ;
- Promouvoir le rapport avec les institutions
économiques territoriales italiennes (chambres de commerce, associations
de l'artisanat et de la petite industrie et autres) ;
- Assister les sénégalais vivants en Italie dans
la rédaction des « business plan » et dans la
préparation des demandes à la ligne de crédit au
Sénégal, suivant les formulaires et les indications qui seront
fournis par l'UP.
Outre la PLASEPRI, il existe d'autres initiatives s'inscrivant
dans le cadre d'un copartenariat entre les émigrés et certains
organismes italiens.
Paragraphe II : Le co-développement: une voie
à suivre A : Les projets financés
Quelques projets ont été expérimentés
afin de mieux renforcer cette coopération.
Le consortium Poisen, une entreprise d'import export
constituée par huit sénégalais est née au cours des
années 1990 d'un projet à long terme impliquant plusieurs acteurs
institutionnels à Rimini, dont un centre de formation et d'assistance
technique intervenant dans le secteur de la pêche.
![](Les-migrants-senegalais-en-Italie56.png)
52
L'objectif de ce centre était de dispenser des cours
aux émigrés voulant mettre en pratique les enseignements
reçus au Sénégal. Un programme de formation d'une
année ainsi que des stages sur les bateaux de pêche ont
été initiés et financés par la mairie de la
région de Rimini et le fonds social européen.
La réalisation du projet a mis en exergue de nombreux
problèmes. Ainsi, beaucoup de stagiaires ne savaient pas, au
début, s'ils devaient rester plus longtemps ou non en Italie, ou
retourner au Sénégal avec plus d'épargne ou avec un
travail. Au cours de l'année de l'été 1996, le centre a
changé l'orientation du projet. Au début, il était convenu
que les sénégalais créeraient leur propre entreprise
liée au centre à travers une joint venture de
distribution. Il n'était pas donc question, comme cela va être
décidé par la suite, de cogérer l'entreprise avec ce
centre. Certains sénégalais membres estiment que le changement
d'orientation est imputable au chef du centre qui « roulait » pour
son propre compte et celui des autres filiales confrontées à des
problèmes juridiques et financiers.
Gerundo est un autre exemple qui rend compte des
atouts et contraintes inhérents à la mise en oeuvre des
programmes de développement entre l'Italie et le Sénégal.
Il s'agit d'un consortium d'entreprises oeuvrant dans le domaine de
l'environnement et de l'écologie et dans des projets d'aide et de
formation au Sénégal avec l'ONG ACRA, basée à
Milan33 . L'un de ses principaux objectifs est la formation
professionnelle avec une attention particulière aux
émigrés. Le consortium est très lié aux
autorités locales (région et province), aux entreprises et aux
associations. Au début des années 2000, il a créé
à Malika (situé dans la région de Dakar et plus
précisément au niveau du département de Pikine) l'un de
ses plus gros et plus importants projets au Sénégal, à
savoir une école de formation professionnelle en maçonnerie
polyvalente. Le projet a impliqué de nombreux acteurs économiques
et sociaux de la province : les ONG ACRA, CNR, l'Unesco Dakar, Nord Sud (une
ONG comptant sur les cellules locales des trois principaux syndicats : CGIL,
CISL et UIL), CESVI (une ONG catholique
33 Créée en 1968 qui est
déjà intervenue au Sénégal au milieu des
années 1980 en soutenant des projets locaux de developpement rural.
![](Les-migrants-senegalais-en-Italie57.png)
53
basée à Milan), l'école de construction
réputée de Seriate (à proximité de
Bergame), les deux principales associations d'entreprises de bâtiment, la
chambre de commerce et la fondation Communità Bergamasca. Le
projet avait pour but de former, en deux ans, des maçons
qualifiés et semi-qualifiés au Sénégal. Les 70 ou
80 meilleurs stagiaires devaient se rendre en Italie et s'insérer dans
le marché du travail de la province. Toutefois, avec le système
de quota établi par la loi Bossi Fini de 2002, ces travailleurs
émigrés potentiels n'ont pas pu quitter le
Sénégal.
Dans les années 90, l'ONG ACRA a coordonnée un
projet reliant le développement des banques d'épargne et de
crédit des différentes régions. Elle a
bénéficié du concours de l'ONG sénégalaise
OFADEC et de la Banque Coopérative de Treviglio, impliquée dans
les démarches initiées par le centre d'accueil de Bergame et
consistant à faciliter l'accès des migrants au crédit
bancaire. L'appui de cette banque est visible avec sa politique de fixation de
taux d'intérêt et de frais bancaires plus bas. Le projet portait
sur la création de trois réseaux régionaux de
crédit pour les organisations paysannes avec 27 banques rurales locales
; 18 ont été effectivement créées pour un total de
3000 bénéficiaires. Près de 500 émigrés
étaient impliqués dans le projet ,20 d'entre eux ont suivi des
cours de formation en aide et en développement bout du compte, trois
projets de retour pour l'entreprenariat ont été financés
par un fonds de solidarité créé grâce au programme.
Mais les relations entre les associations d'émigrés et les
banques locales n'ont pas été des plus fluides. Il a
été noté de nombreuses difficultés de transmission
du savoir --faire relatif au système de crédit et à la
définition précise des rôles dévolus aux
différents acteurs (Mezzeti 2003).
C'est probablement pour ces raisons que l'ONG ACRA semble
désormais plus encline à investir dans des projets comme celui
mentionné plus haut avec Gerundo qui n'impliquent plus les associations
d'immigrés. La création de micro-entreprises et de joint
ventures avec des entreprises italiennes constitue un autre champ
d'investissement. Par exemple, une joint venture a été
créée à Dakar grâce à 75% du capital fourni
par un consortium de coopératives sociales de Turin (Idea Ambiente) et
25% par sept (7) des 18 banques rurales. Elle se veut un modèle
précurseur d'une
![](Les-migrants-senegalais-en-Italie58.png)
54
entreprise sociale autosuffisante dans laquelle italiens et
sénégalais partagent également les risques (Meduri
cité par Castagnone 2003 ; Mezzeti 2003).
Durant ces dernières années, l'ACRA semble, de plus
en plus, engagée dans des méthodes participatives de mise en
oeuvre de projets de développement.
La région de Lombardie joue un rôle important
dans l'aide accordée au Sénégal dans la mesure où
elle soutient dix projets et que 80% des ONG italiennes proviennent de cette
même région. Avec la formation technologique, l'aide à la
formation de joint ventures entre les entreprises
sénégalaises et italiennes fait figure de formules prioritaires
de réalisation de la coopération économique avec le
Sénégal. Toutefois, l'on doit souligner la faible implication des
associations d'immigrés sénégalais. Le fait de n'avoir pas
été impliqué dans des projets génère un
sentiment de frustration chez les immigrés34.C'est pourquoi
il est difficile de ne pas poser la question de savoir au service de qui se
fait le développement dont il est question dans ces projets (Crewe et
Harrison 1998).
Afin de mieux rendre visible et utile les projets
financés, la nécessité de surmonter certains obstacles
subsistent.
B : Les contraintes à surmonter
Elles sont d'ordre financier, politico-institutionnel et socio
culturel.
Au plan financier, il importe de renoncer à la
politique d'aide au retour qui institue la remise de la carte de séjour.
Le financement accordé aux migrants ayant décidé de
retourner dans son foyer de départ pourra être mis à profit
de façon judicieuse. En effet, en lui permettant de se déplacer
entre le lieu d'accueil et le pays de départ, on assure qu'il pourra
identifier les créneaux économiques rentables, neutraliser les
pressions sociales, choisir des partenaires fiables, chercher des financements
additionnels. Sous ce dernier rapport, il lui sera possible de disposer de
capitaux importants, de ne plus se lancer dans des investissements de faible
envergure dans le
34 Des projets réalisés par la suite,
par l'ONG COOPI (Ceschi et Stocchiero 2007), ont tenu compte de cette
insuffisance et ont tenté d'y remédier en considérant les
migrants comme partenaires du programme.
![](Les-migrants-senegalais-en-Italie59.png)
55
secteur du commerce et des services, de réussir le
transfert de technologie qui l'un des préalables aux montages de
joint-ventures.
Le financement de l'investissement tenté par les
autorités des pays d'accueil n'a pas été accompagné
par des mécanismes institutionnels partagés. Il s'agit souvent
d'options politiques décidées par les pays d'accueil. Le cadre
institutionnel de mise en place des investissements de retour a
été élaboré de manière unilatérale
sans la participation des émigrés. La mise en place des
investissements requiert un processus participatif qui identifierait les
logiques du migrant investisseur potentiel dont l'articulation avec les
politiques de retour est indispensable. Le montage institutionnel doit
être à la fois le fait des pays d'accueil et des pays de
départ. Ceci est d'autant plus nécessaire que les
émigrés sont souvent peu préparés à
l'entreprenariat.
Le dynamisme d'une économie locale inscrite le plus
souvent dans l'informel pose problème au même titre que les
idées reçues. Les représentations locales assimilent le
migrant à un nanti qui ne perçoit par sa réinsertion
professionnelle dans le travail manuel. Est mise de ce fait en veilleuse
l'expérience de l'émigré dans les secteurs de la
navigation maritime, de la fabrication des chaussures, de la tannerie
etc....
Dans tous les pays du monde, les migrants sont
considérés comme de principaux acteurs dans le
développement de leurs pays d'origines.
![](Les-migrants-senegalais-en-Italie60.png)
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