Section II : Les stratégies d'implications dans
la société
Les sénégalais sont réputés pour leur
capacité d'insertion (paragraphe I) et leur présence dans toutes
les régions du pays (paragraphe II).
Paragraphe I : Les pratiques d'insertion de
l'émigré sénégalais
Les migrants sénégalais s'insèrent dans
le tissu social du pays d'accueil grâce aux réseaux de
solidarité pour l'hébergement (A). L'Italie est la preuve, si
besoin en était le pays ou l'accès à l'emploi (B) n'est
pas assez difficile pour le sénégalais.
A : Accès au logement et à
l'hébergement
L'entrée dans les pays d'accueil n'est qu'une
première étape dans le processus d'insertion migratoire. Les
émigrés sénégalais en Italie s'insèrent,
résident et travaillent grâce aux réseaux migratoires
organisés autour de diverses sociabilité ethnique, familiale,
confrérique et professionnelle.
Le problème de logement se pose à tous les
migrants résidant en Italie. Dans différentes régions, les
propriétaires de biens immobiliers et des agences publiques rechignent
à louer ou à vendre des appartements aux migrants. Cette
réticence procède, en grande partie, du racisme des citoyens
italiens.
Ainsi, au sud de la côte de la Romagne, par exemple,
personne ne voulait louer un appartement aux sénégalais
(Riccio 1999). Dans un contexte de discrimination sur le marché du
logement, ces derniers rencontrent plus de problèmes que les autres
groupes
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d'immigrés. Cela est souvent dû à
l'idée selon laquelle la promiscuité est la règle de vie
de ces migrants.
Les migrants sénégalais évoquent le prix
élevé du loyer immobilier pour justifier le fait qu'ils
accueillent de nombreux hôtes durant l'été. Sous ce
rapport, c'est de façon itérative qu'on fait
référence à la téranga29
sénégalaise. Ebin prend en compte toutes ces données quand
elle déclare que « les conditions de vie de promiscuité
parmi les migrants pourraient sembler relever du manque de moyens, mais les
valeurs liées à la sociabilité et à la vie
communautaire comptent également dans le fait qu'un nombre excessif de
personnes puissent occuper un espace ».
L'hébergement des groupes de sénégalais pris
en charge de façon institutionnelle, est géré par des
agences et des organisations caritatives.
La médiation des travailleurs sociaux entre les
migrants et les institutions de la société d'accueil rencontre
parfois des difficultés. Parmi elles, on note l'ambigüité de
l'autorité locale, qui ne se penche sur les problèmes du logement
des migrants qu'en cas d'urgence, ce qui crée chez ces derniers un
sentiment d'abandon qui atteint son paroxysme avec les opérations de
déguerpissement frappant les occupants de maisons où
régneraient d'après les autorités sanitaires locales, des
conditions d'hygiène inacceptables, ou encore avec l'exécution,
par les travailleurs sociaux, de projets de déplacement de groupes de
migrants. Un cas célèbre est celui de l'hôtel de Via Lecco
à Rimini connu même au Sénégal pour ses mauvaises
conditions d'hygiène et d'entassement des occupants (120
résidents au lieu de 35).
Dans les grandes villes comme Turin (Carter 1997 ; Castagnone
et al.2005) ou Milan (Sinatti 2000), des chercheurs notent la dispersion des
établissements résidentiels de sénégalais, ce qui
semble s'expliquer par l'affaiblissement des liens de solidarité souvent
attribué aux stratégies de migration et d'hébergement des
sénégalais.
Donc, une fois en terre italienne, le migrant est aidé
pour son insertion dans le marché de l'emploi par les réseaux
multiformes.
29 Mot wolof qui signifie hospitalité
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B : L'insertion dans le marché du
travail
L'Italie est la preuve si besoin en était, du
rôle clef de la recherche d'opportunités comme déterminant
du choix des destinations : opportunité de vivre et de travailler en
priorité. Les migrants sénégalais s'insèrent dans
le tissu social du pays d'accueil grâce aux réseaux d'accueil
organisés autour de sociabilité ethniques, confrériques,
familiale et professionnelle.
Le commerce de rue est exercé par certains migrants sur
l'ensemble du territoire italien. Ayant tendance à baisser, il perd de
son importance dans l'économie informelle. Cette pratique commerciale
constitue, dans certains cas, une stratégie de survie à la
périphérie du marché formel du travail et, dans d'autres,
un emploi lucratif. Le commerce de rue fonctionne comme une activité
d'attente ou un emploi saisonnier la où existe un réseau de
vendeurs. C'est le cas de Brescia, sur la côte de l'Emile Romagne
(Ravenne et Rimini) et sur celle de la Toscane. Les nouveaux arrivants
sénégalais trouvent sur place un système de vente et des
grossistes disposés à leur fournir les marchandises et à
leur enseigner les techniques de vente (Schmidt di Freiberg 1994 ;Scidà
1994).
Aujourd'hui, grace à la loi n°40 du 25 Juillet
1998, la régularisation de l'auto emploi a créé un
impressionnant accroissement d'entrepreneurs sénégalais. Les
données de 2004 indiquent, en effet, que les sénégalais
employés constituent 64,6% de la communauté des migrants, alors
que 19,5% sont leurs propres employeurs30.
Parallèlement au commerce de rue, les
télés centres, les restaurants et la filière artisanale
semblent devenir les secteurs où les sénégalais inventent
leur avenir en Italie. Les données d'Infocamere datant de 2004
dénombrent 9696 entreprises gérées par des
sénégalais, dont 1292 en Lombardie et 604 à Milan. En
Emile Romagne, dans la province de Ravenne, avec 253 entreprises, les
sénégalais sont la première communauté
étrangère créatrice d'auto emploi et détiennent 19%
des entreprises (Provincia di Ravenna).
30 Source Caritas 2004.
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La majorité des sénégalais ont cependant
été intégrés de façon
régulière dans beaucoup de petites entreprises en tant que
soudeurs, maçons, ouvriers, mécaniciens, peintres du
bâtiment. Beaucoup ont trouvé des emplois par
leurs propres démarches ou grâce àleurs
compatriotes avec lesquels ils entretiennent des relations de parenté ou
d'amitié.
Certains ne regrettent pas d'avoir abandonné le
commerce de rue, surtout au cours de ces dernières années ou la
question des activités commerciales non autorisées est devenue
l'objet d'un débat assez vif en Italie (Riccio 1999). Cependant, on
rencontre souvent des sénégalais extrêmement
critiqués lorsqu'ils évoquent leurs conditions de travail.
L'insertion différenciée dans le marché du
travail est observable à l'échelle des provinces d'accueil des
migrants. A Bergame et Brescia où le tissu industriel est assez
dense, l'ouvrier sénégalais est en voie de
devenir un personnage public respecté (Scidà2002).Son
insertion dans le marché du travail passe par l'occupation d'un emploi
à
faible qualification dans de petites et moyennes entreprises
industrielles et de construction. Ils expriment la satisfaction d'avoir appris
un métier qui comporte parfois un certain degré de qualification,
prennent conscience de l'importance de leur engagement dans une voie de
formation professionnelle hors de leur portée dans l'environnement de
départ.
Les migrants sénégalais montrent l'exemple d'une
intégration satisfaisante dans la mesure où ils se trouvent dans
toutes les régions du pays.
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