2.1.4 Mesurer l'apprentissage dans le musée
Si l'apprentissage est primordial dans le musée, il est
évident que la façon de le mesurer l'est tout autant. La plupart
des études utilisent les comptes-rendus de visite pour
caractériser l'apprentissage. (Lefebvre & Lefebvre, 1993 ;
Dufresne-Tassé, Lapointe, Morelli, & Chamberland, 1991).
Janet Gail Donald (1991), propose de résumer les
critères qui sont utilisés pour
opérationnaliser l'apprentissage dans les musées.
La mesure de l'apprentissage dans un musée
est la plupart du temps réalisée avec deux
indicateurs : le pouvoir de rétention (holding
power : le temps passé par les visiteurs devant
un objet comparé au temps minimal) et le
pouvoir d'attraction (attracting power : pourcentage de
visiteurs qui s'arrêtent devant un
objet). L'auteur précise que pour les éducateurs,
les mesures plus utilisées sont :
- le temps consacré à la tâche
(Time On Task) : le temps passé sur une tâche a
un effet avéré sur l'apprentissage : passer plus de temps
engendre plus d'apprentissages. (Peterson, Swing, Stark, & Waas, 1984,
cité dans Donald, 1991)
- les connaissances acquises (Knowledge
Gain) : une mesure plus simple consiste à quantifier les
connaissances acquises à la sortie de la visite, cependant certains
auteurs, tel Kool (1985) (cité dans Donald, 1991) notent que
l'apprentissage dans le musée est également perturbé par
les conditions d'exposition (foule, présentation de l'exposition)
- la pensée et résolution de
problème (Thinking and Problem Solving) : ce
critère représente les activités réalisées
dans le musée : expériences réalisées avec les
objets, manipulations dans le musée, interactions avec les autres
visiteurs. L'auteur précise que ce type de mesure est beaucoup plus
difficile à réaliser.
- les motivations et attitudes
(Motivation) : La motivation est en enjeu important dans
l'apprentissage au musée, puisqu'on l'a vu, la stimulation pour
l'exposition semble être la principale solution pour améliorer
l'apprentissage. Cependant, elle n'est pas le reflet de l'apprentissage (cf.
étude de Kool, 1985), Donald précise donc qu'on ne mesurera pas
ici l'apprentissage, mais plutôt la disposition à apprendre.
- la créativité et le sens
(Creativity or Intellectual Provocation) : il s'agit de
déterminer dans quelle mesure le musée permet un gain en
créativité et en stimulation intellectuelle. Ici encore,
l'évaluation est difficile à réaliser. Cette dimension de
l'apprentissage au musée est fortement reliée à
l'expérience et à l'agréabilité de la visite.
Il est intéressant de voir ici comment peut s'observer
l'apprentissage dans un musée. On note que les principales mesures
utilisées sont celles qui concernent le temps (temps consacré
à la tâche et pouvoir de rétention). Ce sont en effet les
plus faciles à quantifier au niveau méthodologique.
A cet effet, on pourra opposer le point de vue de
Dufresne-Tassé : (Dufresne-Tassé, 2010) si le visiteur passe du
temps devant un objet, rien ne prouve que c'est pour le comprendre ; le
visiteur peut réfléchir à toute autre chose. C'est
pourquoi Dufresne-Tassé prône davantage l'étude du
fonctionnement psychologique du visiteur. L'auteur propose un système de
grilles visant à étudier le comportement et le fonctionnement
psychologique du visiteur. Pour l'auteur, ces mesures servent avant tout
à étudier les relations entre les intentions des concepteurs
d'exposition et la visite du musée : le but est d'arriver à
améliorer le musée et à le rendre plus adapté au
visiteur. On voit donc ici qu'il peut être plus représentatif de
tenir compte de l'expérience du visiteur plutôt que de la
connaissance supposée acquise.
En considérant le fait que le visiteur choisit ce qui
l'intéresse dans l'exposition en modulant son parcours de visite selon
son intérêt, on remarquera une mesure de l'apprentissage
consistant à identifier si le visiteur a bien été
intéressé par quelque chose en particulier . Les auteurs
définissent les notions de point-découverte : «
Avez-vous découvert quelque chose que vous ignoriez ? » et
point-surprise : « Quel est l'élément de
l'exposition qui vous a le plus frappé ? » (Eidelman & Van
Praët, 2000). Le point-découverte caractérise un endroit
d'apprentissage, alors que le point surprise caractérise une zone
attractive. On voit que ces mesures sont donc à mettre en lien avec les
notions de knowledge gain et d'attracting power.
|