2.1.3 Les méthodes pour améliorer
l'apprentissage
Partant du constat que l'apprentissage réel n'est pas
toujours le reflet des informations proposées par le musée, la
question va être de définir ce qui pourrait améliorer
l'apprentissage dans le musée. Cette problématique est centrale
dans le champ de la psychologie cognitive appliquée au musée :
comment rendre le musée plus efficace ?
On a vu différentes sortes d'obstacles à
l'apprentissage : problème de questionnement du visiteur, manque de
stimulation, et mauvaise conception des expositions. L'enjeu va donc être
de voir quels critères pourraient être améliorés. La
plupart des méthodes proposées le sont initialement pour les
enfants ou adolescents, mais certains auteurs étendent le sujet aux
visiteurs adultes.
Un des premiers objectifs va être la
stimulation dans le musée. A cet effet, Michel Allard (1993),
propose une série d'activités, visant à faire du visiteur
un véritable acteur ; Allard choisit de s'intéresser à la
tranche d'âge la moins représentée dans les musées :
les adolescents. Il propose pour cela une revue des études qui
présentent des résultats positifs sur l'apprentissage, la
motivation ou l'intérêt. Les résultats démontrent
que le concept central est celui de la participation : le visiteur doit
être rendu actif, il ne doit pas se contenter de regarder passivement
l'exposition.
Quatre types d'activités sont dégagés :
1°) Des jeux de questions/ réponses : l'adolescent
doit trouver des réponses dans le musée.
2°) L'adolescent doit animer, présenter auprès
du public, comme s'il était membre du musée.
3°) L'adolescent est chargé de concevoir une
exposition pour ses pairs.
4°) Le musée propose de prêter des livres ou
objets aux adolescents afin qu'ils organisent une exposition en dehors du
musée, dans le cadre scolaire par exemple.
Selon la revue de Michel Allard, ces types d'activités
sont ceux qui fonctionnent pour intéresser les visiteurs adolescents, on
voit ici que le maître-mot est la participation active dans le
musée. A cet effet, l'auteur cite Ivan Illich : «nous apprenons le
plus souvent grâce à notre insertion dans un milieu actif et dont
l'activité a un sens. C'est en se mettant «dans le bain» que
la plupart des gens apprennent le mieux» (Hannoun, 1973 cité dans
Allard, 1993).
Un autre paramètre important pour Michel Allard est de
tenir compte des amis, en effet, les adolescents viennent souvent
accompagnés, la plupart du temps en visite scolaire, dans les
musées, c'est pourquoi il est important d'impliquer tous les membres du
groupe.
L'enjeu dégagé par Michel Allard est ici de
donner un sens plus grand à la visite : rendre le visiteur
participant, partenaire du musée, faire de la visite un moment de «
cheminement personnel », partie intégrante d'un processus, «
que celui-ci soit d'ordre intellectuel, émotif ou purement
esthétique », tout en tenant compte « de ses
intérêts, de ses goûts, de ses motivations » (Allard,
1993). Pour l'auteur, si ces constats ont fait l'objet d'études
rigoureuses, on ne peut néanmoins pas affirmer qu'ils ne soient
applicables qu'aux adolescents.
Ron Ritchhart (2007), propose de créer un concept de
« culture de pensée » lors de la visite guidée du
musée, c'est-à-dire une expérience collective dans
laquelle la pensée est l'élément central. Pour l'auteur,
il y a un enjeu très important pour les médiateurs de
musée de créer une culture de pensée pour que la visite
bénéficie davantage aux visiteurs. Créer une culture de
pensée consiste à stimuler le visiteur et, comme
précédemment, donner un sens à la visite, les composantes
sont : (Ritchhart, 2007)
- Provoquer des attentes : stimuler le visiteur en expliquant ce
qu'il va voir.
- Exploiter les ressources du musée : comparer des objets
exposés côte à côte, par exemple.
- Utiliser au mieux le temps (en réalité trop
court pour s'imprégner des objets), en effectuant des rappels par
exemple (A quel autre objet cet objet vous fait-il penser ?)
- Inciter les visiteurs à utiliser le musée comme
une ressource personnelle : source d'inspiration pour dessiner ou pour
entreprendre une activité...
- Créer des habitudes au cours de la visite : toujours
commencer par la description de l'objet, respecter un ordre défini.
- Favoriser le langage : encourager des discussions sur les
objets, fournir des explications.
- Utiliser l'espace de façon à favoriser les
interactions : s'asseoir en cercle, créer des activités.
- Encourager les interactions.
Pour l'auteur, c'est grâce à ces composantes que
la visite pourra être profitable aux élèves. Rendre la
visite plaisante en stimulant les élèves est donc l'objectif
principal des méthodes pour améliorer l'apprentissage.
Devant le constat que la plupart des musées canadiens
et américains ont établi leur parcours de médiation de
façon intuitive, sans tenir compte des connaissances des théories
pédagogiques, de nombreux modèles de l'apprentissage
muséal ont été développés. Un modèle
est proposé par le Groupe de recherche sur l'éducation et les
musées (GREM) (Université du Québec, Montréal), les
principes préconisés pour une visite de musée sont :
- « Prévoir des activités propres
au musée » : organiser des activités
différentes des
activités scolaires, propres au musée.
- « Viser l'atteinte d'objectifs
diversifiés » : élargir le concept de
connaissances ; développement de concepts, d'habiletés.
- « Favoriser la cueillette d'informations
» : Eviter une surcharge d'informations qui aboutirait
à de faibles apports, il faut considérer que
l'élève ne pourra pas tout voir.
- « Inciter l'élève à
une participation active » : La participation active rend
l'apprentissage plus efficace, selon une étude de l'Industrial
Audio-Visual Association (Cloutier, 1974, cité dans Boucher, 1991).
- « Conférer un aspect ludique aux
activités. » : organiser des jeux pour rendre
l'expérience du musée plus agréable. (Boucher, 1991)
Les méthodes pour l'apprentissage des adultes
:
Si la plupart de ces méthodes visent le public des
enfants, il n'est néanmoins pas exclu que ces constats soient valables,
dans une certaine mesure, pour les visiteurs adultes. A cet effet, André
Lefebvre (1991) a analysé des comptes-rendus de visiteurs adultes, avec
différentes conditions de visites ; cette étude a proposé
aux visiteurs d'assumer le rôle de guide pour leurs pairs, avec l'aide
d'une personne-ressource. Comme les modèles le préconisent, les
résultats démontrent que : la participation active augmente
l'intérêt et l'implication personnelle, le groupe favorise
l'apprentissage grâce aux échanges, les visiteurs se sentent
motivés par le principe de visite guidée par les pairs.
L'expérience de guide a également
été source de difficultés avec notamment
l'appréhension de parler en public. Cependant, les avis sont globalement
très positifs sur cette visite.
On notera un résultat en particulier : il semble
important de préparer sa visite, avec pour témoignage le
commentaire d'un sujet d'une étude, « J'ai eu l'impression
d'apprendre plus de choses lors de la visite du Vieux Montréal
qu'ailleurs parce que je m'y étais bien préparée. J'avais
même lu une histoire de Montréal durant la semaine
précédent la visite. »
Les témoignages récoltés par l'auteur
sont donc en accord avec les méthodes proposées pour augmenter
l'intérêt chez les enfants dans les musées : Lefebvre
conclut en disant que la participation active semble avoir un effet important
sur l'apprentissage.
Linn (1983 cité dans Donald, 1991) suggère
également d'organiser les expositions de façon à ce
qu'elles stimulent l'intérêt pour le sujet plutôt que de
présenter une connaissance trop détaillée. Le but du
musée selon cet auteur doit être de donner envie
d'apprendre, plus que d'apprendre. L'apport du musée dans cette
perspective n'est plus un apprentissage mais une motivation, une envie durable
de découverte. On citera Kenneth Hudson (1993, cité dans Gob
& Drouguet, 2003) : « Le musée ne saurait enseigner ; en
revanche, il peut créer une atmophère qui donne envie
d'apprendre. »
Pour certains auteurs, l'un des critères
nécessaires à l'apprentissage dans le musée est de
faciliter la compréhension générale du thème et du
parcours de l'exposition. Wolf (1981, cité dans Samson, 1992) propose
que soit établi un « parcours conceptuel » pour le visiteur,
McManus (1989, cité dans Samson 1992) détermine six conditions
susceptibles d'encourager la réception du message de l'exposition
(satisfaire les interrogations, faciliter l'adhésion au thème,
concision...). Le but est de faciliter le parcours du visiteur pour le rendre
plus facilement assimilable.
La dimension participative est donc importante pour
l'apprentissage, mais on voit également que la composante
émotionnelle avec la question d'une dimension plaisante, est
centrale.
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