V.2.2.4 Voix criée et stabilométrie
Dans un autre mémoire d'orthophonie, sont
comparés les résultats stabilométriques d'étudiants
en médecine et de personnes dysphoniques, yeux ouverts et pieds nus,
dans trois situations: sans production vocale, avec un «a» tenu
normal, et plusieurs «a» en voix criée151.
Les conclusions de cette étude montrent que, chez tout
individu, la voix criée perturbe le système postural. En effet,
parmi la population des étudiants en médecine, la LFS
(correspondant à une dépense d'énergie accrue) augmente
proportionnellement à l'effort vocal demandé152. Chez
les sujets dysphoniques en revanche, toute émission vocale perturbe le
système postural comme s'il s'agissait d'une voix criée. Ces
résultats ont été confirmés par la suite par
d'autres études, explicitées ci-après. Par ailleurs, le
centre de gravité semble plus à droite chez les dysphoniques, et
plus à gauche chez les témoins.
149Giovanni, A., Op. cit. p36.
150La Macchia E. (2005), Modifications posturales en
relation avec le forçage vocal: études expérimentales sur
des sujets sains, Mémoire d'Orthophonie, Université de la
Méditerranée, Ecole d'Orthophonie de Marseille.
151Paviot H., Roudil C. (2000), Etude de l'équilibre
corporel chez des sujets atteints de dysphonie, Mémoire
d'Orthophonie, Université Claude Bernard, Lyon1.
152Une augmentation de l'effort vocal semble également
avoir un effet d'antériorisation du centre de gravité mais ces
résultats ne sont pas statistiquement significatifs.
V.2.2.5 Conclusions des études portant sur la voix
projetée
Finalement, ces études basées sur la voix
projetée, mettent en relief les liens qui unissent la phonation et la
posture. Ainsi, nous avons évoqué le rôle
prépondérant de la stabilisation du tronc et de la tête
pour la phonation. Puis nous avons explicité les corrélations
entre possibilités vocales et douleurs rachidiennes. Enfin, nous avons
vu que tout effort vocal perturbe l'équilibration, que ce soit chez des
sujets sains en voix criée, ou chez des sujets dysphoniques pour toute
émission.
V.2.3 dysphonie dysfonctionnelle et
stabilométrie
Nous allons maintenant aborder les études posturales
réalisées en présence de pathologies vocales
avérées.
V.2.3.1 Équilibre et dysphonie153
Lapauze, dans son mémoire d'orthophonie, a
comparé les données stabilométriques de sujets
tout-venant, avec ceux de sujets dysphoniques (dysphonie dysfonctionnelle
simple). Cette étude confirme celle citée
précédemment et la complète. L'équilibre des sujets
dysphoniques est effectivement maintenu au prix d'un surcoût
énergétique. Mais ce surplus de dépense d'énergie
n'apparaît que lors des séquences où l'information visuelle
est absente ou altérée. Par conséquent, la perturbation du
geste vocal constitue un trouble de la somesthésie suffisamment
important pour que l'information visuelle soit surinvestie. Cette
dépendance visuelle devient parfois telle qu'elle peut
générer ses troubles posturaux propres.
Par ailleurs, lorsque la fonction phonatoire est
perturbée, l'équilibration est perturbée également,
et ce dans la situation la plus simple (c'est-à-dire sur plate-forme
statique, les yeux ouverts). En revanche, lorsque la fonction phonatoire est
saine, l'équilibration s'en trouve améliorée, et ce dans
la situation la plus difficile (à savoir en phonation sur plate forme
mobile, les yeux fermés).
En résumé, la dysphonie est corrélée
à des troubles posturaux et elle
153Lapauze A. (2008), Peut-on perdre l'équilibre en
forçant sur sa voix? Etude sur les liens entre la voix et
l'équilibre à partir d'une analyse sur plate-forme de
posturologie et de logiciels mathématiques, Mémoire
d'Orthophonie, Université de Nice.
semblerait liée à une défaillance du
capteur visuel. De plus, chez les sujets dysphoniques, toute production vocale
majore les troubles de l'équilibration, alors que chez les sujets non
dysphoniques, la phonation améliore les résultats
stabilométriques.
Néanmoins, cette dernière affirmation est
contredite par une étude de Bruno et coll.154. En effet, ces
chercheurs ont constaté une augmentation des oscillations, de la LFS et
de l'écart-type de la vitesse de déplacement du centre de
gravité, en phonation les yeux fermés, par rapport à la
situation yeux ouverts. Ces augmentations sont significatives chez les sujets
dysphoniques autant que chez les sujets témoins.
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