IV La Posture
IV.1 Linguistique et historique
IV.1.1 Repères linguistiques
Avant d'aborder la description du système postural
d'aplomb, un peu de linguistique semble nécessaire. L'équilibre,
la posture, la stabilité, l'aplomb, l'attitude, tous ces termes relatifs
au fait de « se tenir debout » ne relèvent pas des mêmes
réalités.
En physique, on parle d'équilibre lorsque les forces
sont alignées, égales et opposées ce qui ne peut se
concevoir pour un corps humain « dont toutes les parties sont
douées d'activité »118. L'équilibre est
donc un état de repos, relatif, résultant de forces qui se
compensent mutuellement. En outre, le verbe « être » est un
verbe d'état. Un corps est en équilibre ou non. L'Homme, lui, n'
« est » pas en équilibre mais cherche sans cesse cet
état où les forces en jeu s'annulent par des ajustements
successifs: c'est ce qu'on appelle la stabilité.
En effet, la stabilité est « l'état d'un
solide qui tend à revenir à sa position initiale lorsqu'il en est
écarté »119. Le terme stabilité offre donc
une souplesse que n'a pas l'équilibre puisque l'équilibre est
binaire alors que la stabilité peut s'exprimer de multiples
façons différentes. Ainsi, les deux
statokinésigrammes120 ci-contre représentent les
projections successives du centre de gravité d'un sujet, projections qui
restent à l'intérieur du polygone de sustentation et signent donc
un soit-disant état d'équilibre. Cependant, le premier
enregistrement est normal, alors que sur le second, la personne a
exploré les limites de sa stabilité. Le posturologue
s'intéresse donc à la stabilité plus qu'à
l'équilibre, idéal rarement atteint.
118 André Thomas in Gagey P.-M., Weber B., et coll.
(2004), Posturologie Régulation et dérèglements de la
station debout, 3ème édition, Paris: Masson, p9.
119Ibid. p15. 120Ibid. p14.
Deux statokinésigrammes (d'après Gagey)
121
Si l'on revient à des définitions
mécaniques, les deux forces opposées qui s'exercent sur le corps
debout sont la gravité et la force de résistance à la
gravité. Et ces deux forces sont en permanence contrariées par
les stimulations venant de l'environnement et de l'organisme lui-même.
Car, même lorsqu'on ne bouge pas, notre organisme n'est jamais totalement
immobile. Flourens (1830) a nommé cet état debout au repos:
<< aplomb ». Selon le dictionnaire Le Robert, l'aplomb est
l'<< état d'équilibre du corps reposant sur ses membres
». Gagey et Weber parlent donc de << système postural
d'aplomb » permettant l'activité de stabilisation du corps.
Mais en quoi l'étude de l'aplomb présente-t-elle
un intérêt puisqu'elle s'intéresse à l'homme debout
au repos, alors que l'homme est le plus souvent en mouvement? La
définition du Littré apporte un premier élément de
réponse: l'aplomb << se dit, en physiologie, et de la
répartition régulière du poids du corps sur les membres et
de la direction la plus favorable de ceux-ci considérés comme
supports pour le soutien du tronc et l'exécution des mouvements du corps
». L'aplomb est donc nécessaire à la préparation de
tout mouvement. On peut faire un parallèle avec l'expression <<
tous à vos postes » qui pourrait se traduire par <<
tenez-vous tous dans une posture qui vous place en position d'effectuer un
mouvement ». La posture c'est la position du corps dans l'espace, c'est la
<< manière dont on pose, tient le corps, la tête, les
membres » d'après la définition du Littré.
Il faut également différencier la posture de
l'attitude. Lorsque le mouvement est figé par le peintre ou le sculpteur
par exemple, on parle d'attitude. << Attitude,
121Gagey P.-M., Weber B., et coll., p14, Op. cit. p62.
d'origine, est un terme d'art relatif au beau [...] >,
d'après le Littré, là où le Robert explique que
c'est la « manière de tenir son corps >,. Ces deux
définitions, bien que d'apparence différente, font
référence à un phénomène social. On dit
« avoir une bonne/mauvaise attitude >, pour un comportement social,
alors que « être dans une bonne/mauvaise posture >, est
plutôt relatif à l'action qui s'annonce. On oppose donc la posture
relative au mouvement, à l'attitude relative à la pose (comme
chez le photographe).
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