La métamorphose de l'état de droit comme processus de consolidation de la paix chez Emmanuel Kant. Une lecture du projet de paix perpétuelle( Télécharger le fichier original )par Michel Kakule Kabunga Université de Kinshasa - Licence 2009 |
Conclusion partielleLa pensée politique kantienne tire ses racines dans les événements historiques qui l'ont vu naître, entre autres les Lumières, la Révolution française. Cette pensée s'inspire profondément de la philosophie de Jean Jacques Rousseau, surtout quant à sa conception de l'état de nature caractérisé par la barbarie. Toutefois, Kant ne développe pas de l'aversion vis-à-vis de l'état de nature. Loin s'en faut, car cette violence, cette sauvagerie, cette guerre de l'état de nature est le fondement même de l'état qui assure la paix à travers l'instauration de l'Etat de droit entre les citoyens d'une nation, des Etats situés les uns à côté des autres, des citoyens de différents Etats. Et, s'il faut clore ce chapitre avec Eric Weil : « La violence initiale a fondé l'Etat, condition première de toute moralité ; la même violence est à l'oeuvre aujourd'hui, et c'est d'elle qu'on peut attendre la conversion des Etats et de leurs chefs à la raison, à la liberté, à la justice, à la paix »67(*). Somme toute, étant donné que la liberté individuelle est encline à la turbulence, à la guerre, Kant conçoit, dans son Projet de paix perpétuelle, les conditions qui faciliteraient le vivre-ensemble harmonieux mondial d'après les normes du droit, en partant de l'Etat à la confédération des Etats jusqu'à l'Etat cosmopolitique. Ce passage de l'Etat à l'Etat cosmopolitique constitue l'épine dorsale de notre deuxième chapitre qui traite de l'impérativité de l'état civil et ses différentes manifestations. Chapitre deuxième :LES FORMES DE L'ETAT CIVILII.0. IntroductionL'homme, dans l'état de nature, n'offre pas de garantie du « vivre-ensemble pacifique ». Ceci fait que le vivre-ensemble est perpétuellement menacé. Il faudrait donc instituer une communauté légale. Ce postulat est le socle des articles définitifs pour la paix perpétuelle entre les Etats. En fait, selon Kant, l'état de paix doit être institué. Il correspond à l'état civil et naît de la dialectique entre la paix et la guerre qui se traduit en ces termes : « l'état de paix entre les hommes vivants côte à côte, n'est pas un état de nature (...) celui-ci est bien plutôt un état de guerre ; sinon toujours une ouverture d'hostilité, cependant une menace permanente d'hostilités. Cet état de paix doit être institué ; car le fait de ne pas faire la guerre ne constitue pas une garantie et si cette dernière n'est pas fournie par un voisin à l'autre voisin (...), l'un peut traiter l'autre qu'il a sommé à cette fin, en ennemi »68(*). L'institution de l'état civil est un impératif. Car, « tous les hommes qui peuvent agir réciproquement les uns sur les autres doivent relever d'une constitution civile quelconque »69(*) qui peut être établie soit « d'après le droit civique (...) des hommes, dans un peuple (...) ; d'après le droit international (...) des Etats les uns par rapport aux autres (...); d'après le droit cosmopolite en tant que des hommes et des Etats dans des conditions d'influences extérieures réciproques, doivent être considérés comme citoyens d'une cité humaine universelle (...) »70(*). Les trois articles définitifs du Projet de paix perpétuelle se lisent respectivement : « Dans tout Etat, la constitution civile doit être républicaine »71(*), « Le droit des gens doit être fondé sur un fédéralisme d'Etats libres »72(*), « Le droit cosmopolite doit se restreindre aux conditions de l'hospitalité universelle »73(*). Le Principe de base qui préside à la division de ces articles réside dans la tripartition du droit public. Ce dernier se subdivise en droit civil, droit des gens et, c'est ici l'innovation que Kant apporte à la subdivision classique du droit, le droit cosmopolitique. Cette subdivision tripartite du droit est une inspiration qui, selon Louis Guillermit, répond à des catégories de quantité : « un Etat, plusieurs Etats, tous les Etats »74(*). C'est cette subdivision qui fonde notre présent chapitre qui portera successivement sur le Républicanisme comme première manifestation de l'état civil, la fédération d'Etats libres comme deuxième manifestation de l'état civil et, enfin, le droit cosmopolitique comme troisième manifestation de l'état civil. * 67 E. WEIL, Problèmes kantiens, p. 130. * 68 E. KANT, Projet de paix perpétuelle, p. 13. * 69 Ibid., p. 14 (note). * 70 Ibidem. * 71 Ibid., p. 15. * 72 Ibid., p. 22. * 73 Ibid., p. 29. * 74 L. GUILLERMIT, Le droit des gens selon Rousseau et Kant, in Cahiers d'études germaniques, p. 111. |
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