Le patrimoine est étymologiquement défini comme
l'ensemble des biens hérités du père (de la famille, par
extension)12. Selon le dictionnaire de politique, le patrimoine est
l'héritage commun d'un groupe ou d'une collectivité qui est
transmis aux générations suivantes. Il peut être de nature
diverse : culturel, historique, linguistique, monumental.
Le patrimoine en tant qu'héritage est constitué
par un ensemble de biens dont une personne (physique ou morale) est titulaire.
Il inclut aussi les droits et actions s'y rapportant. Lors du
décès d'une personne, on désigne l'ensemble du patrimoine
du défunt qui fait l'objet d'un partage par le mot "héritage" ou
encore par l'expression "masse successorale".
C'est le philosophe Henri Bergson qui eut l'idée
d'étendre la notion de patrimoine culturel en participant en 1921
à la naissance de la Commission Internationale de la Coopération
Intellectuelle (CICI), ancétre de l'UNESCO.
Au départ, l'expression patrimoine culturel
désignait principalement le patrimoine matériel (sites, monuments
historiques, oeuvres d'art...). L'UNESCO a établi en 1972 une liste du
patrimoine mondial, composée de plusieurs centaines de sites dans le
monde.
Pour aborder ce concept, nous allons retenir la
définition donnée à la conférence
générale de l'Organisation des Nations Unies pour
l'éducation, la science et la culture, réunie à Paris du
17 octobre au 21 novembre 1972, en sa dix-septième session. En effet,
l'article 1er de la convention de l'UNESCO de 1972 considère
comme patrimoine culturel :
- Les monuments: oeuvres architecturales, de sculpture ou de
peinture monumentales, éléments ou structures de caractère
archéologique, inscriptions, grottes et groupes
d'éléments, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du
point de vue de l'histoire, de l'art ou de la science.
- Les ensembles: groupes de constructions isolées ou
réunies, qui, en raison de leur architecture, de leur unité, ou
de leur intégration dans le paysage, ont une valeur universelle
exceptionnelle du point de vue de l'histoire, de l'art ou de la science.
- Les sites: oeuvres de l'homme ou oeuvres conjuguées
de l'homme et de la nature, ainsi que les zones y compris les sites
archéologiques qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de
vue historique, esthétique, ethnologique ou anthropologique.
12 Pinoche J. 1992 et Dictionnaire de droit privé de
Serge Braudo
Il désigne donc un ensemble d'éléments
liés à la culture par opposition à la nature13.
On peut alors noter qu'il existe plusieurs sortes de patrimoines culturels
à savoir : le patrimoine culturel matériel mobilier (peintures,
sculptures, monnaies, instruments de musiques, armes, manuscrits...), le
patrimoine culturel immobilier (monuments, sites archéologiques...), le
patrimoine culturel subaquatique (épaves de navire, ruines et
cités enfouies sous les mers...), le patrimoine culturel
immatériel (traditions orales, arts du spectacle, rituels...), le
patrimoine naturel (sites naturels ayant des aspects culturels tels que les
paysages culturels, les formations physiques, biologiques ou
géologiques...).
Au fil des années, la communauté internationale
a oeuvré pour la prise en compte du patrimoine culturel
immatériel considéré comme partie intégrante du
patrimoine culturel. Dès lors, a vu le jour une conception du patrimoine
culturel prenant en compte les communautés et les groupes en tant
qu'acteurs principaux de ces formes immatérielles ou vivantes du
patrimoine. Ces formes englobent ainsi les traditions et expressions vivantes
héritées de nos ancêtres et à transmettre à
nos descendants (traditions orales, arts du spectacle, rituels,
festivités, savoir et savoir faire...).
Inspirée de cette définition, la loi congolaise
N°8-2010 du 26 juillet 2010 Portant protection du patrimoine national
culturel et naturel définit le patrimoine national culturel comme
l'ensemble des biens meubles et immeubles qui, à titre religieux ou
profane, revêtent un intérêt pour l'histoire, l'art, la
science et la technique14.
De nos jours, l'importance du patrimoine culturel
immatériel n'est plus à prouver ; elle réside dans les
valeurs intrinsèques et dans le sentiment d'appartenance à une
identité qu'il confère. Ce patrimoine établi donc un lien
entre la passé, le présent et le futur ; il favorise les
échanges et le dialogue interculturels. Sur le plan purement
socio-économique, le patrimoine culturel immatériel
présente l'avantage de maintenir la cohésion sociale et le
dialogue débouchant ainsi sur un développement local durable.
A contrario, il faut noter que, cette richesse
immatérielle est menacée et mise en danger par des
phénomènes tels que la mondialisation,
l'homogénéisation culturelle, le manque de considération
du patrimoine qui le rend insignifiant et le dévalorise... Dans le
mème sens, sa pérennisation et sa transmission présentent
des lacunes du fait de l'exode rural, de l'urbanisation ou l'extinction des
sachants, dépositaires du savoir et du savoir faire. Partant de ce fait,
l'UNESCO travaille, depuis 1973, à la recherche des solutions de
sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. En effet, la question de
la protection du patrimoine culturel immatériel a été
posée pour la première fois par la Bolivie en 1973. Depuis lors,
l'UNESCO n'a cessé de ménager des efforts pour trouver des
solutions à ce problème ; dans ce sens, elle a proclamé
entre 2001 et 2005, 90 éléments du patrimoine oral et
immatériel dans le but de marquer une sensibilisation internationale et
protection supplémentaire à ce patrimoine. Il s'en est suivi une
prise de conscience en faveur de la sauvegarde de cette immense richesse et
pour couronner le tout, l'UNESCO a adopté en 2003 « la convention
pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel » ;
véritable instrument juridique obligeant les Etats signataires à
un respect strict et rigoureux de ce genre de patrimoine. La convention de 2003
prévoit, à cet effet, les mesures de protection et de
pérennisation du patrimoine immatériel.
Enfin, il faut avouer qu'il est incontestablement vrai que le
patrimoine culturel revèt une importance capitale en
ce sens qu'il
constitue une composante essentielle de la particularité des peuples et
des communautés; une
13 Frier (L), Droit du patrimoine culturel, PUF, 1997,
526p
14 Article 2 de la loi N°8-2010 du 26 juillet 2010 Portant
protection du patrimoine national culturel et naturel.
référence intangible à leur
identité culturelle et civilisationnelle. Pour exister, chaque peuple a
besoin de témoigner de sa vie quotidienne, d'exprimer sa capacité
créatrice, de conserver les traces de son histoire. Le patrimoine
culturel est l'instrument de ce va et vient entre le passé et le
futur15. Il s'impose, de plus en plus, comme un domaine dont
l'intérêt grandit à mesure que grandit la recherche de
ressources économiques nouvelles. Le patrimoine vit, s'enrichit au fil
du temps, se réorganise surtout, car ce qui plaît aujourd'hui
n'est pas ce qui attirait hier. Dans nos pays de traditions, la formation
à distance et l'utilisation des ressources numériques n'ont pas
vocation à détruire le passé. Il s'agit plutôt de
créer aujourd'hui ce que seront les traditions de demain, en s'appuyant
sur les trésors des cultures prenant leurs racines dans la nuit des
temps. Le patrimoine culturel est une composante de l'identité
culturelle des communautés, groupes et individus, et la cohésion
sociale, de sorte que sa destruction intentionnelle peut avoir des
conséquences préjudiciables sur la dignité humaine et les
droits de l'homme16.