I-4 Efficacité de l'Aide en termes de
réduction de la pauvreté
Longtemps le débat sur l'efficacité de l'aide
s'est toujours focalisé sur son impact sur la croissance. De plus en
plus la relation entre l'aide et la réduction de la pauvreté
revêt une grande importance.
Pour comprendre l'effet de l'aide sur la réduction de
la pauvreté, certains auteurs ont évoqué son impact sur la
croissance économique Selon eux, si l'aide contribue à la
croissance et que la croissance contribue à la réduction de la
pauvreté, alors l'aide permet de lutter contre la pauvreté.
Cependant, ce raisonnement repose sur l'hypothèse que l'aide n'a pas
d'effet direct sur la pauvreté et que son effet passe essentiellement
par la croissance. Cette approche est remise en cause par les résultats
d'un certain nombre d'études, qui soulignent un effet direct de l'aide
sur des indicateurs de développement humain, ou encore un effet indirect
qui passe par d'autres canaux que celui de la croissance. Ainsi par exemple,
Burnside et Dollar (1998) analysent l'effet de l'aide sur la baisse de la
mortalité infantile, un indicateur de bien être des populations
très fortement corrélé aux niveaux de pauvreté et
dont les données sont disponibles pour de nombreux pays. Leur
étude économétrique suggère que dans un bon
environnement de politiques économiques, l'aide permet de réduire
la mortalité infantile7. Gomanee et al. (2003)
mettent en évidence une influence positive de l'aide sur l'indicateur de
développement humain et sur la réduction de la mortalité
infantile, effet qui passe par le financement de dépenses publiques
favorables aux plus pauvres. Il faut toutefois rappeler que des
résultats sensiblement différents ont été mis en
évidence par Mosley et al. (1987) et Boone
7 Toutefois, l'analyse de Hudson et Mosley (2001)
suggère au contraire que la contribution marginale de l'aide a la
réduction de la mortalité infantile est plus importante dans un
mauvais environnement de politiques économiques.
(1996), dont les analyses économétriques
suggèrent l'absence d'effet de l'aide sur la mortalité infantile.
Enfin, Kosack (2003) souligne que l'aide n'a d'effet sur l'indicateur de
développement humain que dans les régimes
démocratiques.
En définitive, l'on retient de ce qui
précède que les auteurs s'accordent dans une moindre mesure
l'impact positif de l'aide sur la réduction de la pauvreté,
même si cela n'est pas direct et exige qu'il y ait une bonne
gouvernance.
I-4-1 Aide et la géographie dans la lutte contre la
pauvreté
Collier et Dollar (2001, 2002) développent un
modèle d'allocation d'aide dont l'objectif est de maximiser la
réduction de la pauvreté. Leur modèle se fonde sur deux
idées : (i) l'aide a un effet positif sur la croissance dans les pays
ayant mis en place de bonnes politiques économiques (Burnside et Dollar,
1997, 2000) ; et (ii) la croissance entraîne une réduction de la
pauvreté (Ravallion et Chen, 1997 ; Dollar et Kraay, 2000). Le coeur de
leur analyse réside alors dans l'idée suivante : « pour
maximiser la réduction de la pauvreté, l'aide devrait etre
allouée aux pays ayant de graves problèmes de pauvreté et
de bonnes politiques économiques » (Collier et Dollar, 2002 :
1482).
L'allocation géographique de l'aide qui permet de
maximiser la réduction de la pauvreté est identifiée par
les auteurs en égalisant, pour tous les pays receveurs, le nombre de
personnes sortant de la pauvreté grace à un dollar
supplémentaire d'aide. Pour procéder à cet exercice de
maximisation de la réduction de la pauvreté par l'allocation
d'aide, Collier et Dollar ont mesuré d'une part l'effet marginal de
l'aide sur la croissance et d'autre part l'effet de la croissance sur la
réduction de la pauvreté.
1-4-2 Mesure de l'effet de la croissance sur la
réduction de la pauvreté
Pour calculer l'allocation de l'aide qui maximise la
réduction de la pauvreté, des mesures du niveau de
pauvreté et de l'élasticité de la pauvreté par
rapport à la EMITEMMIdEIreMEE sont nécessaires. Collier et
Dollar mesurent la pauvreté par la proportion de la population vivant
avec moins de 2$ par jour. Ils font d'autre part l'hypothèse d'une
élasticité constante de la pauvreté par rapport à
la croissance, identique pour tous les pays et égale à 2 (la
valeur médiane de l'élasticité obtenue par Ravallion et
Chen (1997) pour les pays de leur échantillon)8.
L'hypothèse
8 Collier et Dollar testent la sensibilité de
leurs résultats par rapport à la mesure de la pauvreté et
à la valeur de l'élasticité qu'ils retiennent, en
utilisant d'autres mesures de la pauvreté et des
élasticités propres à chaque pays. Toutefois,
ils obtiennent des allocations optim ales très
corrélées quelles que soient les mesures retenues. Beynon (2003)
remarque toutefois
12
d'élasticité constante et égale à
2 pour tous les pays est toutefois simplificatrice et tend à favoriser
les pays très inégalitaires (Beynon, 2003) - dont les taux de
pauvreté sont plus élevés pour un niveau de revenu par
habitant donné. En effet, certains auteurs ont mis en évidence
que la valeur absolue de cette élasticité dépend
positivement du revenu par habitant et négativement de
l'inégalité initiale des revenus (Bourguignon, 2000 ; Heltberg,
2001). Or, si l'élasticité de la pauvreté par rapport
à la croissance est plus faible dans les pays très
inégalitaires, ceux-ci devraient recevoir relativement moins d'aide,
puisqu'alors l'aide est moins efficace en matière de réduction de
la pauvreté. En outre, l'analyse de Collier et Dollar fait
l'hypothèse que l'élasticité de la pauvreté par
rapport à la croissance ne dépend pas de l'aide elle-même
et que l'aide n'a pas d'effet direct sur la pauvreté.
C»est-à-dire que l'aide est neutre en termes de distribution des
revenus. Or il peut sembler paradoxal de chercher à réduire la
pauvreté en allouant l'aide sur la base d'une méthode retenant
l'hypothèse que l'aide n'a pas d'effet propre sur la distribution des
revenus et sur la pauvreté, autre que celui qui passe par la croissance
des revenus. Ce point est souligné par Guillaumont (1999, 2000).
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