III - 2 - 2 Evasion, La Tranche des Poètes
La tranche des poètes est celle de l'émission
Evasion (vendredi 20H - 21H). C'est la tranche où les amoureux
échangent de petits mots doux par la double entremise d'un animateur et
de la radio. Ces petits mots sont présentés sous forme
poétique ou prosaïque. Posons ici, notre regard sur un de ces
textes envoyés par une auditrice. Un texte qu'elle dédie à
son prince charmant :
« Encore une fois
J'aimerais tant gémir
Encore une fois
Sous tes caresses
J'aimerais tant jouir
Encore une fois
De ta tendresse
J'aimerais tant frémir
Encore une fois
De plaisir
J'aimerais tant sentir Encore une fois La douceur de ta
peau. J'aimerais tant poser Encore une fois Ma tête sur ta
poitrine poilue
Cette poitrine que j'ai tant aimée.
J'aimerais
Encore une fois La toucher
La caresser La couvrir de baisers Et comme une
folle Au monde entier
J'aimerais tant crier L'amour que pour toi j'ai. »
Des textes de cette trempe, il en défile des dizaines
au fil des émissions. Comme on peut le constater, ces textes, dont nous
venons de citer un exemple, ne sauraient se prévaloir d'une grande
qualité littéraire. Cependant on y perçoit des efforts de
recherche d'une certaine esthétique dans l'utilisation de la langue.
Ainsi dans le texte ci-dessus, on perçoit la récurrence
anaphorique du membre de phrase : « J'aimerais tant... » auquel la
répétition du titre «encore une fois » donne un cachet
particulier en ponctuant comme un refrain chaque vers. Il en résulte que
sans prétendre être un cadre de recherche littéraire
véritable, cette émission co - produite avec les auditeurs -
auteurs, s'apparente à un «cercle de poètes » en herbe
des ondes.
Il ne fait aucun doute pour nous que la littérature
apparaît en filigrane dans les émissions sus mentionnées.
Toutefois les reportages et les contes du soir paraissent plus
élaborés d'un point de vue littéraire.
~~~- 2 - 3 Le Reportage... Une Littérature Sonore
?
Le format radiophonique où l'on use de toutes les
ressources langagières et de tous les sens est sans nul doute le
reportage.
Le reportage qui est la chasse gardée de ceux qu'on
appelle communément »reporters» s'il est entendu qu'un
reporter est avant tout un journaliste. Mais sûrement un journaliste de
type particulier que Philippe GAILLARD présente en ces termes :
« Le reporter est un témoin ou un
enquêteur. Il assiste aux événements prévus, il
s'efforce de rétablir la succession des faits d'un
événement fortuit. Mais c'est un témoin professionnel, un
enquêteur qui doit des comptes au public et non à une quelconque
administration »9 .
La définition de Philippe GAILLARD présente le
reporter dans sa tâche quotidienne d'observation et d'interrogation aux
fins d'établir un rapport. Dans l'établissement de ce rapport, le
reporter fait appel à ses sens afin de rendre
9 Techniques du
journalisme, Philippe GAILLARD, coll. Que sais-je ? ,
P.U.F., 1985, P.54
«palpable» ou tout au moins sensuel ce dont il rend
compte. Les auditeurs étant supposés ne pas avoir
été sur les lieux du reportage, il fait fonction de ce que
d'aucun appelle «le cadreur de la radio ».
Résultat : le reportage est diffusé dans un
style simple mais s'appuie sur les techniques de la description, de la
narration, du dialogue... Le reporter décrit des sensations touchant la
vue, l'odorat, le goût ou le toucher. Il a recours aux comparaisons, aux
adjectifs, aux adverbes, aux bruits... pour «accrocher » l'auditeur
et l'amener à l'illusion qu'il est transporté sur les lieux, et
qu'il vit l'événement. Au besoin, il le guide dans l'espace en
s'appuyant sur des repères (lieu connu de tous ou supposé connu,
les points cardinaux, les adverbes : à gauche, à droite, devant,
derrière, à côté de...).
Ce reportage que nous avons (personnellement)
réalisé au mois de décembre 2001 pour le compte de la
R.D.S. pourrait être une illustration de nos propos :
« En travers de la chaussée, un véhicule vert
à la carrosserie défoncée et l'aile gauche froissée
comme une feuille de papier.
La ligne discontinue est en partie recouverte de sang, d'huile de
palme, de maïs, de gari et de débris de verre.
Plus loin, sur la gauche, un champ de manioc en partie
dévasté.
Ici, quelques policiers tentent de réorganiser la
circulation devenue subitement difficile.
C'est le visage que présente le quartier
Vodougbé un quart d'heure après qu'un véhicule de
transport en commun s'y soit renversé en voulant se soustraire à
un contrôle syndical. Le chauffeur qui n'avait pas payé sa taxe
syndicale a voulu prendre de vitesse les contrôleurs syndicaux, lorsqu'il
aperçut sur la chaussée un obstacle. Voulant l'éviter, il
quitta la chaussée, se fraya un passage dans le champ de manioc
voisin.
Au moment de reprendre la chaussée, le véhicule
se renverse sur le côté, roule avant de s'immobiliser en travers
de la chaussée. Les occupants du véhicule, trois
commerçantes et une ménagère sont évacuées
au centre hospitalier d'Aného. Là, entre deux soins, dans une
forte odeur d'alcool et de sang le médecin répond à nos
préoccupations :
-« Il y a un cas grave, celui d'une passagère qui
présente un traumatisme crânien. Quant aux deux autres, il y en a
une, qui a une double fracture à la jambe gauche et la troisième
a des blessures superficielles ».
-« Mais il y avait cinq personnes à bord du
véhicule, docteur ? »10
-« Oui, il y a eu un décès sur-le-champ et le
chauffeur est indemne. »
Dans ce reportage fait d'un texte à la fois descriptif
et narratif mais aussi d'un insert (extrait de l'interview du médecin),
on a l'impression de se retrouver dans une pièce de théâtre
où l'auteur peint le décor, raconte une scène avant de
donner la parole à certains acteurs.
L'auditeur qui écoute un reportage pareil, a
l'impression de voir la scène se dérouler sous ses yeux. De
même, il a l'impression d'être l'interlocuteur du
médecin.
Il arrive que pour décrire, le reporter se serve
d'extrait sonore (ce que nous appelions plus haut insert) qui évoque un
objet, une situation... ce que nous appelons dans le jargon journalistique,
à juste titre peut - être, «la photographie sonore » :
bruit de voiture ou de Klaxon en background d'une interview pour
«montrer» à l'auditeur que l'interview s'est faite dans la rue
par exemple.
Le reporter peut intégrer à son intervention des
extraits de sons enregistrés au préalable. Ces extraits, il les
intègre à son propos pour produire cohérence et
cohésion mais aussi rechercher et produire un beau discours. Dès
lors il ne fait aucun doute que plus qu'un simple compte - rendu, le reportage
se révèle une création littéraire. Mais une oeuvre
littéraire appartenant à une littérature d'un type
nouveau. Une littérature qui s'appuie sur les subtilités de la
langue notamment les comparaisons et les mots connus de tous, mais aussi sur le
son. Des sons qui évoquent ou suggèrent des
réalités connues de tous.
Bref, le reportage s'apparente à de la
littérature avec la particularité d'être à la
portée de tous. Pour peu qu'on soit instruit mais pas forcément
de l'élite. Mais cette littérature n'est point consignée
dans un ouvrage de sorte que l'auditeur pas le lecteur (puisque c'est bien
à des auditeurs que le reporter s'adresse) puisse retourner en
arrière pour ré - écouter (pas relire) une partie qui lui
échappe. Une littérature d'un type nouveau qui s'appuie sur le
son : la voix, la musique et le bruitage. Peut - être conviendrait - il
de parler de littérature sonore ?
10 Question du journaliste lors de l'interview
insérée dans le reportage.
III - 2 - 4 A L'antenne comme... le soir au village
Dans cette partie que nous consacrons aux contes, nous posons
notre regard sur l'usage que la R.D.S. fait du patrimoine culturel Guin. Pour
ce faire, l'émission qui nous intéresse n `est autre que «
Les contes du soir ».
« Les contes du soir » sont une émission
hebdomadaire d'une heure, diffusée les samedi de 20H à 21H en
MINA, une langue parlée dans le sud du Togo et du Bénin. Soit une
aire géographique un peu plus vaste que la zone de couverture de la
R.D.S.
Au sujet de cette émission, nous parlerons des textes
et de la technique stylistique.
|