Chapitre I : L'innovation : un processus
complexe
Cycle d'innovation et approches théoriques
A/ Définitions :
Il convient de donner certaines définitions à
l'innovation avant de s'intéresser aux différentes phases de son
cycle. Nous retenons ainsi les trois définitions tirées du manuel
d'Oslo publié en 1997 par l'OCDE qui témoignent
l'évolution du concept d'innovation et permettent de le mieux
appréhender :
L'innovation technologique (sens
restrictif) : le manuel d'OSLO distingue les innovations de produits
et l'innovation technologique de procédés. Les
premières tiennent en la mise au point de la commercialisation d'un
produit plus performant dans le but de fournir aux consommateurs des services
objectivement nouveaux ou nettement améliorés : les
innovations des procédés sont « la mise au point de
l'adoption des méthodes de production ou la distribution nouvelles ou
notablement améliorées ».
- L'innovation au sens du manuel
d'OSLO ; retenue dans les comparaisons internationales cette
définition est plus large que la précédente ; elle ne
se limite pas aux seules innovations technologiques mais exclut
néanmoins les modifications mineurs d'ordre strictement
esthétique, ainsi qu'une bonne partie des innovations
organisationnelles. une innovation se caractérise par :
· L'introduction sur le marché du produit (bien ou
service) nouveau ou nettement modifié au regard de ses
caractéristiques fondamentales, de ses spécifications techniques,
des logiciels incorporels ou tout autre composant immatériel, de
l'utilisation prévue ou de la facilité d'usage (...) les
changements de conditionnement ou d'esthétique sont exclus des
innovations de produits.
· Ou l'introduction dans l'entreprise d'un
procédé de production, d'une méthode de fourniture de
service ou de livraisons des produits nouveaux ou nettement modifiés"
· L'innovation globale : cette
dernière acceptation ajoute à la précédente les
changements organisationnels (externalisation ou internalisation des
activités, nouveaux modes de gestion, ...) ces derniers permettent en
effet d'améliorer sensiblement la qualité des services rendus et
d'en optimiser le processus de production.
En général on peut résumer les points
essentiels du cycle de l'innovation comme suit :
- la création d'idées
- la gestion du portefeuille d'idées.
- La mise au point des produits et procédés
- La mise en oeuvre.
- La diffusion de l'innovation
- Le retour de l'information
B- Approches théoriques :
1- Relation innovation -croissance :
Avant de s'intéresser aux différentes
théories qui nous montrent comment l'innovation est
privilégiée pour maintenir la croissance et la
compétitivité, il est souhaitable au préalable de
définir les différents acteurs qui mettent en jeu les relations
de l'offre et la demande de l'innovation.
Ø Acteurs de l'offre et la demande :
La demande de l'innovation émane de différents
acteurs :
- les dirigeants de la recherche : ce sont ceux pour
lesquels l'innovation leur permet de justifier les crédits
reçus.
- Les chercheurs : cette demande est liée à
des raisons purement mercantiles.
- Le public : en tant que client, il estime que la
recherche doit mener l'innovation et permettre ainsi d'améliorer
l'existence. Le public est apte à investir dans la recherche dans la
mesure ou cette mission est accomplie.
- Les agents " formateurs" : pour ceux-ci, l'innovation
consiste en un moyen de mettre en valeur les formations qu'ils dispensent.
- Les pouvoirs publics (état, collectivités
locales...) : en tant que synonyme de croissance et d'emploi,
l'innovation, pour ses acteurs, est un moyen et une source de recettes
budgétaires supplémentaires.
Quant à l'offre, elle émane de l'activité
même de ces différents protagonistes de la demande qui
déterminent ainsi le marché de l'innovation.
Ces différents acteurs sont à la base de la
demande d'innovation sur lesquels s'exercent des influences affectant le
rendement des facteurs de l'innovation. Ces influences peuvent
entraîner des dysfonctionnements. P.J Bernard et P.J Daviet les
définissent par le volume et la direction de l'effort de recherche
publique, la demande de nouveaux produits et la situation financière des
entreprises.
Ø Principales approches
théoriques :
De façon générale, ces différentes
théories expriment comment l'innovation est un moyen
privilégié pour accroître et maintenir les ventes et
permet ainsi de prendre les parts du marché des concurrents.
Pour cela, l'analyse économique a connu un réel
développement dans le domaine de l'innovation. Les pionniers de ces
recherches sont Joseph Schumpeter, pour lequel on traitera sa démarche
dans le point suivant, et Adam Smith puis les travaux des différents
auteurs comme ARROW, Solow,...
On peut distinguer 3 grands courants de
pensées :
ü La théorie de l'économie
industrielle : elle est basée sur des modèles de
comportement des firmes et d'équilibre des marchés
articulés autour de la concurrence par l'innovation.
ü La théorie de commerce international :
l'innovation technique est considéré, ici, comme une variable
centrale dans la localisation des activités et de la
compétitivité.
ü Les nouvelles théories de la croissance
endogène : elles considèrent le progrès technique
comme une variable endogène qui joue un rôle essentiel dans le
processus de la croissance.
En économie, la recherche est
considérée comme un investissement à caractère
risqué. Une même connaissance peut être utilisée,
dans une certaine mesure, sans aucune altération et simultanément
par un nombre quelconque d'agent, mais elle perd sa valeur économique
dès que lorsqu'un produit nouveau d'innovation apparaît. Cependant
les brevets permettent à l'innovateur d'avoir le monopole de
l'exploitation de son idée et d'en retirer ainsi des avantages.
L'efficacité d'un système économique passe par un certain
rythme d'innovation, ce qu'exige donc la protection des inventeurs. En effet,
la rémunération des découvertes issues de la recherche
appliquée à but économique est très attachée
au « secret » alors que les découvertes
fondamentales, à caractère purement scientifique, ne sont
reconnues que s'il y a publicité complète et large. D'où
l'existence d'une contestation entre la recherche appliquée et la
recherche fondamentale.
Ainsi, en tant qu'investissement, l'innovation donne lieu
à un calcul coûts-avantages à la différence d'un
investissement physique et en plus son coût (de l'innovation) est
indépendant du volume de la production. Ce coût est fixé ou
partiellement variable. En effet, il suffit d'avoir fait une découverte
pour qu'elle soit utilisable un nombre indéfini de fois sans coût
supplémentaire. Mais, le risque associé à l'innovation
est très important dans la mesure où sa performance est difficile
ex-ante car le produit ou le service nouveau modifie l'environnement qui
l'accueille.
Pour cela, la dimension et la nature spécifique de
l'incertitude associées à l'innovation forment le personnage de
l'entrepreneur selon SCHUMPETER qui souligne, dans son ouvrage « the
theory of economic development » (1912), qui souligne les
opportunités pour innover. Grâce à leur audace , ils
mettent en oeuvre des nouvelles combinaisons leur permettant d'accéder
à de nouveaux marchés, de produire de nouveaux produits, ...
Ainsi, l'esprit d'entreprise est un facteur de croissance et de dynamisme de
l'économie.
Le modèle de Schumpeter repose essentiellement sur des
hypothèses d'information et de nationalités limitées et
donc sur l'incertitude. Contrairement aux modèles endogènes, il
ne prend pas en compte le rôle des structures économiques et
sociales dans l'apparition et l'exploitation des innovations.
En effet, les théories de la croissance endogène
prennent en compte des variables et des comportements économiques tels
que les structures des marchés, les modes de relations entre les firmes,
les politiques d`éducation , les politiques publiques d'offre et de
demande de recherche pour expliquer l'innovation . Le savoir est
considéré comme un bien économique qui permet
d'éviter la décroissance des rendements marginaux. La loi de
rendements décroissants ne s'applique pas à la production de
croissance qui constitue une sorte de stock de savoir collectif qui entretient
le cercle vertueux d'une croissance soutenue via l'innovation. Comme nous
l'avons souligné précédemment, la croissance est un bien
partageable. D'où l'usage d'une croissance par un agent n'en interdit
pas l'usage simultané ou ultérieur sans altération par un
nombre quelconque d'agents économiques bénéficiant du
savoir produit par tous les autres. Cette diffusion des connaissances peut
expliquer, d'une certaine manière, l'existence des technopoles qui sont
des regroupements d'entreprises de hautes technologies et qui ont pour vocation
de créer un environnement propice pour l'innovation. Le rythme de
l'innovation est déterminé par le rendement
économique qu'il offre aux agents au même titre que le rythme de
l'accumulation du capital physique. Ainsi, les politiques publiques en faveur
de l'innovation peuvent , plus au moins , en affecter le rendement
économique.
De manière générale, les modèles
théoriques de croissance endogène placent l'innovation au coeur
de la dynamique économique en mettant l'accent sur les rendements
d'échelle c'est à dire plus le marché est important et
plus le rendement de l'innovation est important. Cela contribue ainsi
activement au cercle vertueux de la croissance. Adam Smith, dans son ouvrage
"la richesse des nations", considérait que la division du travail
était à la base de la productivité et suggérait
ainsi un schéma des déterminants de l'innovation technologique
induite par le savoir faire des ouvriers et le travail des savants et des
théoriciens.
En ce qui concerne les néoclassiques, leur vision est
fondée sur le mécanisme de l'accumulation. Le progrès
technique, l'innovation y ont considérés comme une variable
exogène autrement dit comme une donnée fixe. Le modèle de
base est le modèle de Solow (1957) : des facteurs de production
sont le capital (k) et le travail (L). ces facteurs ont une productivité
marginale (pmk et pml) décroissante c'est à dire l'adjonction
d'une proposition supplémentaire de l'un des facteurs, les autres
étant fixes, ne permet d'accroître la productivité que dans
une moindre proportion. Lorsqu'il n'y a pas le progrès technique, les
conséquences sont considérables puisque les rendements
étant décroissants, à partir d'un moment donné on
n'aura plus intérêt à investir et on est une accumulation
du capital. L'explication vient du progrès technique qui a deux effets
complémentaires ; un effet sur l'accroissement de la
productivité des facteurs de production (ket l) et un effet sur
l'augmentation de la productivité marginale du capital (pmk et pml). Il
restaure ainsi le rendement de l'investissement et maintient le processus
d'accumulation du capital.
Ce modèle place donc l'innovation comme un
élément indispensable à la croissance mais il ne
l'explique pas.
A travers ces différents courants théoriques,
nous avons découvert que la croissance passait par l'innovation.
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