l'arbitrage et la promotion des investissements dans l'espace OHADA( Télécharger le fichier original )par Carole DONGMEZA NAWESSI Université Hassan II, Maroc - Master en droit des affaires 2008 |
CHAPITRE ILA RECONNAISSANCE ET L'EXEQUATUR DES SENTENCES ARBITRALES DANS L'ESPACE OHADA Deux types de sentences sont rendus dans l'espace OHADA. Celle issue de l'arbitrage institutionnalisé et celle issue de l'arbitrage ad hoc. La sentence arbitrale n'est exécutoire qu'en vertu d'une décision d'exequatur rendue par le juge compétent de l'Etat-partie selon l'acte uniforme, qui ne réglemente pas la procédure d'exequatur134(*). Par conséquent, c'est l'autorité nationale qui est compétente pour ordonner l'exécution de la sentence. Il est donc du ressort de chaque Etat partie. Nous illustrerons ce cas par la circulation des sentences arbitrales dans le Cameroun, pays membre de l'OHADA ayant ratifié la convention de New York sur la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères (section II). L'article 27 du règlement d'arbitrage de la CCJA, a autorité de la chose jugée et est appliquée dans les Etats parties au même titre que les décisions nationales, octroyant à la CCJA la tâche d'accorder l'« exequatur communautaire ». Il sera question ici de montrer de manière succincte le rôle de la CCJA dans la procédure d'exequatur de la sentence arbitrale au sein de l'OHADA (section I). Section I : l'exequatur des sentences arbitrales de la CCJALes sentences arbitrales rendues conformément aux stipulations du règlement d'arbitrage de la CCJA ont l'autorité définitive de la chose jugée sur le territoire de chaque Etat Partie au même titre que les décisions rendues par les juridictions de l'Etat. Elles peuvent faire l'objet d'une exécution forcée en vertu d'une décision d'exequatur. La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage a seule compétence pour rendre une telle décision, en vertu de l'article 25 du Traité. Cet article confère par conséquent à la CCJA un rôle dont la portée s'étend aux Etats membres. Elle est la seule compétente pour octroyer l'exequatur à la sentence arbitrale rendue en application du règlement d'arbitrage de la CCJA. §I-) l'exequatur communautaire La procédure d'exequatur est l'examen qui permet de délivrer la formule exécutoire à la sentence arbitrale. Or la formule exécutoire est d'ordinaire accordée au nom du Souverain. Au confluent du pouvoir judiciaire135(*) et du pouvoir exécutif136(*), elle est en quelque sorte la matérialisation de la souveraineté. Il était donc difficile de concevoir que même dans un espace communautaire impliquant des transferts de compétences par les Etats aux instances communautaires, on en arrive à organiser un exequatur communautaire. Nous allons donc parler tout d'abord des motivations (A) du législateur de l'OHADA à adopter un exequatur communautaire qui a une portée supranationale (B). A-) les motivations d'un exequatur communautaireLes intérêts en jeu ont conduit les rédacteurs du Traité à prévoir un exequatur communautaire. Le premier intérêt tient à l'économie de temps et de procédure pour celui qui vient poursuivre l'exécution forcée dans plusieurs Etats de l'OHADA (1). Le second intérêt tient à l'accomplissement de l'objectif premier de l'OHADA qui est l'harmonisation sans doute plus précisément l'unification (2). 1-) le souci de célérité dans le règlement des litiges commerciaux La règle de l'égalité entre les arrêts nationaux et communautaires ne joue pas pleinement en matière d'arbitrage, ce qui n'empêche pas la Cour de confirmer sa prééminence en matière arbitrale en déroulant sa compétence exclusive dans l'octroi de l'exequatur. La compétence exclusive de la Cour commune dans la procédure d'exequatur s'inscrit dans la logique de contrôle de l'adaptation du droit des affaires dans l'espace OHADA, car la promotion du recours à l'arbitrage comme mode de régulation des litiges d'affaires est conforme à l'objectif de captation des investissements137(*). Pour répondre à la demande de justice des agents économiques, les modes de règlement des litiges d'affaires doivent incarner la garantie d'une procédure rapide (temps économique oblige !) et d'une solution appropriée. Pour la CCJA, l'amélioration de la voie arbitrale semble offrir le meilleur indice d'attractivité en tant que modèle de justice. En effet, les décisions rendues par la CCJA dans sa procédure arbitrale sont directement revêtues de l'autorité de la chose jugée conformément à l'article 25 du Traité. 2-) Souci d'uniformisation de la jurisprudence En exposant les sentences de la CCJA à l'épreuve de plusieurs exéquaturs dans plusieurs Etats, il était à craindre par exemple que la même sentence soit rejetée comme irrégulière au Congo Brazzaville mais déclarée régulière et exequaturée au Gabon ou vice-versa138(*). Un autre intérêt est la volonté de démarquer le système d'arbitrage de la CCJA des systèmes existants. En l'état actuel du droit, aucun autre système d'arbitrage ne peut offrir un exequatur dont les effets dépassent le cadre territorial de l'Etat qui l'a délivré. Par conséquent, l'investisseur se sent en sécurité, ce qui réconfortera dorénavant ce dernier qui craignait la disparité du droit et de la jurisprudence dans cette région: «(...) Le même droit n'est pas applicable d'un pays à un autre, d'un tribunal à un autre. On ne tient pas compte de la jurisprudence. Et, généralement, nous sommes toujours les victimes de cette situation, c'est ce qui explique notre hésitation à continuer à investir. »139(*). D'autre part, l'exequatur de la CCJA a une portée supranationale. * 134 Commentaire de l'art. 30 de l'AUA, par Pierre MEYER dans « OHADA, Traité et Actes uniformes commentés et annotés », op. cit. p 131. * 135 C'est le résultat du pouvoir de juger, cité par Paul-Gérard POUGOUE, « le système d'arbitrage de la Cour Commune de justice et d'Arbitrage, l'OHADA et les perspectives de l'arbitrage en Afrique op cit, p 145. * 136 Il s'ensuit l'exécution forcée, qui mobilise le cas échéant la force publique, par POUGOUE op. cit. * 137Abdoullah CISSÉ, « L'Harmonisation Du Droit Des Affaires En Afrique: L'expérience De L'OHADA à l'épreuve de sa première décennie », revue internationale de droit économique, 2004, pp 197-225.p.210. * 138 Idem. * 139 Savoir accepter la pauvreté : Interview du Président Kéba M'BAYE, propos recueillis par François Katendi et Jean-Baptiste PLACCA, l'autre Afrique http://www.afrology.com/eco/kebam.html, cité plus haut dans l'introduction. |
|