La mobilisation des savoirs chez les retraités à travers la pratique bénévole.( Télécharger le fichier original )par Anne GOMETZ Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis - Master 1 sciences de l'éducation 2008 |
2.4.4 - Un exemple.L'exemple des Réseaux d'Echanges réciproques de Savoirs (RERS)71(*) me permet d'illustrer la question de la construction des savoirs à travers la pratique bénévole. Basés sur la réciprocité et l'entraide, les réseaux mettent en lumière cette présence de l'autre dans la réalisation des apprentissages. Cette pratique née à l'initiative de Claire et Marc Héber-Suffrin en 1971 à Orly postule la complémentarité des savoirs avec comme objectif de permettre à des citoyens de tous âges à travers un processus d'échange, d'accéder à des savoirs et savoir-faire divers. Dans les RERS, chacun apprend au cours de l'échange : sur l'objet de l'échange, pour le demandeur; sur le savoir avancé pour l'offreur qui apprend pour répondre aux questions qu'il se pose lui-même ou par le demandeur. Ici les participants facilitent la circulation des savoirs. À travers la relation de réciprocité demandeur/offreur, ce sont les modes d'apprentissage, les relations au monde et aux autres qui sont modifiées et participent à la transformation personnelle des sujets et donc à leur autonomie et émancipation. Par ailleurs, l'autre devient nécessaire dans cet acte d'apprentissage qui loin d'être un acte solitaire repose au contraire sur la nécessaire présence du collectif et la dynamique de l'échange. Les « RERS » favorisent à la fois l'émergence de savoirs nouveaux, la prise en compte de savoirs déjà existants et la certitude que tout le monde peut participer à la circulation des savoirs. Ils reprennent les grands thèmes chers à l'éducation populaire en valorisant les savoirs de l'expérience en dehors des cadres scolaires et universitaires, l'autoformation par la confrontation des façons d'apprendre, l'éducation de « chacun par chacun » à travers un système horizontal de partage des savoirs et favorisent l'apprentissage de la citoyenneté. Cet exemple montre que ces apprentissages en marge des systèmes dits formels, ne s'inscrivent pas dans un programme structuré d'acquisition de connaissances. Dans un article de Sociologie et sociétés, « Acquisition des savoirs et pratiques de groupe »72(*), Lave (1991) explique que la participation régulière des nouveaux venus à un groupe qui partage des pratiques communes les fait devenir progressivement des anciens. En plus d'apprendre, les participants acquièrent une identité et une compétence en étant membre du groupe. En effet, la perception de soi est modifiée par la transformation de la participation. Dan Ferrand-Bechmann (2000)73(*) mentionne par ailleurs, l'existence d'identités plus positives à travers des activités socialement utiles telles que le permet la pratique bénévole. Les nouveaux venus passent d'une « participation périphérique légitime » à une participation à part entière. Il ne semble pas qu'il y ait enseignement; l'apprentissage se fait au cours de la vie quotidienne, de façon improvisée, par la pratique continue. Ici l'évaluation des progrès réalisés par l'apprenti est directement visible à travers le travail lui-même, et il n'y a ni réprimandes, ni félicitations, ni directives, ni examens. D'emblée, les nouveaux ont une vision globale de l'ensemble de l'activité à réaliser ainsi que les nombreux exemples de travail de leurs pairs - les anciens - sous les yeux. * 71 Arnaud, B. & Giordan, A, (coordonné par) (2002) Rapport d'étude « Nature de l'engagement bénévole dans les Réseaux d'Echanges Réciproques de Savoirs et de formation. Les différents types de bénévoles dans les RER et les formations spécifiques ». sur www.Ides.unige.ch. * 72 Lave, J. (1991) Acquisition des savoirs et pratiques de groupe, Sociologie et sociétés, vol. XXIII (n°1), 145-162. Site : erudit * 73 Ferrand-Bechmann, D. (2000) Le Métier de Bénévole, Anthropos, Ed. Economica. |
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