La mobilisation des savoirs chez les retraités à travers la pratique bénévole.( Télécharger le fichier original )par Anne GOMETZ Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis - Master 1 sciences de l'éducation 2008 |
2.4.3 La nécessité de l'Autre dans la motivation et les apprentissages.Le rapprochement d'individus a priori distincts provenant de milieux socio-culturels différents, en somme « l'altérité devient source d'enrichissement personnel et collectif » (Claude Ferrand, 2008 : 23)60(*). La participation à une activité commune en milieu associatif nécessite de croiser des savoirs, et donc d'échanger, de négocier, d'apprendre l'un de l'autre. Il est un fait que les interactions multiples possèdent des effets transformateurs. Une des dimensions fondamentales du bénévolat est le rapport à autrui (Ferrand-Bechmann, 1992). « Le bénévolat est une relation d'aide, de service à autrui, à son prochain »61(*). Les multiples interactions relatives à la fréquentation du monde bénévole peuvent permettre le développement « d'un travail réflexif d'interprétation enrichi par le cadre collectif »62(*). Par exemple, le dépassement des conflits souvent présents dés qu'il y a collaboration autour d'une oeuvre commune, contraint à un recul réflexif qui est formateur, puisque la compréhension des situations sociales requiert des capacités « d'observation et d'analyse de soi et de l'autre »63(*). Ainsi Knowles (1990)64(*) identifie comme facteurs d'apprentissage de l'adulte, outre l'expérience à laquelle le sujet cherche à donner un sens et les situations auxquelles il est confronté, ses rencontres avec les autres. Le regard posé sur l'expérience et le fonctionnement des autres est un puissant levier qui incite à l'apprentissage. La confrontation à l'altérité, en sollicitant l'expérience du « sentiment d'ouverture-fermeture aux autres »65(*) interroge le sociocentrisme de l'individu et constitue en soi un apprentissage. Ainsi, la pratique et la participation à une activité favorisent la production des savoirs; interactions et communication intersubjective interviennent dans cette construction. Guylaine Racine (2000)66(*) examine la construction des savoirs d'expériences chez des intervenantes qui travaillent au sein d'organismes s'occupant de femmes sans-abri, et elle montre le rôle important de la communauté d'intervenantes dans les apprentissages réalisés. Dans un premier développement l'auteure évoque des formules que citent les intervenantes, telles que « apprendre sur le tas », « apprendre en étant dedans ». Une large place serait ainsi faite à la participation commune pour un même projet, et les échanges informels seraient les moments où elles auraient le plus appris. La place de la réflexion est centrale. L'apprentissage à travers la pratique est contributif d' « un processus d'analyse réflexive »67(*). Ceci n'est pas sans rappeler le sujet réflexif, maître de ses apprentissages cher à Kölb (1984). Et Balleux (2000) cite deux aspects du modèle d'apprentissage de Kölb (1984) : l'accent mis sur « l'ici et maintenant » et le processus de rétroaction qui relie trois facteurs : « l'expérience telle qu'est est vécue subjectivement par la personne dans des situations singulières, la compréhension de cette situation et la construction de savoirs à partir de ce contexte » (p. 271)68(*). Dans un deuxième développement de l'étude pré-citée, il est question de la réflexion à laquelle les pairs participent pour « transformer une expérience en un apprentissage » (p.78). L'auteure discerne quatre apports relatifs au collectif : le sentiment de sécurité que procure le groupe lorsqu'il faut intervenir, une fonction régulatrice de la subjectivité qui permet la prise de distance et de recul par rapport à l'expérience personnelle, la confrontation des différents points de vue qui en provoquant la déstabilisation oblige le sujet à se décentrer et donc à apprendre, le développement personnel fruit « du travail collectif qui favorise la critique et le développement de sa propre pratique » (p. 79). En accord avec Schön (1994)69(*), si réfléchir sur l'action permet de construire ses savoirs, l'étude de Racine (2000) met en évidence le rôle capital du collectif dans ce processus de réflexion. Par ailleurs, elle cite Pineau (1989 : 26) pour qui « la rupture dans l'expérience ouvre une brèche » (p.82). Des bruits nouveaux créent une nouvelle situation, nouvelle expérience source d'apprentissage. L'intérêt de cette étude est bien de montrer que la réflexion sur l'expérience est dépendante des interactions dues à la pratique commune. Ce point est également clairement identifié par Catherine Clenet (2006)70(*) pour qui les pairs « contribuent à la construction d'une identité d'apprenant autonome ». * 60 Ferrand, C. [dir.] (2008), Le croisement des pouvoirs. Croiser les savoirs en formation, recherche, action, Paris, Les Editions de l'Atelier/Editions ouvrières, Les Editions ATD Quart Monde. * 61 Op. Cit., Ferrand-Bechmann, 1992, p. 37. * 62 Op. Cit., Colin, 2007 * 63 Op. Cit., Colin, 2007 * 64 Cité par Boutinet, J-P, Carré, P., Kern, D. (2007), Op. Cit. * 65 Op. Cit., Colin, 2008. * 66 Racine, G. (2000) La production de savoirs d'expérience chez les intervenants sociaux. Le rapport entre l'expérience individuelle et collective, Paris, Editions L'Harmattan. * 67 Ibid., p. 74. * 68 Balleux, A. (2000) « Évolution de la notion d'apprentissage expérientiel en éducation des adultes : 25 ans de recherche », Revue des sciences de l'éducation, vol. XXVI, n°2, p. 263-286. * 69 Cité par Racine (2000). * 70 Clenet, C. (2006) « L'accompagnement de l'autoformation expérientielle », In H.Bézille 1 B. Courtois (dir.), Penser la relation expérience-formation. Lyon :Ed. De la Chronique Sociale, p.125. |
|