Le droit des communauté à un environnement sain( Télécharger le fichier original )par Boris TCHOMNOU Université de Limoges - Master II 2006 |
CHAPITRE IV :POUR UNE GARANTIE EFFICACE DU DROIT DESCOMMUNAUTES FORESTIERES A UN ENVIRONNEMENT SAIN.
S'il est vrai que les Etats de la sous région ont entériné dans leurs ordonnancements juridiques respectifs, non seulement le droit de l'Homme à l'environnement sain, mais aussi la gestion communautaire et décentralisée des ressources forestières qui permet de faire des populations locales de véritables acteurs du développement durable et de leur propre développement en particulier, il n'en demeure pas moins certain que les peuples forestiers de la sous région, voient leur droit à l'environnement sain remis en cause par l'exploitation industrielle et donc intensive ou non durable des ressources forestières. Ce constat soulève le problème de l'efficacité de la garantie du droit des communautés riveraines à l'environnement sain. En effet, s'assurer que les ressources forestières sont gérées de façon à éviter leur dégradation ou leur extinction et à garantir que les populations villageoises autochtones ou vivant dans la forêt pourront continuer à en tirer durablement leurs moyens de subsistance, doit être le principal objectif107(*) de tous les Etats forestiers et en particuliers des Etats de l'Afrique Centrale. A cet effet, nous allons consacrer le quatrième volet de notre étude à la suggestion des mesures qui visent la garantie efficace du droit des peuples forestiers de la sous région à un environnement sain. Il s'agit notamment de promouvoir la concrétisation de la démocratie participative en matière d'exploitation des ressources forestières (section I) et d'autre part, de faciliter l'accès des communautés forestières de la sous région à la justice en vue de la réparation de multiples violations de leur droit à l'environnement sain (section II).
Section 1 : Concrétiser la démocratie participative en matière d'exploitation forestière.
Toute exploitation des ressources forestières qui se veut soucieuse d'un développement socialement juste et écologiquement sain, ne saurait ignorer les exigences de la démocratie participative. En effet, cette forme de démocratie a été consacrée au plan international notamment par la déclaration de Rio de 1992 sur l'environnement et le développement (art.10), par l'Agenda 21; au plan régional par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981 (art.13) et reprise au plan sous-régional par la quasi-totalité des législations forestières des pays de l'Afrique Centrale. Mais seulement, l'application de la démocratie participative dans la sous région s'avère ineffective (voir section1 chapitre II supra). Pour pallier cette défaillance, nous proposons deux solutions : D'une part, l'adoption, par les Etats de la sous région, de certains mécanismes moins rigoureux et plus simplifiés en vue d'une participation active des populations riveraines au processus décisionnel (§ 1) et d'autre part, ces Etats doivent envisager des actions concrètes en faveur des communautés forestières pour une exploitation participative et efficace des ressources forestières (§ 2). § 1 : La participation active et nécessaire des populations forestières. Les peuples forestiers doivent pouvoir participer activement à la prise de décision, or dans les pays de la sous région, nombreux sont les cas où les décisions sont prises dans les centres urbains, loin de ceux qui en subissent les effets. L'adage « ce que vous faites pour moi, mais sans moi, vous le faites contre moi », trouve ici toute sa justification. En effet, la participation active peut être entendue comme la participation à travers laquelle, les populations riveraines prennent des initiatives indépendamment des institutions externes pour changer le système existant. Ces initiatives de mobilisation interne et d'action collective pourraient constituer ou non des défis pour la distribution de la richesse et du pouvoir. Pour ce faire, les populations doivent être considérées comme de véritables partenaires au même titre que les autres intervenants à la prise des décisions (A). Néanmoins, l'efficacité de la participation est conditionnée par l'adaptation des moyens d'information et de communication au niveau local (B).
A : Les populations forestières : partenaires et non auxiliaires au processus décisionnel. La dépendance directe des populations riveraines ou vivant dans la forêt, des ressources forestières pour sa survie, légitime de plein droit leur participation à quelque niveau que soit au processus de gestion des forêts. Ces communautés, semble-t-il, sont les mieux à même de déterminer les moyens les plus efficaces pour conserver et exploiter durablement les ressources de leurs forêts. De plus, la participation au niveau local est nécessaire pour adopter des décisions adaptées aux configurations locales qui sont définitivement mieux connues et appréhendées par ces populations, que par des experts extérieurs. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que l'une des conditions sous-jacentes et sine qua non à cette participation, est la reconnaissance des peuples forestiers par les Etats de la sous région, et notamment en tant que citoyens. Si les Etats refusent de les reconnaître, de leur conférer un statut juridique interne, comment pourraient-ils leur donner la possibilité de participer à une décision? Au-delà de cette condition préalable, les Etats doivent reconnaître et respecter entre autres les droits fonciers coutumiers, y compris dans le cadre des lois nationales, le droit pour les communautés riveraines villageoises, à une participation significative et équitable dans la définition du type de gestion forestière qu'elles souhaitent, y compris en offrant des solutions de remplacement à la production industrielle du bois. De plus, une distribution équitable du bénéfice des politiques de développement forestier devrait être mise en place de façon à ce que les populations dépendantes des forêts augmentent leurs revenus et soient plus activement impliquées dans le choix de l'utilisation de ces revenus. Par ailleurs, nous savons que la consécration de la notion de foresterie communautaire constitue l'une des principales innovations des lois forestières récemment adoptées par les pays de la sous région. Cependant sa concrétisation ou son opérationnalisation reste limité par la complexité de nombreux éléments techniques que comporte le dossier relatif à sa création. C'est dans le but de pallier cette difficulté que nous suggérons ce qui suit : D'abord, la réduction du temps et l'allègement du coût d'acquisition d'une forêt communautaire afin d'éviter le relâchement de l'intérêt des communautés pour les forêts communautaires. La prise en compte du contexte de pauvreté généralisée des populations locales lors de l'élaboration des outils et instruments juridiques de gestion durable des forêts communautaires. Ensuite, la notion de communauté ou village doit être juridiquement définie afin de mieux cerner la position de chaque composante et situer son niveau de représentativité et de responsabilité dans le processus. A cet effet, une définition établissant un compromis entre droit coutumier et droit moderne, sera la bienvenue. En plus de ce paramètre, la définition de cette notion doit être globalisante (regroupant et les villages, les quartiers et les campements des personnes vivant au coeur même de la forêt). Pour éviter bon nombre de conflits entre les habitants et les riverains de la forêt, les forêts communautaires particulières aux premiers doivent être considérées comme des concessions qui devront faire l'objet d'une attribution de titre foncier au nom de la communauté. Enfin, les avis émis par les populations lors des consultations relatives aux opérations de classement des forêts communales ou communautaires, devraient être conformes et non simplement facultatifs. S'agissant de la gestion des forêts communales, nous proposons que les pouvoirs concédés au niveau local en matière de gestion décentralisée des forêts ne soient plus concentrés entre les mains des gestionnaires des « excroissances locales de l'Etat ou des organisations instrumentalisées par les élites villageoises »108(*). Aussi, les personnalités politiques, militaires ou autres ne devraient pas profiter personnellement du secteur de l'exploitation forestière, ni en tant que détenteurs de concessions, ni lors des attributions de concessions, ni à travers des versements financiers officieux ou officiels, pour ouvrir la voie à l'exploitation illégale des forêts. Somme toute, quelles que soient les modalités envisagées, l'objectif de la participation est d'aboutir à un résultat négocié et à la meilleure décision. Celle-ci aura été construite grâce aux voix de chacun. La participation doit assurer la négociation qui se révèlera certes difficile en raison de l'inégalité des participants et des différences de capacités « techniques ». C'est pour cette raison que nous suggérons aux Etats d'aider les communautés forestières et les ONG locales, à renforcer leur capacité à traiter avec les autres parties prenantes dans la gestion décentralisée des forêts. Toutefois, la participation active des communautés riveraines ne sera pour autant efficace que si elle est conditionnée par une information préalable et adaptée au contexte local. B : Améliorer et adapter les moyens d'information au niveau local. L'accès à l'information est l'un des piliers de la démocratie participative. Sa qualité de titulaire du droit à un environnement sain confère aux citoyens et notamment aux peuples forestiers, le droit d'être pleinement informés et dans des délais raisonnables, de toute activité forestière susceptible d'altérer durablement et ou de façon substantielle le milieu qui les abrite109(*). La charte africaine des droits de l'Homme et des peuples consacre le principe de la liberté d'accès à l'information. En effet, faisant partie intégrante des constitutions des pays de la sous région, cette Charte proclame en son article 9 que « Toute personne a droit à l'information ». En matière de gestion décentralisée et participative des forêts, le principe de la liberté d'accès à l'information reste limité par les obstacles institutionnels ou légaux. Ainsi, les législateurs forestiers de l'Afrique Centrale n'avaient pas compris que la priorité en matière d'information reste son accessibilité et son adaptation à la cible visée, encore que cette cible, le plus souvent excentrée, peut ne pas parler ni lire ou écrire la langue de diffusion de l'information. Dans presque tous les Etats de la sous région, l'information en matière d'exploitation des ressources forestières n'est diffusée qu'en langues officielles, limitant de ce fait la portée et l'efficacité de l'information ; Or l'information ne sera efficace que si elle est accessible matériellement aux peuples concernés, en l'occurrence les peuples forestiers. Dès lors, apparaît la nécessité d'adapter l'information au niveau et au contexte local. Encore, une fois de plus, l'élaboration des mécanismes d'information nécessitera une participation des représentants de diverses communautés visées par l'information, afin d'adopter des instruments dans la langue des populations110(*) et en tenant compte de leurs caractéristiques culturelles. Ainsi, l'urgence doit être accordée à la vulgarisation et la sensibilisation voire la diffusion de tout texte législatif, réglementaire et administratif en langue nationale111(*) et si possible en langue vernaculaire. Pour ce faire, l'urgence de la mise en oeuvre des stratégies d'appui aux communautés à travers les étudiants, sortis des écoles forestières ou ayant suivi une formation professionnelle en droit international de l'environnement encore au chômage, dans le cadre des projets/ONG. Par ailleurs, un thème récurrent relié au principe d'information, est celui de renforcement de capacités. Il s'agit de renforcer et d'accroître la capacité des peuples autochtones à participer au développement durable en leur fournissant et dans le respect de leur culture, des occasions d'identifier leurs besoins et d'être impliqués dans la préparation et la conduite des stratégies de développement et des infrastructures sociales. En somme, la mise en oeuvre de ces deux aspects du droit de l'homme à l'environnement nécessite une prise en compte des aspects culturels et sociaux des populations tout au long du processus, y compris dans l'élaboration même des mécanismes de participation et de l'information. § 2 : Les actions concrètes en faveur des communautés forestières. La participation au processus, le principe de l'accès libre à l'information et à la justice112(*) constituent certainement les garants de la mise en oeuvre du droit de l'Homme en l'occurrence des peuples forestiers à un environnement sain. Toutefois, ces peuples ne pourront concrètement jouir de leur droit à l'environnement sain que s'ils sont également bénéficiaires de certaines initiatives telle que la décentralisation démocratique de la gestion des forêts (A). Aussi, le rôle régalien de l'Etat doit-il être renforcé quant à ce qui concerne le suivi-évaluation et le contrôle strict des projets d'exploitation des forêts (B) A : L'intégration de toutes les minorités socio-culturelles dans le processus décisionnel. Dans la sous région, les minorités socio-culturelles sont marginalisées par les principaux acteurs en matière d'exploitation des forêts. En effet, remédier à cette discrimination, exige une attention particulière à la représentation équitable des membres des différentes communautés au niveau du comité de gestion des associations villageoises. Aussi, les Etats doivent-ils envisager l'implication active des catégories faibles dans les questions forestières113(*) ; Il s'agit de l'intégration des jeunes (1) et des femmes (2) riverains ou habitant dans la forêt, dans le processus. 1 : L'implication des jeunes riverains ou vivant dans la forêt.
Les jeunes, nombreux et enthousiastes pour la cause de la défense de l'environnement, peuvent être des moteurs de l'action pour l'environnement et le développement. Il convient de faire participer leur organisation aux prises de décision et accroître l'éducation à l'environnement114(*) . En inculquant et en initiant les jeunes de moins de 15 ans, qui représentent près de 30% de la population mondiale au bon réflexe en matière de protection des ressources forestières, on intègre de ce fait le long terme qui a longtemps fait défaut dans les mesures de sauvegarde de notre « or vert ». Les Etats et les autres acteurs sociaux devraient s'engager à éduquer les jeunes gens en général et la jeunesse vivant à proximité ou à l'intérieur des massifs forestiers en particulier. Les Etats devraient aussi leur permettre de prendre activement part à la prise de décision et au plaidoyer en faveur des forêts. Le programme « une naissance, un arbre planté »115(*) et la détermination d'en prendre soin pourraient être envisagés. Ce qui contribuera au reverdissement de l'environnement des peuples forestiers. Les femmes peuvent aussi jouer un rôle déterminant dans l'exploitation des forêts. 2 : L'intégration des femmes locales et autochtones dans la gestion forestière. L'exclusion du genre à la prise de décision en matière forestière peut avoir de conséquences préjudiciables pour l'environnement et pour l'Homme. L'Agenda 21 (chapitre24) prône leur implication au processus décisionnel. Bien plus que les hommes ou les autres intervenants en matière d'exploitation des forêts, les femmes ont besoin d'être sensibilisées sur les dangers de leurs activités sur le sol, les ressources forestières. Elles doivent être informées et formées sur les diverses techniques de l'utilisation durable des ressources forestières. Les actions du REFFADD en ce sens sont encourageantes et doivent être capitalisées. Ainsi « les femmes pourraient devenir des agents plus efficaces de la mise en oeuvre des programmes vert »116(*). Toutes ces initiatives ne pourront se matérialiser que si le rôle régalien de l'Etat est renforcé. B : Le renforcement du rôle régalien de l'Etat dans le suivi évaluation et le contrôle strict des projets. En dépit des progrès de la décentralisation en matière de gestion des forêts, l'Etat doit rester le principal acteur dans ce domaine. Définissant légalement les modalités et conditions d'exercice des pouvoirs de gestion, l'Etat se réserve s'il y a lieu, le droit de reprendre le contrôle du domaine forestier, au nom de l'intérêt général117(*). Certes, l'évolution générale du secteur forestier impose une nouvelle répartition des rôles entre les différents acteurs et la promotion des partenariats forestiers. Afin d'éviter une décentralisation autoritaire des pouvoirs en matière de gestion des forêts, l'administration forestière doit être garante des fonctions régaliennes. Ces fonctions varient très peu d'un pays à un autre dans la sous région. D'une manière générale, elles s'articulent autour de la formulation et le suivi des politiques, l'élaboration des normes (la réglementation), la planification et l'allocation des ressources, le suivi et le contrôle, la maîtrise d'ouvrage, des projets et programmes. Toutefois, afin de promouvoir la démocratie participative et la matérialisation du droit des peuples forestiers à un environnement sain, le retour et le maintien de l'Etat providence dans la promotion de la gestion décentralisée des forêts reste nécessaire (1), aussi les Etats doivent-ils veiller au respect et au contrôle strict de l'application de la législation forestière en vigueur (2). 1 : Le renforcement nécessaire de l'Etat-providence en matière de gestion décentralisée des forêts. L'Etat- providence ou dirigiste est un Etat qui oriente et contrôle l'activité économique et sociale par une intervention directe ou indirecte (subvention etc.)118(*). Parce qu'ils sont responsables de la prospérité économique et du progrès social, les Etats de la sous région doivent accorder des aides financières pour encourager les acteurs privés (les populations forestières en particuliers) à adopter des modes de gestion appropriés et efficaces. Ainsi, par exemple, la création par chaque Etat de l'Afrique Centrale, d'un fonds spécial pour appuyer les communautés locales dans le processus des forêts communautaires, serait la bienvenue. Ce fonds devra prévoir les mécanismes de remboursement des crédits reçus par les communautés bénéficiaires, après l'exploitation et la commercialisation des produits forestiers. Cette subvention devra être suivie d'un contrôle strict.
2 : Le renforcement du contrôle strict de l'exploitation forestière. Même si les fonds publics requis pour la mise en oeuvre d'un contrôle strict font souvent défaut, les Etats doivent davantage fournir des efforts en ce sens. Ils pourront bien y parvenir en luttant contre la corruption qui mine le secteur forestier, et en veillant au respect effectif des modalités d'exploitation des forêts. Par ailleurs, les Etats doivent aussi veiller au respect des droits des populations forestières qui sont employés comme ouvriers dans les sociétés industrielles du bois. En ce sens, ils doivent commettre une mission d'inspection du ministère du travail dans les sites des compagnies qui font dans l'exploitation industrielle du bois, en vue d'enquêter sur les allégations de violations des droits des travailleurs qui s'y commettent et sanctionner les contrevenants conformément à la réglementation en vigueur. En tout cas, la résorption des problèmes environnementaux doit être l'une des principales préoccupations des Etats de la sous région. La mise en application des lois nationales relatives à la gestion de l'environnement et des forêts, incluant le respect des limites des aires protégées, représente le minimum à obtenir pour réduire l'impact environnemental des activités forestières. A partir de cette base, des efforts supplémentaires doivent être faits pour protéger les forêts. Le problème de la chasse commerciale devra être abordé en prenant en considération les aspects coutumiers de façon à assurer le maintien des effectifs, jusqu'ici en baisse continue, des espèces non protégées et la survie des espèces rares et menacées. Il conviendra d'identifier et de protéger les produits locaux de la forêt, mais également de prendre en compte les enjeux de l'environnement à plus grande échelle comme l'eau potable, la sécurité alimentaire et la qualité du sol. Les impacts à long terme de l'extraction industrielle du bois sur la qualité et l'étendue des forêts tropicales doivent être minimisés. Ceci étant, les Etats pourront effectivement garantir le droit des peuples forestiers à un environnement sain. Toutefois, cette garantie ne sera pour autant efficace que si l'accès à la justice est reconnu à ces peuples. Section 2 : Faciliter l'accès des communautés forestières à la justice.La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples qui fait partie intégrante des lois fondamentales des Etats de la sous région, est sans doute le premier instrument juridique régional qui a prévu de façon spécifique la reconnaissance d'un droit à la justice. Elle pose le principe du caractère impersonnel et général de la loi en ces termes : « Toutes les personnes bénéficient d'une totale égalité devant la loi » (art.3 al.1). Elle énonce aussi le droit à une égale protection de loi (art.3 al.2). Enfin, elle érige l'accès à la justice en droit fondamental en indiquant119(*) « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue ». Ce droit individuel de recourir à la justice, recouvre selon les rédacteurs de la Charte, «Le droit de saisir les juridictions nationales compétentes de tout acte violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus et garantis par les conventions, les lois, règlements et coutumes en vigueur » (art.7 al.1-a). De manière générale, le recours à la justice trouve son fondement juridique dans la Charte africaine à travers son article 7 al.1-a ; par conséquent, les Etats de la sous région devraient faciliter l'accès à la justice à toute personne y compris aux habitants de la forêt. Ainsi, dans le secteur forestier, l'accès à la justice devrait être une facilité ouverte à l'ensemble des justiciables contre les décisions, actions ou omissions de tous les acteurs de la gestion des forêts, y compris de l'Administration des forêts. Nous proposons ceci en guise de solutions au constat selon lequel, dans la sous région, l'Administration des forêts s'est progressivement érigée de facto et de jure comme le principal gestionnaire du contentieux forestier ; devenant ainsi dans bien des cas, juge et partie. « La fonction juridictionnelle de l'Administration est ici hypertrophiée au détriment du juge »120(*) . Cette situation qui se superpose aux règles traditionnelles relatives à l'accès à la justice, accentue la marginalisation des citoyens et en particulier des peuples forestiers dans le contentieux forestier. Ainsi, en l'absence d'une procédure déclenchée par l'administration, il est impossible pour les peuples de la forêt d'avoir un recours quelconque contre les opérations illégales d'exploitation forestière, car c'est à l'administration forestière que revient l'opportunité des poursuites. L'on constate de plus que les transactions conclues entre l'Etat et les sociétés délinquantes, ignorent généralement les droits des communautés forestières, pourtant consacrés par la loi. Par exemple au Cameroun, les 10% des redevances forestières annuellement dues aux communautés riveraines ne sont pas mentionnés dans le calcul des sanctions pécuniaires infligées par l'Etat aux sociétés délinquantes. Ces sanctions se limitent aux amendes, dommages et intérêts, c'est-à-dire aux seuls montants revenant au trésor public. En un mot, les difficultés d'accès à la justice privent les citoyens et notamment les habitants de la forêt de la jouissance de leur droit à l'environnement sain. Concrètement, ces différents obstacles ne pourront être évincés que si les Etats de la sous région envisagent le renforcement de la coexistence, en matière d'exploitation des forêts, de deux modes classiques de résolution des litiges. Ainsi, les législateurs de la sous région pourront-ils, respectivement et conformément à leur droit procédural, reconnaître aux peuples forestiers en particulier, la possibilité d'opter soit pour le mode non juridictionnel (§1) soit, pour le mode juridictionnel de résolution des conflits (§2). § 1 : Le renforcement de la répression non juridictionnelle des infractions forestières. Toutes les lois forestières de la sous région comprennent des dispositions relatives à la répression des infractions. Ces dispositions diffèrent relativement peu d'un pays à l'autre. De façon générale, lorsqu'il est porté atteinte au droit à l'environnement par des activités forestières soumises à autorisation ou agrément, l'autorité administrative compétente peut, après enquête suivie d'un procès-verbal, soit suspendre ou ordonner le retrait de l'agrément ou de l'autorisation ; ce qui entraînera la fermeture de la société, soit prononcer une amende administrative après transaction avec l'auteur de l'infraction. En fait, la quasi-totalité des législations forestières des Etats de l'Afrique Centrale prévoient le recours à la transaction sans toutefois la définir. Toutefois, cette notion est définie dans le lexique des termes juridiques (septième édition 1988) comme « un contrat par lequel les parties terminent ou préviennent une contestation en se consentant des concessions réciproques ». La transaction ainsi définie, est l'aboutissement d'un long processus qui consiste en la recherche et à la constatation des infractions forestières. Cette procédure peut varier d'un pays à l'autre. Mais, de manière générale, elle relève de la compétence aussi bien de la police judiciaire que des agents forestiers assermentés ou habilités. Notre objectif ici, est de rechercher l'efficacité de la transaction ; c'est la raison pour laquelle nous proposons aux Etats d'envisager les stratégies qui visent la formation et le recyclage des agents de l'administration forestière habilités à transiger (A). Ceux-ci pourront légalement et objectivement accomplir leur travail si les Etats garantissent leur indépendance financière vis-à-vis des exploitants industriels du bois. Cela limitera certainement leur propension à la concussion et à la corruption (B).
A : La nécessité de recycler les agents compétents en matière de transaction. « Qui veut aller loin dans la protection des écosystèmes forestiers, aménage ses cadres forestiers ». Si le PNUD121(*) et le RIFFEAC122(*) semblent avoir compris cet adage, il demeure plus que jamais urgent de placer la formation forestière au centre d'initiatives croisées, interpellant les principaux acteurs. On reproche de manière générale aux agents forestiers des Etats de la sous région de poursuivre la formation à « l'ancienne école » de forestiers ayant un profil des années 80 alors que les politiques et pratiques forestières ont considérablement évolué. Il va donc sans dire que le recyclage des agents forestiers est plus que d'actualité. Ainsi, les Etats doivent davantage sensibiliser et les agents forestiers et les autres intervenants en matière d'exploitation des produits forestiers. De plus, les lois forestières se doivent d'être davantage vulgarisées, car comme nous l'avons souligné un peu plus haut, l'ignorance de la législation en vigueur par les agents forestiers peut être à l'origine de multiples atteintes à la bonne application de la loi et par conséquent aux droits des peuples forestiers. Une fois recyclés, ces agents forestiers doivent bénéficier de certains moyens d'accompagnement comme garantie de leur indépendance. B : Assurer l'indépendance des agents forestiers.
Dans la sous région, les personnels habilités à réprimer les infractions forestières et à recouvrer les pénalités requises ont leurs consciences exposées à ce qu'il conviendrait d'appeler la concussion et ou la corruption lente ou active. Si sur le plan des primes, les textes actuellement en vigueur donnent une indication sur les avantages à ristourner aux agents de répression, la situation salariale pour ce qui concerne la rémunération des agents publics est encore un problème à résoudre. A cet effet, nous suggérons les pistes de solutions suivantes: - L'affectation des moyens roulants et financiers (deux véhicules par direction régionale et un véhicule par brigade tous les deux ans), à ces moyens, seraient adjoints des vélos tout terrain, sans omettre des moyens financiers suffisants; - le renforcement des effectifs des personnels du corps des agents des eaux et forêts; - la relecture de la situation salariale des agents du corps des eaux et forêts voire des avantages matériels et financiers pour bannir les comportements rétrogrades. En règle générale, le renforcement des capacités opérationnelles de la direction des forêts et autres relevant du corps des eaux et forêts. Il s'agira d'apporter au niveau du contentieux une reforme structurelle; en créant un service du contentieux qui devra comprendre deux bureaux au niveau central et au niveau régional. Les bureaux prendraient la dénomination suivante: bureau de répression des infractions, bureau de recouvrement, de suivi des pénalités et des affaires contentieuses chargé des relations avec les services judiciaires et autres corps habilités. Au-delà, de ces quelques pistes de solutions, les populations forestières doivent être incitées à saisir l'administration forestière compétente en cas de violation de la loi forestière. L'administration des forêts devra transmettre les transactions non libérées avant date échue au parquet pour une résolution juridictionnelle de l'infraction.
§ 2 : La nécessaire répression juridictionnelle des atteintes aux droits des communautés forestières. La phase juridictionnelle de la répression des atteintes à la loi forestière présente beaucoup d'intérêts; non seulement elle empêche à, l'administration d'être à la fois juge et partie, mais elle garantit l'objectivité de la répression et est conforme au séculaire principe de la séparation des pouvoirs. En effet, si les nouvelles législations forestières des pays de l'Afrique Centrale consacrent la répression juridictionnelle, il n'en demeure pas moins que la saisine du juge judiciaire reste très limitée et même fermée. C'est pourquoi, l'ouverture de la saisine du juge ou mieux l'extension de l'accès à cette forme de répression à tous et notamment aux peuples de la forêt, s'impose davantage en terme d'urgence. Pour ce faire, les Etats doivent octroyer aux citoyens la qualité d'agir en justice (par exemple, ils doivent faire des peuples forestiers de véritables propriétaires des forêts dont ils ont la gestion ou des redevances forestières qui leurs sont annuellement dues). Les gouvernements peuvent également mettre en oeuvre une « actio popularis »123(*) tant réclamée en droit international de l'environnement. C'est en ce sens que les pistes de solutions que nous suggérons vont s'articuler autour de la répression pénale (A) et de la nécessité d'une responsabilité civile objective (b). Elles pourront garantir efficacement nous semble-t-il, le droit des communautés forestières à un environnement sain. A : Consolider la sévérité de la répression pénale. Pendant longtemps, le droit commun a eu à s'appliquer à certaines hypothèses de violation des règles protectrices de l'environnement. Mais, on assiste depuis le début des années 1990, à l'émergence d'un droit judiciaire de l'environnement assez spécifique. Cette spécificité a trait à l'extrême sévérité de la répression pénale et peut se vérifier à la fois sur le fond du droit (1) et sur la procédure à suivre (2).
1 : Sur le fond du droit. La plupart des codes pénaux des Etats de l'Afrique Centrale n'avaient prévu que peu de dispositions visant la protection de l'environnement. Mais avec la survenance et le foisonnement des catastrophes naturelles dues à la dégradation de l'environnement, les législateurs africains, notamment ceux d'Afrique Centrale, ont adopté de nouvelles lois forestières dont certaines dispositions raidissent la répression pénale sur trois points au moins: D'abord, par la multiplicité des infractions. En plus des dispositions du code pénal, les lois portant code de l'environnement ont crée de nouvelles infractions124(*). Au-delà de ces textes à caractère général, il existe une réglementation sur les activités spécifiques touchant à l'environnement tel que entre autres; le secteur forestier125(*). On pourrait même de nos jours parler d'une inflation pénale en matière environnementale. Il peut arriver ainsi qu'un même comportement reprochable soit saisi à la fois par le code pénal et par une disposition pénale particulière; il sera préféré l'application de cette dernière non pas seulement parce que le particulier déroge au général, mais surtout à cause de la sévérité des sanctions édictées. Ensuite, par la sévérité des peines de manière générale, les peines prévues en matières d'atteinte à l'environnement et en particulier à la forêt ont été relevées. Dans le cas camerounais par exemple, l'amende peut aller jusqu'à 10 000 000 francs CFA et l'emprisonnement de un an à trois ans pour l'infraction portant entre autres sur l'exploitation forestière non autorisée dans une forêt domaniale ou communale126(*). Enfin, par l'exclusion des circonstances mitigantes. Deux de ces circonstances sont particulièrement visées et exclues en cas de condamnation de l'auteur pour atteinte à l'environnement. D'une part, le sursis : c'est une mesure de suspension totale ou partielle de l'exécution d'une peine d'emprisonnement ou d'amende prononcée par le juge en faveur de certains délinquants127(*). D'autre part, les circonstances accompagnant la commission de l'infraction et qui sont librement appréciées par le juge à la différence des excuses atténuantes qui sont-elles d'origine légale. En retirant ce pouvoir d'appréciation au juge qui lui permet en droit commun d'individualiser la sanction, le législateur souhaite une application aveugle des sanctions qu'il édicte, transformant par là le juge en « distributeur automatique de la peine ». Ce même législateur met d'ailleurs tout en oeuvre au niveau de la procédure pour atteindre son but, à savoir réprimer. 2 : Sur le plan de la procédure : l'extension de la mise en mouvement de l'action publique.La constatation des infractions forestières ayant été évoquée un peu haut, nous nous intéresserons ici à la mise en oeuvre de l'action publique uniquement. Ceci dit, l'infraction à la loi forestière étant consommée et constatée, l'action publique n'est pas nécessairement mise en mouvement. En droit commun, le ministère public jouit de l'opportunité des poursuites; c'est-à-dire que saisi d'une simple plainte, il décide de poursuivre ou de classer l'affaire sans suite. En droit forestier, c'est plutôt l'administration chargée de la gestion forestière qui dispose de ce pouvoir. A ce titre, elle est parfois autorisée, l'avons nous déjà souligné, à transiger avec l'auteur de l'infraction ou même de procéder à un arbitrage par le recours à un tiers. Parfois, même, il est reconnu aux autorités traditionnelles, le pouvoir de régler certains litiges liés à l'utilisation de certaines ressources naturelles tels l'eau, le pâturage sur la base des us et coutumes locaux, c'est le cas au Cameroun (art.93, loi-cadre ). Au Gabon par contre, et c'est le cas qui devrait servir d'exemple, la mise en oeuvre de l'action publique revient non seulement au ministère public, mais également aux agents assermentés de l'administration de l'environnement, aux ONG, aux collectivités locales et même aux populations forestières. Avec cet élargissement de la mise en mouvement de l'action publique, on n'est pas si loin d'une « action popularis » tant réclamée en Droit International de l'Environnement. L'admission d'une telle action en droit interne, garantirait efficacement le droit de l'individu et notamment de la population forestière à un environnement sain. Cela ne serait qu'une autre évolution et non une révolution dans la mesure où le droit à l'environnement est désormais admis comme un droit de l'homme : Comme tout droit de l'homme, le titulaire devrait pouvoir le faire valoir au moins sur le plan national. Les peuples de la forêt victimes des activités illégales de certains forestiers véreux pourront au-delà des poursuites pénales, intenter une action au civil en vue de la réparation du dommage par eux subi. B : La nécessité d'une responsabilité civile particulière. A défaut de permettre aux peuples de la forêt de saisir le juge pour la violation de la propriété forestière, les Etats de la sous région peuvent faciliter aux peuples forestiers la saisine du juge judiciaire au civil, notamment lorsque le droit de ces derniers à l'environnement sain est violé. En effet, la responsabilité civile en cette matière pourra être particulière sur deux axes au moins: Il pourra s'agir d'une responsabilité civile autonome (1) ou bien dans certains cas, le législateur forestier pourra instituer une responsabilité civile objective (2). 1 : Une responsabilité civile autonome. Il peut arriver que même une activité forestière bien qu'étant légale, cause un préjudice à autrui (un riverain ou un habitant de la forêt). Le législateur forestier devra reconnaître à la victime le droit de saisir le juge judiciaire au civil. La victime à défaut d'autres fondements juridiques, devra se rabattre sur le séculaire article 1382 du code civil d'après lequel « Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par le fait duquel il est arrivé à le réparer ». Ce régime préconisé par le code civil, semble être un peu exigeant pour la victime; celle-ci devra prouver la faute de l'auteur du fait dommageable. Alors même que dans la plupart des cas, les peuples forestiers sont encore analphabètes. Toutefois, pour obvier à cette difficulté, la victime pourra fonder son action sur un régime différent de celui du code civil. 2 : Une responsabilité civile objective à consolider. Elle est dite objective parce que la victime n'a pas besoin de fournir la preuve de la faute de l'auteur de l'infraction. Il s'agit pour l'heure, d'une hypothèse particulière rencontrée seulement en droit camerounais. Et nous souhaitons vivement que cet exemple soit repris par les autres pays de la sous région. En effet, l'article 77 al.1er de la loi-cadre camerounaise du 5 août 1996 portant gestion de l'environnement prévoit qu'est responsable civilement sans qu'il soit besoin de prouver une faute, toute personne qui exploitant un établissement classé128(*), a causé un dommage corporel ou matériel se rattachant directement ou indirectement à l'exercice de ces activités. Cet article institue une présomption de responsabilité à l'égard de ces sociétés forestières industrielles ou artisanales qui dominent le secteur forestier dans la sous région. Elles ne peuvent s'en décharger qu'en cas de force majeure. Même lorsque le dommage survient par la faute de la victime, il ne peut y avoir que partage de responsabilité. Comment ne pas rattacher cette hypothèse de responsabilité à la notion de risque ?129(*) Le transport des grumes étant à très haut risque130(*) celui qui s'y hasarde, doit encourir une responsabilité hors du commun : Là où il y a le gain il y a le risque. Au total, il appert que sous les encouragements des créanciers multilatéraux et bilatéraux, les forêts tropicales d'Afrique Centrale ne sont de plus en plus considérées que sous l'angle de l'exploitation industrielle. Dans ce contexte, les populations dépendantes des ressources forestières sont encore plus marginalisées. Elles sont fictivement incluses dans les prises de décisions relatives à l'usage et à l'aménagement des forêts et de ce fait, leurs droits sont réduits et leurs besoins ignorés. De plus, l'inaptitude des gouvernements locaux à faire appliquer la législation forestière a entraîné ou favorisé la pratique des activités forestières illégales. Ainsi l'exploitation illégale et même industrielle du bois a porté et continue de porter atteinte aux droits des peuples forestiers; et remet par conséquent en cause leur droit à l'environnement sain pourtant garanti par les instruments juridiques tant au plan international que régional et national. Dès lors comment parvenir à la garantie effective et efficace du droit des populations forestières à un environnement sain, si les Etats de la sous région ne repensent pas leur politique forestière respective en accordant aux peuples de la forêt un accès libre à la justice ? Nous avons en ce sens proposé des solutions. Ces solutions sont certes superficielles, mais pourraient apporter un plus dans la garantie efficace du droit de l'homme et notamment des peuples forestiers à l'environnement sain.
CONCLUSION GENERALE. Le droit à l'environnement sain a fait l'objet d'une consécration évolutive : De la Déclaration de Stockholm de 1972 sur l'environnement aux Déclarations de Rio de 1992 sur l'environnement et le développement et sur les principes de gestion des forêts, en passant par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981, le droit à l'environnement est désormais reconnu aussi au plan national comme un droit fondamental de l'homme. Les peuples forestiers de la sous région d'Afrique Centrale ne se soustraient pas de cette reconnaissance. Cependant, malgré l'effectivité formelle du droit de l'homme à l'environnement sain, celui-ci demeure plus conceptuel qu'opérationnel. Car les Etats ont mésestimé lors de sa consécration, les « entraves juridiques et matériels »131(*) qui handicapent son exercice dans la réalité du quotidien. On peut même être tenté de déduire que la discrimination au sein même des Etats et notamment vis-à-vis des communautés forestières constitue, au même titre que l'exploitation industrielle du bois dans la sous région de l'Afrique Centrale, un obstacle au droit à l'environnement sain. Or, la réalisation du droit à l'environnement passe en premier lieu par la réalisation et la garantie de l'ensemble des droits de l'homme classiques. La qualité de l'environnement étant intrinsèquement liée à la jouissance des droits de l'Homme; la dégradation de l'environnement peut porter atteinte à ces droits, à l'inverse, l'environnement peut être dégradé en raison d'une violation des droits de l'homme. L'exploitation des ressources forestières telle que menée dans les massifs forestiers de la sous région d'Afrique Centrale n'en constitue-t-elle pas une illustration parfaite ? En effet, les forêts tropicales de l'Afrique Centrale sont sources d'alimentation pour des millions de personnes qui dépendent directement des écosystèmes forestiers. De plus elles constituent un réservoir de diversité biologique sans équivalent. Malgré les innovations apportées par les récentes législations forestières des pays de la sous région en vue, d'améliorer les conditions de vie des populations villageoises riveraines ou vivant à l'intérieur de la forêt et de les impliquer dans le processus de prise des décisions dans le cadre d'une gestion décentralisée et participative des ressources forestières, les forêts denses de la sous région sont de plus en plus considérées sous l'angle de l'exploitation industrielle132(*). L'industrie forestière étant dominée par les sociétés transnationales, lesquelles sont peu soucieuses du bien-être des populations riveraines villageoises et de l'aménagement des forêts pour une exploitation durable. Finalement, au-delà de la nécessité d'adopter de nouvelles lois forestières, il faut avoir le souci de leur application effective. A cet égard, le respect de deux principes fondamentaux s'impose : En premier lieu, les objectifs visés par la loi forestière doivent être adaptés à la capacité de l'Etat et de la société civile, notamment des populations locales et autochtones riveraines, à les mettre en oeuvre. En second lieu, l'adoption de normes forestières simples facilite leur compréhension et réduit les difficultés d'interprétation; lorsque des normes sont trop complexes et requièrent des procédures trop lourdes ou encore des réformes institutionnelles exorbitantes, elles risquent également de ne pas être appliquées et d'ouvrir le champ aux actes de corruption ou à des activités illégales. En somme, réalisme juridique et acceptabilité sociale doivent être à la base de toute réforme législative, en matière de gestion des forêts, soucieuse d'effectivité. Ces exigences doivent, être assorties d'un mécanisme de contrôle strict et d'un système de répression juridictionnel ou non, en vue d'assurer le respect de la réglementation en vigueur et de protéger les populations contre toute violation de leur droit. Ainsi, l'accès des communautés villageoises riveraines ou vivant dans les forêts de la sous région d'Afrique Centrale, à la justice en vue de protéger leur droit à l'environnement sain contre les activités forestières illégales ou contre la dégradation de leur cadre et milieu de vie par l'exploitation de la forêt, n'est peut-être qu'un rêve. Mais comme tout rêve, il permet d'entretenir l'espoir et de rendre moins poignant le désespoir de tous ces hommes vivant à proximité ou à l'intérieur des massifs forestiers, qui avec des branches et des troncs d'arbres, barrent la voie aux camions des exploitants forestiers, à défaut pour elles de saisir la justice pour la répression des activités illégales des exploitants véreux qui risquent de dégrader pendant longtemps encore leur cadre de vie impunément. * 107 -Forests.Monitor.Ltd, La forêt prise en otage. opt. cit. p103 * 108 -Patrice Bigombe Logo, Les populations locales et autochtones à l'épreuve de l'exploitation illégale des forêts au Cameroun; Entre culture de l'impunité et exigence d'une reconfiguration du pouvoir dans la gestion des forêts. Yaoundé, 06 Décembre 2004. p.10 * 109 - Samuel Nguiffo, « Loi, Transparence, Responsabilité et droits des citoyens dans les forêts camerounaises » in La transparence, la gouvernance et la loi : Etude de cas du secteur forestier en Afrique Centrale. Opt. Cit.p.58 * 110 - l'OIT a lancé un projet au Costa Rica, pour faire connaître aux communautés des zones rurales les objectifs de la convention°169. L'information était diffusée par émission radiophonique dans les langues locales. Source site OIT. * 111 -En RDC par exemple, les quatre langues (Kikongo, Swahili, Tshilula et Lingala) sont utilisées pour publier et diffuser l'information. * 112 - Nous consacrerons toute une section à l'accès à la justice compte tenu de son importance. * 113 - Bertin Yimele, Mémoire de master DICE opt. Cit. p. 34. * 114 - Voir pour plus de détails le chapitre 25 de l'Agenda 21 sur le développement durable. Voir aussi M. Prieur, Démocratie et droit de l'environnement et du développement, Opt. Cit.p.2 * 115 - Bertin Yimele, opt. Cit. p.34 * 116 - Ibid. p.35 * 117 - Justine Texier, « Tendance du droit forestier en Afrique... » Opt. Cit. p.8 * 118 - Cette définition est tirée du Lexique des termes juridiques, Dalloz, septième édition, 1988, p.172 * 119 -Voir Samuel Nguiffo, « la loi, Transparence, responsabilité et droits des citoyens dans les forêts camerounaises » in la transparence, la gouvernance... opt. Cit. p.59 * 120 - Ibid. * 121 -Le PNUD finance actuellement l'école régionale post universitaire d'aménagement et de gestion intégrée des forêts tropicales installée à la cité universitaire de Kinshasa, c'est également le cas de l'AUF qui depuis plus de 5 ans alloue des allocations aux étudiants de diverses nationalités, en vue d'une formation en droit international et comparé de l'environnement. * 122 -Son acte de naissance a été signé le 5 octobre 2001 à Libreville au Gabon. * 123 -C'est-à-dire que la mise en oeuvre de l'action publique doit revenir non seulement au ministère public, mais également aux agents assermentés de l'administration de l'environnement et même aux associations de défense de l'environnement, aux ONG, aux collectivités locales et aux communautés villageoises riveraines ou vivant dans la forêt. * 124 -Voir à titre d'exemple le cas de la loi camerounaise n°96/12 du 5 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l'environnement (titre VI). * 125 -Voir la loi RDC du 29 août 2002 (titre IX); voir aussi la loi camerounaise du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche (titreVI). * 126 -Voir pour plus de détails la loi camerounaise de 1994 (art.158). * 127 -Voir article 87 de la loi-cadre camerounaise du 5 août 1996. * 128 -Cette même loi dresse une liste exhaustive des établissements classés. Il s'agit des usines, ateliers, dépôts chantiers, les installations industrielles, artisanales ou commerciales exploités ou détenus par toute personne physique ou morale publique ou privée qui présentent ou peuvent présenter soit des dangers pour la santé, la sécurité, la salubrité publique, l'agriculture, la nature et l'environnement, soit des inconvénients pour la commodité du voisinage (art.54). * 129 -Voir François Anoukaha, «Le droit à l'environnement dans le système africain de protection des droits de l'homme», précité, p. 39 * 130 -Il ne peut se passer un mois sans que ces camions transportant les billes de bois ne causent sur leur passage d'énormes dégâts humains et matériels, au cours de l'acheminement desdits bois dans les villes portuaires pour leur exportation. * 131 -Mohamed Ali Mékouar, Le droit à l'environnement dans la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Précité, p.10 * 132 -Forests monitor, La forêt prise en otage. Opt. cit. p.102 |
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