Le droit des communauté à un environnement sain( Télécharger le fichier original )par Boris TCHOMNOU Université de Limoges - Master II 2006 |
CHAPITRE I:LA PROCLAMATION DU DROIT DES COMMUNAUTÉS FORESTIÈRES A UN ENVIRONNEMENT SAIN.
La reconnaissance internationale des droits et libertés fondamentaux à toute personne humaine a modifié le statut des personnes physiques au plan international. Certes, les individus ne sont pas devenus pour autant, au même titre que les entités étatiques, sujets de droit international. Mais cette reconnaissance leur a permis l'accès direct à des instances internationales, notamment à des cours et commissions des droits de l'homme en Europe, en Amérique et en Afrique, ainsi qu'à des organes spécialisés des Nations unies et d'autres instances internationales33(*) . Dès lors, la question qui se pose est celle de savoir si en matière environnementale des individus ou groupes d'individus, notamment les communautés forestières peuvent faire valoir des droits directement contre des Etats au cas où ceux-ci ne respectent pas leurs engagements relatifs à l'exploitation des ressources forestières. Autrement dit existe-t-il un droit des communautés forestières à un environnement sain ? La réponse affirmative à cette question a été apportée par les instruments juridiques du droit international public en général et du droit international de l'environnement en particulier et ce aussi bien au niveau international (section Ière), que sur le plan régional et même national (section IIème). Section I : La proclamation internationale du droit des communautés
Il convient ici de distinguer les instruments juridiques adoptés avant la déclaration de Rio de 1992 sur l'environnement et le développement et sur les principes de gestion des forêts (sous-section I), de la déclaration de Rio proprement dite et de ses suites (sous- section II). §1 : Avant la déclaration de Rio de 1992. Longtemps oubliés et négligés, puis envisagés sous l'angle des droits de l'homme, les droits des peuples autochtones et communautés locales34(*) ainsi que les habitants de la forêt, n'ont fait l'objet que très récemment d'une reconnaissance en droit international de l'environnement. Ainsi ces communautés forestières peuvent-elles aussi se prévaloir du droit de l'homme à l'environnement sain tel qu'affirmé de manière solennelle comme premier principe lors de la conférence des Nations unies sur l'environnement qui s'est tenue à Stockholm en 1972 (A) ? Le Rapport Brundtland de la commission mondiale pour l'environnement ne constitue pas moins un instrument juridique ayant contribué à la promotion ou à la proclamation explicite du droit de l'homme à un environnement sain (B). A : La déclaration de Stockholm de 197235(*).
Dès la fin des années 1960, plusieurs textes consacrés aux problèmes de pollution ont été adoptés par des organisations internationales. L'assemblée générale de l'ONU quant à elle a décidé de convoquer une conférence mondiale sur l'environnement. Cette dernière s'est tenue en juin 1972 à Stockholm et a adopté une déclaration proclamant les grands principes devant être appliqués dans ce domaine36(*). Cette déclaration comprend une première formulation du droit de toute personne à un environnement sain et digne. En effet, le premier principe de la déclaration de Stockholm proclame : «L'homme a un droit fondamental à la liberté, à l'égalité et à des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien-être». Par ailleurs, cette proclamation a fait l'objet de divergences tant doctrinales que jurisprudentielles. Ces controverses posaient divers problèmes : De la définition de l'environnement, du contenu du droit, de la détermination des instances habilitées à intervenir et de la procédure applicable en cas de violation du droit de l'homme à l'environnement. Faisant suite, à ces problèmes, le droit à l'environnement s'est doté de deux considérations juridiques possibles: Il doit d'une part être envisagé comme un droit procédural37(*); c'est dire que le droit à l'environnement doit être compris comme le droit à la protection de l'environnement et par conséquent des procédures permettant d'assurer cette protection doivent être assurées à chaque individu sans aucune discrimination- que celui-ci soit riverain, autochtone ou habitant d'un massif forestier. L'autre considération, jurisprudentielle celle-là- fait du droit à l'environnement, un droit substantiel. Ainsi la cour européenne des droits de l'homme a-t-elle admis que la détérioration de l'environnement pouvait constituer une violation de droits garantis38(*). La consécration du droit de l'homme et notamment des communautés forestières à l'environnement implique nécessairement la mise en place d'une démocratie participative tant au plan local, national qu'international comme le réclamait déjà le Rapport Brundtland39(*). B : Le rapport Brundtland de 1987.
Dans le cadre universel, plusieurs initiatives40(*) visant la promotion du droit de l'homme à un environnement sain, ont été prises. Parmi ces initiatives, figure la proposition de la commission mondiale pour l'environnement et le développement, encore appelée Rapport de la commission Brundtland41(*). Ce Rapport consacre une série de principes juridiques sur l'environnement et le développement dont le premier affirme : «Tous les Etres humains ont un droit fondamental à un environnement approprié pour leur santé et leur bien-être42(*)». Tout comme la déclaration de Stockholm, le Rapport Brundtland fait du droit à l'environnement sain un droit fondamental c'est-à-dire inhérent, au même titre que les autres droits de l'homme43(*), à la nature humaine. Par ailleurs, l'affirmation du droit de l'homme à un environnement sain s'est opérée de façon progressive. Ainsi, il a solennellement vu le jour à la première conférence des Nations unies sur l'environnement en 1972 à Stockholm avant d'être officiellement consacré par la commission mondiale pour l'environnement et le développement en 1987. Cette commission jetait ainsi les bases de la deuxième conférence de l'ONU sur l'environnement et le développement qui se tiendra à Rio de Janeiro au Brésil en 1992. C'est à la sortie de cette conférence que le droit de l'homme à l'environnement recevra sa consécration finale et généralisée. § 2 : La déclaration de Rio et ses suites.
Nous mettrons en exergue la déclaration de Rio de 1992 (A) avant de faire recours aux projets de déclarations ainsi qu'à certaines conventions à caractère international qui ont officiellement reconnu le droit des communautés forestières à un environnement sain (B). A : La déclaration de Rio et les principes de gestion des forêts de 1992.
Les déclarations de Rio de 1992 sur l'environnement et sur les principes de gestion des forêts font partie de divers instruments juridiques à caractère international adoptés lors de la deuxième44(*) grande conférence des Nations- unies. En effet, la déclaration sur l'environnement et le développement45(*) témoigne de deux grandes préoccupations (apparues pendant l'intervalle de 20 années, la séparant de celle de Stockholm): la détérioration de l'environnement, notamment de sa capacité à entretenir la vie et l'interdépendance de plus en plus manifeste entre le progrès économique à long terme et la nécessité d'une protection de l'environnement ; aussi, même si la déclaration sur les forêts46(*) soulève pour sa part un point incontournable47(*) qui ne figure pas dans les autres textes. Il faut retenir que ces deux textes de soft law consacrent le droit de l'homme, notamment des communautés forestières à un environnement sain. Ainsi le principe1 du sommet de la planète terre stipule que « Les Etres humains (...) ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature ». La déclaration sur les forêts quant à elle constitue le tout premier texte qui proclame explicitement le droit des communautés forestières à l'environnement sain et l'assortit d'un devoir envers l'environnement. En effet, il ressort dans l'une de ses dispositions que : Les politiques forestières nationales devraient reconnaître et protéger comme il convient l'identité, la culture et les droits des populations autochtones, leurs collectivités et les autres collectivités, et les habitants des forêts. Des conditions appropriées doivent être faites à ces groupes pour permettre d'être économiquement intéressés à l'exploitation des forêts, de mener des activités rentables, de réaliser et conserver leur identité culturelle et leur organisation sociale propre et jouir de moyens d'existence et d'un niveau de vie adéquats, notamment grâce à des régimes fonciers incitant à une gestion écologiquement viable des forêts48(*). Plus que la déclaration sur l'environnement et le développement, la déclaration sur les forêts apporte une précision de taille quant aux principaux bénéficiaires du droit à l'environnement49(*). Somme toute, à l'instar de la déclaration de Stockholm de 1972 sur l'environnement, celle de Rio de 1992 sur l'environnement et le développement demeure de simples textes de soft law, c'est-à-dire des textes non juridiquement contraignants. En est-il de même des instruments juridiques internationaux intervenus à la suite du sommet « planète terre » ? B : Les suites de la déclaration de Rio.
La consécration internationale du droit de l'homme à l'environnement s'est poursuivie au lendemain du sommet planète terre de 1992, à travers au moins quatre textes juridiques spécifiques aux peuples autochtones. Ces derniers constituent l'un des principaux groupes qui forment la communauté forestière. Le premier desdits textes est le projet de déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones du 26 août 1994. Deux dispositions de ce projet affirment tantôt le droit des peuples autochtones à la préservation, à la restauration et à la protection de leur environnement dans son ensemble (article28), tantôt que « les droits reconnus dans la déclaration constituent des normes minimales, nécessaires à la survie, à la dignité et au bien-être des peuples autochtones du monde » (article 42). L'interprétation combinée et extensive de ces deux articles nous permet de conclure à la reconnaissance du droit des communautés forestières à un environnement sain par ledit projet de déclaration. Ensuite, la résolution relative à l'environnement adoptée par l'institut de droit international en 1997, fait partie des textes juridiques intervenus après la déclaration de Rio. Il ressort en effet de son article 2 que «Tout Etre humain a le droit de vivre dans un environnement sain ». Enfin, les deux autres textes sont d'une part ; la déclaration de Limoges II adoptée en France du 9 au 11 novembre 2001 pendant la réunion mondiale des juristes et Associations de droit de l'environnement, ce texte affirme depuis son préambule, la nécessité de garantir l'effectivité des normes internationales et nationales relatives aux collectivités autochtones et aux communautés traditionnelles et la nécessité de favoriser et d'établir un cadre sain et durable de coexistence. D'autre part, la déclaration de Kimberley adoptée à l'occasion du sommet mondial du développement durable qui s'est tenu du 20 au 23 août 2002 en Afrique du sud. En fait, cette déclaration réaffirme le droit des peuples indigènes au bien-être physique, mental, social et spirituel. Une remarque liminaire nous conduit à rappeler que contrairement aux déclarations de Stockholm et de Rio, qui consacrent le droit à l'environnement sain sous un angle individuel, les textes spécifiques aux communautés autochtones ne l'envisagent que de manière collective. Tels sont les angles sous lesquels le droit de l'homme à l'environnement est proclamé au niveau international. Qu'en est-il de sa consécration au plan régional et national ?
Section II : La proclamation régionale et nationale du droit des communautés forestières à un environnement sain. C'est d'abord au plan régional africain50(*) que le droit de l'homme à l'environnement a fait l'objet d'une proclamation conventionnelle (sous-section 1). Par ailleurs, se conformant aux déclarations de Stockholm et de Rio, de nombreuses constitutions et législations nationales du globe en général et celles d'Afrique Centrale en particulier ont repris le droit de l'homme à l'environnement sous l'angle d'un droit individuel (sous-section 2). § 1 : Consécration au plan régional africain. Le continent africain a joué un rôle de pionnier dans la protection de l'environnement en général et en particulier dans la proclamation du droit de l'homme à l'environnement sain. En effet, le système africain de protection de droit de l'homme a respectivement affirmé ce droit à travers deux textes à valeur juridique distincte : Le premier, de faible portée pratique, est la déclaration universelle des droits des peuples d'Alger de 1976(A) ; Tandis que le second, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981 est d'une grande portée pratique (B). A : La déclaration des droits des peuples d'Alger.
La référence à l'environnement sain est faite en Afrique pour la première fois par la déclaration universelle des droits des peuples d'Alger de 1976. En effet, elle prévoyait à travers son article16 que « tout peuple a droit à la conservation, à la protection et à l'amélioration de son environnement ». La conférence ayant permis l'adoption de cette déclaration était l'oeuvre de juristes, d'économistes et d'hommes politiques engagés dans la lutte de libérations51(*). En d'autres termes, il ne s'agissait pas d'une oeuvre de plénipotentiaires d'Etats et qui plus est, n'était qu'un simple texte de soft law (texte juridique non contraignant)52(*). C'est ce qui explique sa faible portée pratique. De surcroît, cette déclaration contrairement à la déclaration de Stockholm de 1972 sur l'environnement n'assortissait pas le droit à l'environnement sain d'un devoir envers l'environnement. Autrement dit, l'obligation d'assurer la conservation et la protection de `l'environnement n'incombait à personne. Cette indétermination de ses débiteurs réduit les possibilités de son opposabilité et limite la garantie de son applicabilité. La question qui reste posée est celle de savoir si la Charte africaine, bien que proclamant aussi un droit des peuples c'est-à-dire collectif, a imposé un devoir envers l'environnement. B : La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples.
« Tous les peuples ont droit à un environnement satisfaisant et global, propice à leur développement », proclame résolument l'article 24 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de l'OUA du 28 juin 1981 à Nairobi (Capitale Kenyane). D'évidence, les sujets du droit à l'environnement sont aux termes de l'article 24, les peuples, ce qui semble d'ailleurs mieux correspondre à la nature du droit des communautés forestières à un environnement sain. Dès lors, le droit à l'environnement, « droit des peuples par essence 53(*)» serait t-il avant tout un droit collectif, dont la protection serait davantage conçue et garantie au profit des groupes que des individus ? Par ailleurs, la notion de peuple, terme polysémique à souhait, fait l'objet d'une divergence doctrinale quant à son interprétation. Les auteurs l'assimilent tantôt à la population d'un Etat, tantôt le situent-ils dans le contexte de l'émancipation des peuples dominés. Mais, la question reste posée de savoir, qui au juste peut se prévaloir du droit à l'environnement sur la base de l'article 24 de la Charte africaine ? Alors que les sujets attitrés n'en sont explicitement que les peuples ou mieux les communautés forestières, peut-il néanmoins être exercé par les individus formant cette communauté, comme peuvent l'être d'ordinaire les droits de l'homme classiques54(*)ou ne devrait-il pas plutôt s'exercer collectivement en groupe tels les droits de réunion ou d'association, droit collectif par excellence ? La doctrine est à nouveau divisée face à ces interrogations. Certains semblent pencher pour l'assimilation des droits des peuples et droit collectif et sont enclins de qualifier de collectif, le droit à l'environnement55(*). Pour d'autres au contraire, il faut se garder d'en faire des concepts identiques, car ils ne se recouvrent pas nécessairement56(*).Toutefois, ne faudrait-il pas désormais dépasser cette dichotomie en cessant d'opposer les deux catégories de droit dans « la mesure où ils sont tous édictés au profit du même sujet : l'Homme57(*) » ? Le droit africain apparaît ainsi comme le premier à avoir reconnu l'existence d'un véritable droit à l'environnement. A l'époque, il y a déjà plus de deux décennies, un tel droit n'existait pas encore en droit international général et spécial. Il n'avait été énoncé sur le plan universel que par des textes de soft law, notamment par la déclaration de Stockholm sur l'environnement. Depuis lors, le système américain de protection des droits de l'homme58(*) a également emprunté la voie novatrice ainsi tracée par la Charte africaine. Le système européen quant à lui est un peu en retard sur la question, car il n'est fait état à l'environnement que dans la déclaration du parlement européen sur les droits et libertés fondamentaux du 12 avril 198959(*). En Afrique cependant, la consécration « précoce » du droit à l'environnement par la Charte a revêtu une signification particulière. L'article 24 a assumé une valeur emblématique qui a rapidement déteint sur d'autres parties du monde. Cet article a également joué un rôle déclencheur dans le processus de création normative. Elle est devenue une sorte de norme référentielle à chaque reforme constitutionnelle ou à l'occasion de l'adoption de toute nouvelle loi environnementale. Par ailleurs, les pays africains, leur mal vivre leur a permis parfois sur la contrainte extérieure, de prendre la mesure des dangers que leur environnement encourt. Ainsi pour faire écho à la reconnaissance du droit de l'homme à l'environnement sain sur le plan régional, la plupart d'entre eux ont choisi de le proclamer à leur tour sur le plan national.
§ 2 : Proclamation au plan national : cas des pays d'Afrique Centrale. Pendant les années 90 et au début de l'année 2000, pour se limiter à la décennie qui vient de s'achever et à celle en cours, le droit à l'environnement a été proclamé dans environ la moitié des Etats africains en général et dans la quasi-totalité des pays de la sous région d'Afrique Centrale en particulier. Il a été énoncé lentement mais sûrement et d'une façon en général solennelle par des dispositions de nature soit constitutionnelles (A), soit législatives, soit encore les deux à la fois (B).
A : Proclamation constitutionnelle.
La plupart des constituants des Etats d'Afrique Centrale, à l'occasion de la reforme ou de la refonte profonde de leur loi fondamentale n'ont pas manqué d'y inscrire le droit de l'homme à l'environnement sain. La constitutionnalisation de ce droit est un phénomène assez récent en Afrique; La quasi-totalité des constitutions adoptées après les indépendances (après les années 60) ne contenaient pas la marque d'un tel droit. C'est au lendemain de l'avènement de la démocratie vers les années 90 avec « les poussées revendicationnistes et les pressions des bailleurs de fonds internationaux60(*) » que les pays d'Afrique Centrale se sont donnés de nouvelles constitutions à travers lesquelles ils reconnaissent certains droits fondamentaux de l'homme au rang desquels le droit à l'environnement. Celui-ci s'est ainsi inséré d'année en année soit dans le corpus de la constitution, soit à travers le préambule de celle-ci. En effet, cinq pays d'Afrique Centrale ont crée parmi les autres titres de leurs constitutions respectives tout un titre dans lequel sont consignés les droits et devoirs de la personne humaine. Il s'agit par ordre chronologique : de la constitution gabonaise du 26 mars 1991 qui consacre dans son article 1. al.8 le droit à l'environnement sain en ces termes : « L'Etat, selon ses possibilités, garantit à tous notamment à l'enfant, à la mère, aux handicapés, aux vieux travailleurs et aux personnes âgées (...) un environnement naturel, préservé ». Vient au second rang la constitution tchadienne du 31 mars 1996 qui dispose en son article 47 que « Toute personne a droit à un environnement sain ». L'article 35 de la constitution du 20 janvier 2002 de la République du Congo Brazzaville va plus loin en assortissant le droit à l'environnement sain d'un devoir envers l'environnement : « Tout citoyen a droit à un environnement sain, satisfaisant et durable et a le devoir de le défendre ». Allant dans le même sens, le projet de constitution de la République centrafricaine adopté à l'unanimité par le conseil national de transition le 20 août 2004, affirme dans la première branche de son article 9 que « La République garantit à chaque citoyen le droit (...) à un environnement sain (..) ». La constitution de la République démocratique du Congo- la plus récente en date- adoptée par référendum en mai 2005, proclame à travers son article 53 que « Toute personne a droit à un environnement sain propice à son épanouissement intégral. Elle a le devoir de le défendre, l'Etat veille à la protection de l'environnement et à la santé des populations ». Cet article semble mieux garantir le droit de l'homme à l'environnement sain en ce sens qu'il reconnaît le droit à l'environnement et désigne par conséquent ses débiteurs. C'est ce qui ressort d'ailleurs du préambule de la constitution camerounaise. Contrairement aux constitutions sus évoquées, celle de la République du Cameroun de 1972 révisée le 18 janvier 1996, constitue un cas résiduel, car elle consacre le droit de l'homme à un environnement sain plutôt dans son préambule61(*)en ces termes : « Le peuple camerounais proclame que (...) toute personne a droit à un environnement sain. La protection de l'environnement est un devoir pour tous, l'Etat veille à la défense et à la promotion de l'environnement ». Somme toute, la consécration constitutionnelle du droit de l'homme et notamment des communautés forestières à un environnement sain se distingue bien du célèbre article 24 de la Charte africaine en ce sens que, les premières, non seulement donnent une connotation « individuelle » au droit à l'environnement sain, mais l'assortissent aussi d'un devoir par la désignation de ses débiteurs. Celui-ci faisant le pendant à celui-là. Nous espérons tout simplement qu'en application de la règle de la hiérarchie des normes, les normes infra constitutionnelles ont toutes entériné la voie ainsi tracée par les constitutions sus évoquées.
B : Proclamation législative ou réglementaire.
L'endroit de l'énoncé d'un droit est en lui-même significatif de l'importance que les législateurs nationaux lui accordent. En effet, en vertu de la règle de la hiérarchie des normes, toutes les lois, les décrets et arrêtés doivent être conformes à la constitution. Ainsi, certains États de la sous région d'Afrique Centrale l'ont bien compris, car à l'occasion de l'adoption ou de la reforme de leurs législations environnementales ou forestières n'ont pas manqué d'y inscrire le droit de l'homme à l'environnement. Il s'agit ainsi entre autres de la loi-cadre camerounaise du 05 août 1996 relative à la gestion de l'environnement qui dispose en son article 5 que « Les lois et règlements doivent garantir le droit de chacun à un environnement sain et assurer un équilibre harmonieux au sein des écosystèmes et entre les zones urbaines et les zones rurales ». Va dans le même sens la loi tchadienne définissant les principes généraux de la protection de l'environnement de 1998. En effet, son article 4 stipule : « Tout citoyen, individuellement ou dans le cadre d'institutions locales, traditionnelles ou d'associations, est chargé, en collaboration avec les collectivités territoriales décentralisées et l'Etat, d'oeuvrer, de prévenir et de lutter contre toute sorte de pollution ou de dégradation de l'environnement dans le respect des textes législatifs et réglementaires ». Si la reconnaissance constitutionnelle du droit de l'homme à l'environnement est généralisée du moins dans la sous région d'Afrique Centrale, il convient de relever qu'elle demeure résiduelle au niveau législatif et par conséquent est sans doute appelée à s'amplifier. Ainsi brièvement présenté, le droit de l'homme à l'environnement a fait l'objet d'une reconnaissance grandissante : D'abord, au niveau international dans les textes de soft law- déclaration de Stockholm de 1972-, ensuite au niveau régional, il a été affirmé à travers des textes de hard law- charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981 et enfin, au plan national par les dispositions de nature soit constitutionnelle, soit législative soit les deux à la fois. Par ailleurs, affirmé dans les déclarations de Stockholm et de Rio, repris par de nombreuses constitutions et législations nationales, le droit de l'homme à l'environnement est envisagé sous l'angle d'un droit individuel et rarement de manière collective. Seule la déclaration d'Alger de 1976 et la Charte africaine ont posé le droit de l'homme à l'environnement en terme de droit des peuples. L'aspect collectif de ce droit est, nous semble-t-il, bénéfique pour les peuples autochtones, car ces derniers faisant partie des communautés forestières ont toujours revendiqué des droits collectifs. Somme toute, la proclamation du droit de l'homme et notamment des communautés forestières à un environnement sain à travers de multiples instruments juridiques a contribué à la promotion et à la légitimation de ce droit dans divers pays du globe et particulièrement dans les pays d'Afrique Centrale. Mais reste à présent le plus difficile et le plus important : oeuvrer à sa protection ou mieux à sa garantie face à l'exploitation effrénée et parfois illégale des ressources forestières en Afrique Centrale. En d'autres termes, la garantie du droit des communautés forestières de la sous région d'Afrique Centrale à un environnement sain ne sera davantage effective que si et seulement si ces dernières sont impliquées dans l'exploitation des ressources forestières.
* 33 -en ce sens, nous pouvons faire allusion à la cour internationale de justice ou bien au conseil d'Administration pour l'application des conventions et recommandations de l'OIT; ce dernier par exemple est chargé de recevoir et d'examiner les plaintes déposées par tout individu qui estime que son Etat ne remplit pas ses obligations conventionnelles * 34- Pour plus de détails, voir Armelle Guignier, Le rôle des peuples autochtones et des communautés locales dans le développement durable : Figurants ou acteurs ? Mémoire de DEA précité, p.23 * 35 -Elle se tînt en Suède à Stockholm du 5 au 16 juin 1972 et représente la toute première grande conférence internationale organisée par l'organisation des Nations unies en matière d'environnement * 36 Alexandre, C. K., Introduction générale du droit de l'environnement : Illustration par les forêts, cours n°1, tronc commun, formation à distance, »ENVIDROIT» (actualisation 2005-2006 du cours) p.7 * 37 -Ibid, p.18 * 38- Parmi ces droits nous pouvons retenir le droit au respect de la vie privée, le droit à l'information, le droit à la jouissance des lieux légalement ou légitimement occupés et bien entendu le droit à l'environnement * 39 -Michel Prieur. op.cit.p.23 * 40- Il y a d'abord l'élaboration en 1981 d'un avant projet de troisième pacte des droits de l'homme relatif « aux droits de solidarité» garantissant le droit à un environnement sain et équilibré au niveau écologique. Il y a également l'adoption par l'Assemblée générale de l'ONU en 1990 de la résolution 45/94 relative à la nécessité d'assurer un environnement salubre pour le bien-être de chacun. Il y a enfin, la commission des droits de l'homme des Nations unies qui dans une résolution de 1991 reconnaît que» tout individu a le droit de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien-être». * 41- Ce document adopté en 1987 et souvent appelé rapport Brundtland (Brundtland est en passant, le nom du premier ministre Norvégien, présidente de ladite commission), insiste entre autre sur le besoin d'un développement durable des ressources par l'utilisation de moyens économiques et écologiques viables accélérant la croissance économique sans détériorer les bases fondamentales de la vie sur la planète * 42 -E. Brundtland, Notre avenir à tous, Oxford University press, 1987, p.348 * 43 -Sans être exhaustifs, nous pouvons retenir entre autre, le droit à la vie, le droit de ne pas être soumis à la torture et autres traitements et peines inhumains et dégradants, le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays (ceux-ci sont qualifiés : droits de la première génération.) ; Le droit au travail, le droit à la sécurité sociale (font plutôt partie des droits de la deuxième génération) et enfin les droits de la troisième génération ou droits de solidarité constitués des: droit à la paix, au développement et bien évidemment à l'environnement. * 44 -La première étant bien entendu celle de Stockholm ayant eu lieu 20 ans avant, jour pour jour. * 45 -Adoptée du 3 au 14 juin 1992 à Rio de Janeiro au Brésil et aussi connue sous le nom de Sommet « Planète terre ». * 46- Adopté également pendant la deuxième conférence mondiale sur l'environnement, ce texte s'intitule très exactement « Déclaration de principes, non juridiquement contraignante mais faisant autorité, pour un consensus mondial sur la gestion, la conservation et l'exploitation écologiquement viable de tous les types de forêts ». * 47 -Elle appelle les gouvernements à examiner les problèmes entravant les efforts déployés en vue d'assurer la conservation et l'exploitation écologiquement viable des ressources forestières, qui résultent de l'absence d'autres options offertes aux collectivités locales, notamment aux populations les plus défavorisées des zones urbaines et rurales qui sont économiquement et socialement tributaires des forêts et des ressources forestières. (Article 9-b de la déclaration sur les forêts). * 48 -Article 5 (a) de la déclaration sur les principes de gestion des forêts. Le texte intégral est accessible sur le site : http://www.un.org/french/events/riog2/rio-fp.htm * 49-Il s'agit notamment des peuples autochtones et communautés locales, les riverains et les habitants des massifs forestiers. * 50 -Notre travail faut-il le rappeler intervient dans un cadre géographique bien déterminé, la sous région d'Afrique centrale. Toutefois, nous ferons à titre de droit comparé allusion aux autres textes régionaux (Amérique, Europe) ayant aussi reconnu formellement le droit de l'homme à un environnement sain. * 51 -Owona (J), Les droits de l'homme, in Encyclopédie juridique d'Afrique Tome 2, édition NEA, DAKAR, 1984,p.369 * 52-Anoukaha (F), « Le droit à l'environnement dans le système africain de protection des droits de l'homme », Leçon inaugurale donnée à l'occasion de la rentrée solennelle de l'université de Dschang le 10 décembre 2002 p.12 * 53 -Mohamed Ali Mékouar, Le droit à l'environnement dans la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, Etude juridique de la FAO n° 16, avril 2001 p.4, accessible sur le site: http://www.fao.org/ * 54-Le terme classique ici, est utilisé dans le sens d'une antériorité de ces droits par rapport au droit de l'homme à l'environnement. * 55-Mbaya E. R., « Symétrie des droits et des devoirs dans la Charte africaine des droits de l'homme ». Les devoirs de l'homme. De la réciprocité dans les droits de l'homme. Fribourg. Editions Universitaires.1989.p.42 * 56-Quoique généralement individuels, les droits de l'homme peuvent être collectifs (la liberté syndicale par exemple) ou alors bien qu'habituellement collectifs les droits des peuples peuvent recevoir une application individuelle. (Tel le droit au développement). * 57-Mékouar A., op.cit.p.5 * 58-La convention interaméricaine relative aux droits de l'homme de 1969 n'y faisait guère allusion. C'est neuf ans plus tard que son protocole additionnel relatif aux droits économiques et sociaux signé à San Salvador le 17 Novembre 1988 a proclamé ce droit dans son article 11 en ces termes : «toute personne a le droit de vivre dans un environnement salubre et de bénéficier des équipements collectifs essentiels». * 59-L'art.24 de cette déclaration prévoit ; « Font parties intégrantes de toute politique communautaire;- la préservation, la protection et l'amélioration de la qualité de l'environnement ». Outre qu'il s'agit d'une déclaration, ce texte ne proclame pas au profit de la personne humaine l'existence d'un droit à l'environnement. Peut-être ces pays ont-ils estimé que leur environnement était-il tellement satisfaisant qu'il ne nécessitait plus une protection spéciale sur le plan européen. Cela eût été une erreur comme le démontre le vécu actuel des différentes atteintes à l'environnement dans cette région du globe. * 60-Anoukaha (F),op.cit.p.14 * 61-La consécration d'un tel droit à travers le préambule aurait soulevé le fameux problème de sa valeur juridique, si le législateur constitutionnel camerounais n'avait pas heureusement pris la peine de préciser à l'article 65 de la constitution de 1996 que « le préambule fait partie intégrante de la constitution»; par conséquent les droits reconnus dans le préambule méritent une protection au même titre que ceux proclamés dans le corps même de la constitution. |
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