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La problématique du loyer perçu anticipativement par l'usufruitier d'un immeuble à  usage résidentiel

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par Bienvenu Médard PONY MATSANDE
Université de Goma - Graduat 2007
  

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A. L'usufruitier-bailleur

Le bail est l'exemple-type des actes d'administration : acte tendant à conserver le bien et à le faire fructifier sans en altérer la substance. Pour ce faire, le bailleur doit donc avoir la capacité d'administrer, laquelle est en principe seule nécessaire.

Pour être pleinement valable, le contrat de bail suppose en principe qu'il a été consenti par le propriétaire exclusif de la chose. Lui seul dispose sans restriction de la jouissance de la chose et peut alors la transférer à son locataire. A ce sujet, il reste indéniable que l'usufruitier n'est nullement propriétaire exclusif. Pour être bailleur, il faut être titulaire du droit de jouissance car en effet, il ne transfère que la jouissance au locataire instantanément.1

Les obligations du bailleur aussi usufruitier deviennent beaucoup plus appréhensibles, déductibles lorsqu'il faut simultanément marier celles découlant de l'usufruit en soi et celles du bail.

S'en tenant au contrat bail, l'usufruitier-bailleur a :

· L'obligation de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce ;

· L'obligation d'entretenir la chose en état de servir l'usage pour lequel elle a été louée ;

· L'obligation de faire, pendant toute la durée du bail, de toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires sauf celles qui sont réputées locatives : cette obligation rencontre celle qu'a l'usufruitier à l'égard du nu-propriétaire. L'usufruitier est tenu de procéder aux réparations d'entretien pour qu'en fin d'usufruit la chose soit

1 J. NICOLAS, Service juridique de La FDSEA, sur http. www.juragricole.com, consulté le 30 mai 2008.

restituée au nu-propriétaire dans son état initial. Cependant, le mobile est tout autre s'agissant du contrat de bail : le bailleur procède aux réparations en cours de bail pour que la chose louée soit à même de servir impeccablement à l'usage du locataire, toujours pour lui assurer une jouissance paisible.

La notion de réparations d'entretien, dans l'usufruit, ne correspond pas à celle de réparations locatives. En effet, la première peut être plus large en raison de la limitation de grosses réparations par l'art. 606 du code civil Napoléon. Loin de là, l'usufruitier en donnant à bail se dégage de certaines obligations notamment les réparations qui seront imputables à son locataire. D'où l'intérêt pour l'usufruitier d'un immeuble à le donner à bail.

S'agissant des grosses réparations, l'usufruitier-bailleur peut en être contraint par son locataire. En effet, si l'immeuble loué nécessite des grosses réparations urgentes, le locataire obligera l'usufruitier -son bailleur- à les effectuer et non le nu-propriétaire.1 Ici, la situation du nu-propriétaire peut ainsi apparaître comme privilégiée. Mais tout compte fait, c'est à l'usufruitier de distinguer les réparations d'entretien à sa charge et les grosses réparations à la charge du nu-propriétaire en principe. Exceptionnellement, l'usufruitier peut immédiatement procéder aux grosses réparations dans l'espoir d'être indemnisé en fin d'usufruit par le nupropriétaire, ce conformément à l'art. 606 du code civil Napoléon.

S'en tenant à l'usufruit, l'usufruitier, qui d'orès et déjà bailleur, doit jouir de la chose en bon père de famille. En effet, l'art. 601 du code civil Napoléon l'y oblige. C'est que si l'usufruitier jouit de la chose pour lui-même et dans son intérêt, il ne doit jamais perdre de vue l'intérêt du nupropriétaire : la restitution de la chose en fin d'usufruit dans son état initial. Cette obligation implique qu'il doit se comporter en un possesseur raisonnable et diligent, consciencieux de la bonne conservation du bien. Dès lors que l'usufruitier ne jouit en bon père de famille, il y a abus de jouissance.

1 J. NICOLAS, Op.Cit., sur http:// www.juragricole.com, consulté le 30 mai 2008.

B. le locataire

L'usufruit n'a aucun effet sur les obligations du locataire. Elles restent intactes :

· L'obligation d'user de la chose en bon père de famille et de respecter la destination qui lui a été donnée par le bail ;

· L'obligation de payer le loyer tel que convenu.

§3. De la situation juridique nu-propriétaire par rapport au contrat de bail

Les baux autres que ruraux et commerciaux peuvent être valablement conclus par l'usufruitier seul, c'est dire les baux à usage résidentiel. Mais, le code civil Napoléon limite alors la durée des baux ainsi conclus. D'une part, les baux de plus de neuf ans n'obligent le nupropriétaire à la cessation de l'usufruit que jusqu'au terme de la période de neuf ans. Le nu-propriétaire dispose alors d'une action en réduction du bail qu'il peut exercer même s'il est héritier de l'usufruitier.

Cas type 1 : Mr X, usufruitier d'un immeuble à usage résidentiel, conclut bail le 1er janvier 2000 pour un terme quinze ans et meurt trois ans après. Ce bail n'oblige le nu-propriétaire à la cessation de l'usufruit que jusque neuf ans à dater de la conclusion du contrat de bail. Et donc ce contrat de bail est opposable au nu-propriétaire que jusqu'au 1er janvier 2009. Pendant ce temps (de 2003 à 2009), il doit le respecter et percevoir le loyer. Il dispose ainsi d'une action en réduction du bail de 2015 à 2009.

D'autre part, lorsque l'usufruitier a conclu un bail d'une maison pour neuf ans ou pour moins de neuf ans, il ne peut en autoriser par avance le renouvellement ou en conclure un autre par anticipation qu'au plus deux ans avant l'expiration du bail en cours.1

Cas type 2 : Mr Y, usufruitier d'un immeuble à usage résidentiel, conclut bail pour un terme de huit ans. Il ne peut ni renouveler ni conclure un autre bail avant la sixième année du contrat de bail en cours. Si non, ce dernier contrat ne sera ne produira des effets externes à l'égard du nu-propriétaire.

Ce régime de baux consentis par l'usufruitier s'applique dans la limite de la théorie de la fraude : le nu-propriétaire peut contester le bail

1 Voir art. 595 al. 2 code civil Napoléon in A. LUCAS, Op.cit.p.359.

même inférieure à neuf ans s'il prouve qu'il a été conclu dans l'intention de lui nuire1. Ainsi, alors que même l'usufruitier aurait le droit de conclure seul le bail, ce contrat peut être annulé par application de l'adage fraus omnia corrumpit.

Sous ce paragraphe, il est question d'examiner l'effet du contrat de bail au nu-propriétaire tant en cours d'usufruit qu'à sa fin.

A. En cours d'usufruit

Après la constitution d'usufruit, le nu-propriétaire n'a plus que le droit de disposer de la chose, objet d'usufruit. Aussi, ne peut-il pas la donner à bail.

Au regard de l'art. 63 CCC L III : « les conventions n'ont cl'effet

qu'entre les parties contractantes, elles ne nuisent point au tiers, et elles ne luiprofitent que clans le cas prévu par l'art. 21 », le nu-propriétaire par rapport
au contrat de bail ainsi conclu est un véritable penitus extraneï : le bail qui a
été conclu entre l'usufruitier et le preneur à bail ne peut nuire ni profiter au
nu-propriétaire sous réserve des prescrits de l'art. 21 CCC L III. Cependant,
cela ne revient pas à dire que le contrat de bail ne lui est inopposable.

Confrontant l'art. sus évoqué et l'obligation qu'a l'usufruitier de requérir l'accord du nu-propriétaire pour donner à bail excédent neuf ans d'un immeuble à usage résidentiel, malgré cet accord, le nu-propriétaire ne sera point soumis aux obligations engendrées par le contrat de bail.

Somme toute, en cours d'usufruit le contrat de bail est opposable au nu-propriétaire. Il ne subit que l'effet extrinsèque de ce contrat comme tout autre tiers.

B. En fin d'usufruit

L'usufruitier perdant son droit, soit par sa mort soit par l'expiration du terme, laisse sans créancier le contrat de bail surtout qu'il ne peut le transmettre à ses héritiers.

S'agissant exclusivement d'un immeuble à usage résidentiel, les baux que l'usufruitier a seul faits pour un temps qui excède neuf ans, ne sont, en cas de cessation de l'usufruit, obligatoires à l'égard du nu-

1 A. LUCAS, Op.cit., p.360.

propriétaire que pour le temps qui reste à courir, soit de la première période de neufs ans si les parties s'y trouvent encore, soit de la seconde et ainsi de suite de manière que le preneur n'ait que le droit d'achever la jouissance de la période de neufs ans où il se trouve.1

A ce propos, LUKOMBE NGHENDA - à qui nous prêtons main forte- précise que cette mesure est sage car un bail de longue durée, qui obligerait le nu-propriétaire pour toute sa durée, serait une atteinte à la reconstitution de la pleine propriété.

Quant aux baux -d'immeuble à usage résidentiel bien sûr-, de neuf ans ou en dessous de neuf ans que l'usufruitier a seul passés ou renouvelés plus de deux ans avant l'expiration du bail courant, ils sont sans effet à moins que leur exécution n'ait commencé avant la cessation de l'usufruit.2 C'est dire que le bail doit être en cours d'exécution. Le bail qui n'aurait pas commencé à être exécuté avant la fin d'usufruit ne lierait pas le nu-propriétaire, une fois la pleine propriété reconstituée.

Somme toute, en fin d'usufruit, le contrat de bail tel que conclu lie le nu-propriétaire. Non seulement que ce contrat lui reste opposable en outre il a l'obligation de faire jouir paisiblement le locataire. Par ricochet, le nu-propriétaire devient partie au contrat de bail et assume toutes les obligations du dit contrat en qualité de bailleur, ce jusqu'à l'expiration du terme du contrat de bail selon les modalités décrites supra.

SECTION II. DE L'ADMINISTRATION DE L'IMMEUBLE A USAGE
RESIDENTIEL DONNE A BAIL PAR LE CONJOINT SURVIVANT

Il sied de rappeler que l'usufruit peut également résulter de la loi -tel est le cas sous examen- soit du contrat généralement à titre gratuit en général.

En effet, le code de la famille accorde l'usufruit au conjoint survivant sur un certain nombre de biens du patrimoine commun. Son art. 785 dispose :

1A. LUCAS, Op.cit., p.359. 2 Ibidem.

« Le conjoint survivant a l'usufruit de la maison habitée par les époux et les meubles meublants.

Il a en outre droit à la moitié de l'usufruit des terres attenantes que l'occupant de la maison exploitait personnellement pour son propre compte ainsi que du fonds de commerce y afférent, l'autre moitié revenant aux héritiers de la première catégorie.

En cas de mise en location de la maison habitée par les époux, le fruit de celle-ci est partagé en deux parties égales entre le conjoint survivant et les héritiers de la première catégorie.

L'usufruit du conjoint survivant cesse par le convole de ce dernier ou sa méconduite dans la maison conjugale, s'il existe des héritiers de la première ou de la deuxième catégorie ».

A ce niveau, il nous est impérieux de préciser à nouveau l'objet de notre étude : l'immeuble à usage résidentiel, ici, la maison habitée par les deux époux.

§1. Du droit de donner à bail la maison habitée par les deux époux

L'institutionnalisation de l'usufruit du conjoint survivant avait été inspirée pour parer au traitement injuste dont les veuves sont victimes lors du partage de l'héritage laissé par leurs maris défunts. Conformément à l'art. 785 al.3 de la loi n°87/010 du 1er août 1987 portant code de la famille, il est réglementé l'hypothèse d'une mise en location de la maison habitée. Ce qui revient de droit au titulaire du droit d'usufruit sur cette maison de la donner à bail.

§2. De la situation juridique des parties au contrat de bail

Notre code de la famille instituant l'usufruit au profit du conjoint survivant, n'a malheureusement pas prévu les règles relatives aux obligations de l'usufruitier moins encore celles relatives à l'usufruitierbailleur -conjoint survivant- et son locataire. Il y a lieu dès lors de faire application des règles du droit commun, celles du code civil Napoléon appliquées en RDC en tant que principes généraux de droit, vu l'art.1 de l'ordonnance de l'administration générale du Congo du 14 mai 1886.

En outre de règles relatives à l'extinction d'usufruit telles qu'édictées par le code civil Napoléon, l'usufruitier de la maison habitée par les deux époux perd la qualité de bailleur -car son droit cesse- par son convole ou sa méconduite dans la maison conjugale, s'il existe des héritiers de la première ou de la deuxième catégorie.1

De même, dans leur lien de droit, les règles du CCC L III relatives au contrat de bail sont d'application.

§3. De la situation juridique du nu-propriétaire par rapport au contrat de
bail ainsi conclu

La conservation de la chose, qui est une obligation pour l'usufruitier, fait naître dans le chef du nu-propriétaire l'espoir de voir la chose lui être restituée en son état initial. Probablement et suite à cet espoir du nu-propriétaire, l'usufruit est souvent pratiqué entre membres de famille et il reçoit ainsi la qualification d'usufruit familial, car il y est destiné pour les nécessités familiales.2

Il en ressort que les titulaires de deux droits -d'usufruit et de nue-propriété- sont parents. Les nus-propriétaires, étant les héritiers de la première catégorie, à défaut ceux de la deuxième, sont plus d'un. Ils sont alors titulaires de la nue-copropriété. Cette dernière est de nature particulière. Elle n'est en réalité nue. Ses titulaires jouissent des fruits (loyer) de la maison jadis habitée par les deux époux. Ce loyer est en effet partagé en deux parties également entre l'usufruitier (le conjoint survivant) et les nus-copropriétaires.3 Cette mesure a bel et bien sa ratio. En effet, conformément à l'art. 720 al.1 du code de la famille, une obligation alimentaire existe entre parents en ligne directe. Cette disposition peut se voir être la justification du partage du loyer.

En pratique, les nus-copropriétaires font acter leur consentement à la conclusion du contrat de bail, en vue de la satisfaction de leurs besoins surtout vitaux. Aussi, pourrions-nous dans le cas d'espèce leur conférer qualité de parties au contrat !

1 Voir art.785 in fine de la loi n°87/010 du 1er août 1987 portant code de la famille.

2 KANGULUMBA MBAMBI, Op.cit., p.274.

3 Voir art.785 al.3 de la loi n°87/010 du 1er août 1987 portant code de la famille.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote