B. Des obligations du bailleur
Aux termes de l'art. 376 CCC L III, trois obligations
principales dans le chef du bailleur concrétisent l'assurance du preneur
à la jouissance paisible du bien loué. Elles sont : la
délivrance au premier de la chose de la chose louée, l'entretien
de cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a
été louée et la jouissance paisible au preneur.
1. l'obligation de délivrer la chose
louée
Le bailleur doit au premier mettre la chose à la
disposition du locataire. Il déclenche l'exécution du contrat.
L'art. 377 al. 1 CCC L III d'ajouter : « le bailleur est tenu
délivrer la chose en bon état de réparation de toute
espèce ». Cette obligation consiste dans la mise à la
disposition du bien loué au locataire à la date convenue. Le
bailleur délivre non seulement la
1 Elis, 20 sept 1923, Jur.Col., 1921, p.269, in LUTUMBA WA
LUTUMBA, Op.cit, p.53.
chose louée elle-même mais également ses
accessoires déterminés en fonction de la nature de la chose et du
contenu de la convention.
La délivrance du bien s'étend à une chose
<< en bon état de réparations de toute espèce
».1 C'est dire que le bailleur est tenu, pour la
délivrance, à toutes les réparations nécessaires, y
compris celles qui seront à la charge du locataire en cours de bail. En
cas d'inexécution dans le chef du bailleur de cette obligation, le
locataire peut l'y contraindre par exécution forcée voire
procéder à la résiliation du contrat de bail
principalement ; indemnisation, subsidiairement.
2. l'obligation d'entretien
Ici, le bailleur doit d'une part entretenir la chose en
état de servir à l'usage pour lequel elle a été
louée.2 Il doit également effectuer toutes les
réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que locatives
pendant la durée du bail.3
En effet, l'obligation de mettre les lieux en bon état
n'est qu'une conséquence de l'obligation de procurer au preneur
l'entière et pleine jouissance de la chose louée.
3. l'obligation de faire jouir paisiblement
Il s'agit ici d'une obligation passive - de ne pas faire-. Le
bailleur ne doit pas troubler la jouissance de son locataire.4
LUTUMBA WA LUTUMBA qualifie cette obligation de ne pas faire
de << garantie du fait personnel ». Il ajoute qu'elle procède
directement de l'obligation essentielle de faire jouir paisiblement le preneur
et vient en complément de la délivrance et de l'entretien. C'est
ainsi que le bailleur ne peut pas, durant le bail, changer la forme de la chose
louée sans l'accord du preneur. Il ne peut donc pas
ultérieurement modifier les conditions de la jouissance ni les
éléments qui composent le bien ainsi loué.5
1 F. COLLART et Ph. DELEBECQUE., Contrats civils et
commerciaux, Dalloz, Paris, 1991, p.308.
2 Voir art. 376 point 2 du décret du 30 juillet 1888
relatif aux contrats ou aux obligations conventionnelles.
3 Voir art. 377 al. 2 du décret du 30 juillet 1888 relatif
aux contrats ou aux obligations conventionnelles.
4 Voir art. 376 point 3 du décret du 30 juillet 1888
relatif aux contrats ou aux obligations conventionnelles.
5 F. COLLART et Ph. DELEBECQUE., Op.cit., p.332.
SECTION III. DES RESSEMBLANCES ET DISSEMBLANCES
ENTRE L'USUFRUIT ET LE CONTRAT DE BAIL
§1. Sur la nature des droits
Le droit de créance et les droits réels
étant deux de trois droits patrimoniaux diffèrent tout de
même dans leur contenu.
Les seuls droits réels sont : la
propriété, les droits de superficie, l'usufruit, l'usage et
habitation,... 1 Le droit réel, en tant que
prérogative reconnue et exercée directement, ce sans
intermédiaire, confère à son titulaire un droit absolu, de
suite et de préférence :
· Absolu : ce droit est opposable erga omnes.
Son titulaire peut s'en défendre envers et contre tous - s'agissant de
l'usufruit, l'usufruitier en exerçant son droit doit sauvegarder
l'intérêt du nu-propriétaire ;
· Son titulaire est habilité à revendiquer
son droit entre les mains de quique ce soit. Ainsi, l'usufruitier
d'un immeuble donné à bail ou vendu
par son nu-propriétaire peut toujours le
réclamer respectivement auprès du locataire en troublant sa
jouissance notamment ou de l'ayant cause à titre particulier ;
· Le droit de préférence suppose qu'en cas
de conflit l'opposant à d'autres personnes, le titulaire d'un droit
réel est toujours préféré car il est
considéré comme propriétaire.2
Cependant le contrat de bail - contrat de louage - est une
convention faisant naître des obligations entre parties dont l'une
d'entreelles - le bailleur - a le droit d'exiger de l'autre - le locataire -
une prestation positive c'est-à-dire celle de payer le prix. Cette
définition reflète bien celle du droit de créance. Ne
mettant pas en exergue l'objet du contrat, le contrat de bail met en
évidence plutôt les personnes : le bailleur et le locataire. Par
ce fait, le contrat de bail ne porte pas directement sur une chose plutôt
sur des personnes dont il permet à l'une d'exiger à l'autre une
prestation. Aussi, le contrat de bail engendre-t-il un droit personnel ou un
droit de créance.
1 Voir art.1 al.1 de la loi n°73-021 du 20 juillet 1973
portant Régime général des biens, Régime foncier et
immobilier et Régime des sûretés telle que modifiée
et complétée par la loi n°80/008 du 18 juillet 1980.
2 KANGULUMBA MBAMBI, Op.cit., p.94
§2. Quant à la jouissance
Le bail se différencie de l'usufruit même si
tous deux confèrent le droit de percevoir les fruits. Cette
différence se dénote au point de la destinée de ces fruits
perçus. Ces derniers étant civils, l'usufruitier doit
prioritairement les affecter aux réparations d'entretien de la chose -
objet d'usufruit - jouissant ainsi en bon père de famille et
sauvegardant l'intérêt du nu-propriétaire en fin
d'usufruit. Le bailleur quant à lui jouit de ces fruits à sa
propre guise.
§3. En ce qui concerne la classification des
contrats
Le bail est un contrat à exécution successive
continue. Il donne naissance à des obligations qui s'étalent dans
le temps. Il peut être à durée indéterminée
ou déterminée. Par mutus dissessus, les parties peuvent
mettre fin à ce contrat. Le bail est généralement à
titre onéreux commutatif.
Quant à usufruit, il reste indéniable qu'il
prend effet par l'écoulement du temps. Il est également donc
à exécution successive. Sa durée est soit
déterminée soit déterminable mais pas
indéterminée. Il peut aussi peu être constitué
à titre onéreux commutatif.
§4. En ce qui touche le mode d'extinction
principal
L'usufruit s'éteint toujours à la mort de
l'usufruitier : droit viager. Ce fait entérine le caractère
temporaire de ce droit, permettant ainsi au nu-propriétaire de rendre
dans la pleine propriété ; ses héritiers ne peuvent
prolonger la perception des fruits.
Cependant, le bail ne s'éteint guère à la
mort du bailleur. Ses héritiers prolongent la perception des fruits.
CHAPITRE DEUXIEME DE L'ADMINISTRATION DE L'IMMEUBLE
A USAGE RESIDENTIEL GREVE D'USUFRUIT ET DONNE A BAIL
En pratique, il est vrai que l'administration d'un immeuble
à usage résidentiel grevé d'usufruit et donné
à bail n'est pas aisée. Un même immeuble est concomitamment
objet du droit d'usufruit et du contrat de bail. Il nous revient sous le
présent chapitre de déterminer les mécanismes de cette
administration. Pour mieux ce faire, élucidons d'abord l'administration
de cet immeuble en général (SECTION I) avant de présenter
les méandres de l'administration de la maison jadis habitée par
les deux époux : objet d'usufruit du conjoint survivant (SECTION II).
SECTION I. DE L'ADMINISTRATION EN GENERAL
§1. Du droit de donner à bail
Sous ce paragraphe, il s'agira de donner solution à
l'interrogation de savoir si l'usufruitier peut donner sa chose - objet
d'usufruit - à bail ; sinon le nu-propriétaire.
Déplorant toujours le caractère lacunaire de la
loi dite foncière, la solution est à rechercher dans le code
civil Napoléon dont ses dispositions sont d'application en RDC comme
principes généraux de droit.
En effet l'art. 595 du code civil Napoléon dispose :
« l'usufruitier peut jouir par lui-même, donner à bail
à un autre, même vendre ou céder son droit à titre
de gratuit ». Et donc, affirmons qu'il est de principe
général de droit que l'usufruitier a le droit de donner à
bail sa chose - objet d'usufruit -.
Un autre argument peut nous permettre de déduire ce
droit - de donner à bail - qu'a l'usufruitier : l'usufruitier est entre
relation directe et immédiate avec la chose et conditionnellement
indépendant de son nupropriétaire. Sur ce, il peut librement et
personnellement décider d'user par lui-même ou de donner à
bail à un autre sauf les restrictions qui résultent du code civil
Napoléon pour les autres types d'immeubles que celui à usage
résidentiel : tels les immeubles à usage
commercial où l'usufruitier doit requérir au préalable
l'aval du nu-propriétaire avant de conclure bail.
Un autre argument encore découlant de la nature du bail
et qui n'enfreint point les déterminants de l'usufruit : le contrat de
bail est un acte juridique d'administration. Ce dernier in lato sensu
désigne l'acte ayant pour but la gestion normale d'un patrimoine
tout en conservant sa valeur et en le faisant fructifier ; in stricto
sensu il est opposé à l'acte de disposition.
Cet acte tend à maintenir les droits dans le patrimoine
et ne peut de ce fait entraîner leur transmission.1
Eu égard à ce précédent
paragraphe, l'usufruit-bail n'enfreint en rien les caractéristiques de
l'usufruit en ce sens que le bail maintien la chose - objet d'usufruit et du
bail - dans le patrimoine de l'usufruitier, elle n'est point transmise au
locataire. D'où l'espoir pour le nu-propriétaire de se voir
ultérieurement pleinement propriétaire de la chose.
Ajoutons que le Professeur LUKOMBE NGHENDA précise
qu'il est à reconnaître à l'usufruitier le droit
d'accomplir des actes d'administration sur la chose elle-même. Par
exemple, il peut donner mandat à autrui, de gérer en son nom,
.... Le plus courant des actes d'administration, au moins en ce qui concerne
les immeubles, est le contrat de bail. Or, non seulement en raison des
prérogatives consenties au preneur dans certains baux, le bail n'est pas
toujours un acte d'administration conformément à la loi du
française du 13 juillet 1965 modifiant et complétant l'art. 595
du code civil Napoléon en ce qui concerne la possibilité pour
l'usufruitier de conclure un contrat de bail. Il résulte de cet art. 595
du code civil Napoléon dans sa rédaction par la loi la modifiant
et la complétant que l'usufruitier peut consentir seul les baux qui sont
considérés comme des actes d'administration : il s'agit notamment
des baux à usage résidentiel ne dépassant pas neuf
années. Dans ce cas, si l'usufruit vient à cesser avant la fin du
bail, le preneur pourra jouir du bien jusqu'à l'expiration du
bail.2
1 R. GUILLIEN et J. VINCENT., Op.cit., p.10.
2 LUKOMBE NGHENDA, Op.cit., pp.599-600
Bref, en plus de la constitution du bail par l'usufruitier, ce
dernier n'entrave en rien les déterminants de l'usufruit.
§2. Des obligations des parties au contrat de
bail
Sous ce paragraphe, examinons les obligations et contractuelles
réciproques des parties : usufruitier-bailleur (A) et
locataire (B).
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